Madame Chrysoula Zacharopoulou, Secrétaire d’État du gouvernement français, débarque à Conakry en Guinée en ce mois d’avril 2023 avec pour mission de prendre langue avec les tenants du pouvoir sur place : la France veille au grain et n’entend pas lâcher prise.
Le décor : dénoncée et rejetée par l’écrasante majorité de l’opinion publique africaine, la France tente désespérément de reprendre le poil de la bête là où c’est possible, c’est-à-dire, tout faire pour placer ses hommes de main à la tête des différents pays.
Les moyens sont diplomatiques, économiques et sécuritaires et dans cet ordre.
La France n’a plus les moyens de garder sous sa coupe réglée ce qui a été jusqu’à tout récemment sa chasse gardée en Afrique, c’est-à-dire, ses anciens protectorats et colonies. Mais elle espère encore sauver ce qui peut l’être en y déployant toute la pression diplomatique, économique et sécuritaire encore dans son arsenal. Plus question de clameur comme elle l’a fait si maladroitement au Mali ; il s’agit plutôt d’utiliser un langage feutré truffé d’euphémismes, de demi-vérités et de mousse de savon.
Les acteurs : toute une nuée d’agents de tout plumage y compris des diplomates, des journalistes, des agents de renseignement, et bien sûr, des acolytes locaux.
La plus intéressante des rencontres qu’elle aura à Conakry sera entre elle et le ministre guinéen des Affaires étrangères et des guinéens de l’étranger, Dr. Morissandan Kouyaté.
La Spartiate née il y a 47 ans et formée à l’université La Sapienza de Rome avant d’être naturalisée citoyenne de la douce France placera les arguments de la FrançAfrique au sujet de la démocratie (retour à l’ordre constitutionnel en Guinée), du respect des droits de l’homme et de lutte contre le terrorisme. Tous ces concepts grandiloquents seront étalés pour masquer le triple objectif des occidentaux : Contrecarrer l’avancée de la Chine, la Russie et la Turquie sur le terrain de l’économie ; Installer et maintenir des valets des occidentaux au pouvoir ; Assurer le monopole des multinationales occidentales sur les ressources minières, énergétiques, agricoles et halieutiques du continent.
Que Macron nous envoie une représentante de ce niveau et de ce profil prouve à suffisance l’égard qu’il a pour nous. Son français décousu et son accent guttural trahissant son origine en Péloponnèse n’en aurait pas fait une déléguée que la France aurait chargée de mission auprès de Sékou Touré ou Léopold Sédar Senghor ou Habib Bouguiba. Comme pour ajouter de l’ironie à la farce, c’est une personne (blanche) récemment naturalisée française qui vient dicter la volonté de cette France à une autre personne (noire) née française de second rang à la belle époque des colonies.
Sa tâche parait simple, c’est de transmettre le message de la France néocoloniale et impérieuse. Mais, elle ferait bien de se rappeler que Dr. Kouyaté est né citoyen français dans le cercle de Kouroussa, terre d’origine de plusieurs tirailleurs dits sénégalais et de tant de soldats qui sont morts pour la défense de la France. Les Guinéens se souviennent encore des dégâts que la France leur a causés depuis lors en retour de tant de sacrifice. Ce ministre est probablement le doyen d’âge du gouvernement actuel et comme tel, il sait que l’histoire n’est pas clémente envers ceux qui ne défendent pas les intérêts de leur nation. Que Madame Zacharopoulou en soit consciente ou pas, la Guinée de demain sera faite par les hommes et les femmes de Doko, Sanankörö, Goueké, Sérédou, Fougoumba, Maci, Molota, Kakandé et Wonkifong. Le Colonel Mamady Doumboya semble le réitérer en allant fêter Eid El-Fitr à Labé cette année. Le Mali et la Guinée sont deux pays distincts, mais tous deux sont arrosés par le même Djoliba et façonnés par la même histoire.
Le tango que Madame Zacharopoulou amorcera avec Dr. Kouyaté pourrait fort bien en être le dernier.
Vous avez là des éléments à garder à l’esprit lorsque vous lirez les communiqués et autres commentaires à propos de sa visite des plusieurs jours en Guinée. Celle-ci est précédée d’un communiqué du ministère français des Affaires étrangères qu’il faut lire à l’envers.
Selon ledit communiqué, elle rappellera la disponibilité de la France à rester aux côtés du peuple de Guinée pour finaliser la transition vers un régime civil « démocratiquement choisi ». Dans ce cadre, il est prévu qu’elle rencontre des acteurs politiques et institutionnels qui comptent aux yeux de la France pour assurer qu’il n’y ait pas de fausse note. La formulation est si bénigne qu’il est difficile pour les Africains d’y trouver à redire. Et pourtant, le ver est dans le fruit. S’ingérer dans les affaires intérieures du pays et au besoin imposer ses hommes et ses choix politiques, c’est bel et bien de cela qu’il s’agit. La France à papa opère ainsi en Afrique.
Aux Guinéens de jouer leurs cartes avec dextérité après cette visite ou de succomber aux manœuvres de cette France intruse, méprisante et prédatrice.
Par Sanankörö Kèlèti