Les activités de déguerpissement vont bon train dans la commune de Dixinn, à Conakry. Logé à proximité de l’échangeur de Moussoudougou (pont 8 Novembre, anciennement), la paillote, lieu culturel mythique , est aussi menacé par la démolition.
Ce jeudi, un constat nous a permis de voir que de nombreuses maisons dans ce quartier, ont déjà goûté à la force des caterpillars infatigables du génie militaire.
À notre arrivée dans les locaux de la paillote, qui bien que sa clôture soit marquée par des croix rouges, soit encore intacte, on nous montre, l’administrateur, nommé Sylla Foté. À notre sollicitation d’une interview, l’homme répond par la négative, affirmation hors micro que les locaux n’étaient pas concernés et par conséquent, qu’il n’avait rien à confier à la presse, qui d’ailleurs envenime la situation à travers les commentaires selon lui.
Rencontré un peu plus loin, Kabinet Doumbouya, neveu de feu Papa Kouyaté, nous a confié leur désespoir et soutenu que malgré ce qui se dit, ils n’ont pas été dédommagés. « Nous avons vu qu’une soirée aux environs de 17h/18h, ils ont mis des croix chez nous sans papiers et sans préavis. quatorze (14) jours seulement, et on vient démolir. Ils sont là à dire qu’on nous a donné 10 millions, alors qu’on a pas reçu un franc. On a perdu du matériel. Tout le monde sait ici que Papa Kouyaté était à la paillote ici depuis en 1962. Il était dans les orchestres nationaux Kèlètigui et Tambournin. Il a fait 32 ans avec Myriam Makéba. Il est mort aveugle. C’est eux même qui ont mis cette loi, quand tu loges quelqu’un chez toi, si tu ne veux plus l’y voir, tu dois lui donner 3 mois de préavis au moins. Il fallait nous donner même si c’est deux mois pour qu’on se prépare à sortir au moins. A l’heure là, pour manger, c’est des problèmes. Partout où tu vas, on te dit 1 an ou 2 ans d’avance pour la maison. On nous fait sortir comme ça. On perd ce que nos vieux ont cherché. Au moment qu’ils travaillaient pour ce pays là, il paraît que c’est grâce à cet argent qu’on payait les fonctionnaires. Ils ne sont certes pas parmi nous aujourd’hui, mais leurs familles sont là. Ça fait au moins trois jours qu’on a déguerpi, nos bagages sont là, les gens dorment dehors. Ils ont fait pour eux. Mais Dieu est grand. »
Par ailleurs, il a plaidé la cause de la paillote qui fait partir du patrimoine culturel de la République de Guinée. « Si ça ne tenait qu’à moi, on allait laisser la paillote ici et la renover. On doit la sauvegarder. Puisque la paillote rappelle le temps de Sékou Touré, le temps de la révolution. »
La démolition ne touche pas que le quartier dénommé la paillote. Des bâtiments de la cité des médecins aussi en font les frais.
Mory Moussa Doukouré, qui est l’un des déguerpis de cet endroit, nous a expliqué hors micro, en nous montrant le tableau démoli de sa fille sous les décombres, qu’il a été obligé de confier sa famille à sa belle famille.
Il nous a aussi expliqué la situation : « je loge à la paillote, mais pas dans l’enceinte. Mais dans la cité des médecins. Il n y a pas de mots pour estimer ce que je viens de voir. Parce que les gens qui vivent à la paillote ici, y ont fait plus de 50 ans à ces endroits. C’était presqu’une famille. La plupart de ces artistes là sont décédés et y ont laissé leurs veuves et enfants. Ils sont venus faire tomber leurs maisons, ils ne savent plus où aller. Et la plupart de ces artistes n’ont pas eu le temps de réaliser, parce que tout le monde sait au temps de Sékou et Lansana, ce sont des gens qui n’ont pas eu grand chose. Il y a une cour derrière ici là, où tout le monde a ses bagages, chez madame Kaba, chez Ciprien. Tout le monde passe la nuit à la belle étoile. Les autorités doivent revoir cela. »
La question qu’il reste à se poser, c’est jusqu’à quand la paillote qui regorge assez d’histoire échappera t-elle à ce déguerpissement qui semble la menacer?
Abdou Lory Sylla pour guinee7.com