« Les larmes les plus amères que l’on verse sur les tombes, viennent des mots que l’on n’a pas dits et des choses que l’on n’a pas faites » (Harriet Beecher).
Quelques jours après le coup d’Etat militaire, l’image avait ému plus d’un, suscité moult commentaires sur les réseaux sociaux et ailleurs. Il est vrai que voir un malabar des forces spéciales pleurer comme une Madeleine n’a rien de banal. Même au milieu d’une nécropole.
Qui plus est quand sur les lieux, baptisés « cimetière des martyrs » par le principal parti d’opposition au président renversé, gisent, six pieds sous terre, près de deux cents victimes de la répression des manifestations politiques.
Le soldat a-t-il mis à contribution ses glandes lacrymales par compassion ? Ses larmes, étaient-elles l’expression d’un remord ou simplement un faux-semblant ? Chacun y est allé de son entendement, mais presque tous ont cru, un peu naïvement, que la scène marquait la fin des tueries de manifestants dans la zone de Bambetto, Cosa et autres Hamdallaye, transformée depuis plus d’une décennie en une immense scène de crime.
Ce n’était que pure illusion. Des mois après le putsch du 5 septembre 2021, le décompte macabre a repris de plus belle. À chaque manifestation lancée par le FNDC (Front national de défense de la constitution) qui, comme son nom ne l’indique pas, semble plutôt aujourd’hui préoccupé à aiguillonner la junte pour un retour rapide à un pouvoir civil élu, on tend l’oreille et jette le regard sur les réseaux sociaux : dans cette atmosphère de terreur, en plus de l’adrénaline y a-t-il eu épanchements d’hémoglobine ? Combien de pauvres citoyens ont vu leur nom rayé du monde des vivants ?
Le FNDC a été dissous alors qu’il n’existait que de fait, alors, tel un fantôme, il vient hanter les nuits des maîtres du moment et faire planer son ombre, à l’image d’un spectre, à l’occasion des journées de braise en banlieue de Conakry.
Rien n’est fini, tout commence ?
Le constat ? Comme à l’époque du régime défunt, les auteurs des tueries ne sont pas traînés devant Dame Thémis. Pendant ce temps, le FNDC continue d’appeler à des nouvelles manifestations ; le pouvoir kaki de s’arc-bouter sur sa décision de les interdire, en violation de la charte qu’il a enfantée ; les organisations de défense des droits humains de s’étrangler d’indignation ; et l’ancien procureur devenu ministre de la justice, l’exubérant Charles Wright, de multiplier communiqués, mouvements de menton et effets de manche.
Il est peu probable que le rapport des experts de la CEDEAO (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest) et leurs homologues guinéens, vienne calmer les ardeurs des uns et des autres.
Déjà, au sujet du chronogramme, la polémique commence à enfler. D’abord à propos des 24 mois proposés comme durée, non pas de la transition qui a logiquement débuté au lendemain du putsch, mais de ce qui devrait en rester ; ensuite sur la date d’enclenchement du compte à rebours. Et l’on a toutes les raisons d’appréhender une radicalisation des positions, voire une exacerbation des tensions dans les semaines et mois à venir.
Quant aux criminels qui font des cartons sur de pauvres citoyens lors des manifestations politiques et sociales, ça se pourrait qu’ils n’aient pas tellement de soucis à se faire. Hélas !
En tout cas, la tenue du procès des événements de septembre 2009, n’a pas dû impressionner les auteurs des récentes tueries à Conakry. L’explication serait peut-être à chercher dans le scénario que laissent déjà entrevoir les audiences du tribunal ad-hoc. Le glaive de la justice pourrait ne s’abattre que sur les commanditaires et autres hauts perchés de la junte de l’époque. Quant à ceux d’en bas qui ont joué aux satyres et eu les mains dans le cambouis, pardon dans le sang…