Les Forces vives de Guinée (FVG), écornées par une communication à double sens, entre les annonces attribuées par la presse à l’ex président Alpha Condé, pourtant officiellement en convalescence en Turquie, et les récentes déclarations au vitriol faites sur son adversaire naturel par Cellou Dalein Diallo, l’autre tête forte de la grande coalition, à nos confrères de Guinéenews, devront jouer serré pour esquiver chausse-trappes et pièges à souris, dans un contexte rendu encore plus compliqué par la posture de la junte militaire au pouvoir en Guinée…
A première vue, la lutte de leadership au sein des FVG, engagée entre l’ex président de la République déchu par le putsch de septembre 2021 et son ex principal opposant, pourrait être résumée en une seule saillie : « avec des “amis” comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis ! ». Mais les choses ne sont pas si simples…
Certes, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, les “meilleurs ennemis” du monde, n’ont jamais été de vrais amis (même sous Lansana Conté (1984-2008), où le premier était malmené !), mais leur situation actuelle, politiquement parlant (tous les deux en exil, tous les deux sur la touche, tous les deux sous menace de poursuites judiciaires une fois en Guinée), est d’une similarité frappante.
L’un ne pourra jamais réussir sans l’autre, dans leur dessein publiquement exprimé de (re)conquérir le pouvoir après l’avoir laissé filer entre ses doigts ou de s’y hisser pour la première fois, comme si l’histoire se moquait des deux personnalités qui ont monopolisé la vie politique guinéenne durant les années Alpha (2010-2021).
Il y a eu entre temps tant de frustrations, tant de blessures, tant de rancœurs, tant de préjugés qui ont affecté, voire radicalisé, l’un vis à vis de l’autre, les positions des leaders du Rassemblement du peuple de Guinée Arc en Ciel (RPG-AEC) et de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), mais est-ce à ces détails de parcours que se résume la politique ?
Il est évident qu’aussi longtemps que les deux mastodontes des élections en Guinée ressasseront les coups bas qu’ils ont eu à se porter mutuellement, dans des positions certes différentes, mais qui ont visiblement laissé des traces, la transition guinéenne, version colonel Mamadi Doumbouya, a de très beaux jours devant elle.
Certes, Cellou pourra toujours égrener le chapelet de couleuvres qu’il a dû ingurgiter de force face à un pouvoir, celui d’Alpha, qui l’a martyrisé (plusieurs dizaines de morts, des centaines de blessés lors des manifestations) étouffé et nargué, mais il ne semble pas que les derniers événements le concernant (humiliations de toutes sortes, encore des morts et des blessés, domicile privé rasé, exil, “trahison” de ses plus proches lieutenants, etc.) lui permettent de “chanter maintenant”, comme l’a si subtilement insinué un confrère à la plume bien trempée dans de l’acide sulfurique (défense de rire !).
De son côté, après avoir été grisé par la toute puissance que le pouvoir confère, le vieux politicien, Alpha Condé, 84 ans, chemise déboutonnée, regard hagard, affiché comme une curiosité dans l’un des fiefs de son ex opposant, sous les quolibets, les railleries, les épithètes et les insultes, ne devrait pas trop penser à la manière dont son “intime ennemi” a accueilli sa chute. Il parait qu’il ne comprend toujours pas pourquoi un “républicain”, un “libéral”, a pu “applaudir” un coup d’état militaire…
Il reste évident que ni l’un ni l’autre ne fera le poids face aux ambitions affichées ou dissimulées des nouveaux maîtres de Conakry qui tiennent fermement le pouvoir en République de Guinée. Malheur à celui qui refusera de prendre de la hauteur, jettera son costume de “vrai leader”, pour tenter vainement, en ignorant les enjeux du moment et à venir, de placer ses ressentiments personnels au-dessus de la charge incombant à tout homme d’Etat !
Dans l’un comme dans l’autre cas, ce serait une grave faute politique, une étiquette que l’histoire, qui sait se moquer de ceux qui font les mauvais choix, n’effacera jamais.
Oumar Camara in L’indépendant