« Louceny CAMARA a été placé sous mandat de dépôt le 27 avril 2022. Suite à une demande introduite par ses Avocats, la Chambre de l’instruction de la CRIEF a ordonné le 2 mai 2022 son placement en milieu hospitalier pour y recevoir des soins appropriés, soit cinq (5) jours après son placement en détention. Et depuis cette date, il est sous soins nécessaires au service de cardiologie du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) Ignace-Deen. Malheureusement, ce samedi 20 août 2022, il a rendu l’âme dans les environs de 22 heures ». Telles sont les informations données par le ministère de la Justice guinéen quelques heures après la mort de celui qui a été président de la CENI, plusieurs fois ministres, et député sous la présidence d’Alpha Condé.
Louceny Camara, avant de voir sa santé se dégrader en prison, a fait une confidence à un de ses proches qui nous a révélé la quintessence de leur conversation. Selon notre interlocuteur, l’ancien président de la CENI lui a dit qu’on lui reprochait d’avoir pris avec un opérateur économique chinois 20 millions de Francs guinéens.
Les faits. Un jour il (Louceny Camara) aurait rendu une visite de courtoisie à Amadou Damaro Camara, président de l’Assemblée de l’époque, en quittant il l’aurait taquiné : « Grand frère je n’ai pas de carburant ! » « Je n’ai rien ici, si tu rentres à la maison passe déposer pour moi les chèques de monsieur [ nous taisons volontairement le nom de cet opérateur économique chinois qui avait effectué des travaux pour le compte de l’assemblée nationale] », aurait retorqué celui qui, jusqu’au coup d’état du 5 septembre était le président de l’Assemblée nationale.
Ainsi ordonné ainsi fait. L’opérateur en recevant ses chèques, aurait donné à Louceny 20 millions GNF. « Grand frère le destinataire des chèques les a reçus. Il m’a donné 20 millions GNF », aurait dit au téléphone, Louceny à Damaro. Celui-ci répond : « Tu disais n’avoir pas de carburant non ? Alors c’est ton carburant ! »
Quand il a été convoqué à la direction des investigations de la gendarmerie nationale, grand aurait été son étonnement de voir son interrogatoire se faire autour de cette « affaire ».
A l’enquêteur, il aurait expliqué ce qui vient d’être relaté. Le gendarme n’ayant trouvé aucun délit à recevoir de l’argent d’un homme généreux qui ne lui a demandé rien en retour, était sur le point de le laisser partir quand un des hauts responsables de la Gendarmerie est descendu pour lancer qu’il n’est pas question que Louceny parte. « Le fait d’accepter l’argent est un acte de corruption », aurait-il scandé. « Corruption par rapport à quoi » ? « Je n’ai donné aucun marché » ! « C’est un délit de recevoir de l’argent d’une personne à qui on n’a rien demandé » ? Rien n’y fit. Louceny a été mené à la case prison. A notre source, celui qui est décédé le 20 août dernier en détention après que sa famille a sollicité en vain une évacuation sanitaire, a dit qu’il pense subir des représailles politiques.
Précision. La CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières), examine normalement des infractions économiques et financières d’au moins un milliard de francs guinéen. Question : Pourquoi Louceny à qui on reprocherait la corruption autour d’un montant de 20 millions était poursuivi par la CRIEF ? Parce que celle-ci a ouvert une enquête autour de la contrepartie que l’Etat guinéen doit payer dans le projet de construction de l’Assemblée nationale. Un montant qui s’élèverait à 15 milliards dont une bonne partie aurait été orientée dans la prise en charge du fonctionnement de l’assemblée en attendant le débocage du budget de celle-ci. Et c’est dans l’attente que survint le coup d’état…
Aziz Sylla pour guinee7.com