Je n’étais pas à Conakry, quand le ‘‘Branding Guinée’’ a été lancé. À mon retour, j’ai été accueilli par une affiche monumentale à l’entrée de Kaloum, où le mot ‘‘Guinée’’ était écrit d’une manière étrange, avec un ‘‘G’’ qui semblait dégouliner – évoquant inévitablement le sang -, et le masque D’mba remplaçant le ‘‘N’’.
Intrigué, j’ai interrogé un ami sur cette étrange œuvre d’art. Il me révéla que c’était le fruit du projet « Branding Guinée ». Ignorant les tenants et aboutissants de cette initiative, j’ai immédiatement formulé mes remarques sarcastiques : pourquoi le nom de la Guinée était-il déformé de la sorte ? Pourquoi avons-nous opté pour la couleur rouge pendant que les manifestations actuelles font déjà couler suffisamment de sang ? Et surtout, pourquoi avoir choisi de représenter le magnifique masque D’mba, traditionnellement en bois d’ébène, dans un rouge criard ? Tant de questions qui m’ont fait douter du caractère artistique de ce machin.
Cependant, la question la plus intéressante, et de loin, est la suivante : quel est véritablement l’objectif de ce branding qui nous coûte les yeux de la tête ? J’ai cherché pendant longtemps une réponse. Que ce soit auprès des responsables gouvernementaux, des journalistes ou même des fiers porteurs de casquettes et de t-shirts estampillés ‘‘Branding Guinée’’, la réponse était toujours la même : il s’agit de vendre l’image de la Guinée.
Alors pourquoi le mettre sur les documents administratifs destinés aux Guinéens ? Est-ce une tentative de faire découvrir la Guinée aux Guinéens eux-mêmes ? Quelle belle idée ! Mes doutes ont été dissipés -pince sans rire-, lorsque j’ai lu l’interview d’un certain Ibrahima Touré, coordinateur du projet national du ‘‘Branding Guinée’’, dans Le Courrier de Conakry.
‘‘L’objectif, c’est de travailler sur la marque pays, la marque de la Guinée. Il faut dire qu’on a longtemps joué avec l’image de notre pays. Elle a longtemps été écorchée par les médias, la preuve, quand vous sortez hors du pays, on confond la Guinée à la Guinée Équatoriale, la Guinée Bissau, etc., alors que nous sommes le seul pays au monde appelé ‘’République de Guinée’’. Nous sommes un pays pionnier en Afrique quasiment dans tout. Mais paradoxalement, avec le temps, nous sommes passé au deuxième et troisième rang pour aucune raison alors que nous avons beaucoup de choses à vendre au monde’’, explique M. Touré.
Après avoir lu cette interview, je suis devenu encore plus perplexe. J’ai finalement conclu que cette histoire de ‘‘Branding Guinée’’ dont personne ne connaît le coût réel, n’est rien de plus qu’une escroquerie. Pour faire connaître la Guinée, nous n’avons pas besoin de nous lancer dans des festivités folkloriques coûteuses telles que le financement de matchs de gala ou de concerts d’artistes à l’étranger, ou encore de porter des t-shirts et des casquettes aux couleurs criardes. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est de travailler dans tous les domaines.
Attirer les investisseurs ne nécessite pas de spectacles judiciaires, mais plutôt de garantir la sécurité des citoyens. Nous devons appliquer scrupuleusement le code des investissements, lutter efficacement contre la corruption et le détournement des fonds publics, bref, respecter toutes les règles de bonne gouvernance. En un mot ou en mille, la Guinée attirera inévitablement l’attention du monde lorsque nous deviendrons le premier exportateur mondial de bauxite ou d’aluminium, lorsque nous exploiterons pleinement les richesses du Simandou, lorsque nous mettrons en valeur notre potentiel agricole et touristique, lorsque nous gagnerons la Coupe d’Afrique des Nations de football- pourquoi pas ?
À quoi bon dépenser des sommes folles dans un projet de branding extravagant lorsque dans les faits, nous reculons au lieu d’avancer ? Il est temps de repenser cette mascarade et de se concentrer sur les priorités réelles pour que notre pays brille véritablement sur la scène internationale. Et surtout croire qu’on peut ‘’brander’’ sans institutions légales, légitimes et stables, c’est tout comme miser sur un mauvais cheval.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com