Contre toute attente, alors que les délégations colorées se succédaient au Palais de Roume ou dans les permanences du parti au pouvoir pour le pousser à se porter candidat à la présidentielle de février 2024, le président sénégalais Macky Sall, a résisté aux flagorneurs pour maintenir sa décision annoncée depuis 2016 : il ne briguera pas un « troisième » mandat à la tête de son pays.
Ce « coup de théâtre » coupe l’herbe sous les pieds d’une opposition qui semblait avoir fait une fixation sur une candidature imaginaire – qui n’avait ni été déclarée officiellement, ni validée par la Cour constitutionnelle, seule institution habilitée à le faire.
Ousmane Sonko et ses ouailles devront donc trouver d’autres cibles pour séduire les jeunots à peine barbus, même si, on le sait depuis le 1er Juin 2023, le leader des « Patriotes africains pour le travail , l’éthique et la fraternité » (Pastef) devra chercher à mieux s’extirper des filets de la justice que du salon de beauté où, par une nuit de couvre-feu (covid19), les mains féminines expertes lui servaient du « body body » (Ndlr : massage à l’huile où la masseuse et le client se retrouvent en tenue d’Adam dans une ambiance lascive !).
Même en fermant les yeux sur le fameux vrai-faux rapport de l’Inspection général d’Etat (IGE) que le Maire de Ziguinchor affirmait, face caméra, « détenir » – sans jamais être en mesure de l’apporter aux juges. Et pour cause ! -, cette condamnation à 2 ans de prison risque de lui coller comme un morceau de scotch entre les jambes poilues.
Au demeurant, l’opposant qui sert à longueur de journée des discours enflammés, véritables lieux communs qui font grimacer du Gaulois, fait désormais face à un destin qu’il avait vu très grand, avec le risque sérieux de finir au fond d’un cachot si on lit bien entre les lignes du fameux discours de Macky Sall.
A tout le moins, le promoteur du « Gatsa Gatsa » (Ndlr : une insulte dont on épargnera nos lecteurs) devra s’attendre à faire face à de graves accusations d’incitation à la violence, rébellion, atteinte à la sûreté de l’Etat, collision avec des puissances étrangères, etc.
Le leader sénégalais, qui n’a sûrement pas abandonné la partie pour faire plaisir à celui qui n’a cessé de le vilipender depuis 2019, pourrait profiter des erreurs de l’ancien inspecteur des impôts défroqué pour le coincer encore plus, comme pour achever son « œuvre de salubrité publique », pour reprendre l’expression des détracteurs de Sonko.
La nouvelle donne pourrait remettre en selle des politiciens traditionnels, comme le socialiste Khalifa Sall, le libéral Idrissa Seck, où dans une moindre mesure le fils de son père, Karim Meïssa Wade.
Que Macky ait pris sa décision « sous la pression » n’est plus un argument pertinent dans la mesure où son annonce sauve non seulement la démocratie sénégalaise, mais permet d’en boucher un coin à tous ceux qui faisaient des plans sur la comète : l’hypothèse la plus farfelue étant un éventuel coup d’Etat militaire dans un pays qui n’en a jamais connu depuis son indépendance, où la quasi-totalité des officiers supérieurs sont sortis des meilleures écoles du monde.
Cette période de tension aura tout de même permis de tester les limites de ce qu’une certaine jeunesse, certes pressée mais dans son bon droit, serait prête à accepter de la part de leurs dirigeants. Comme cela a été consolidé au Cap-Vert, au Bostwana, au Ghana, le retrait du nom de Macky Sall de la liste des potentiels candidats en 2024, permet de clore (définitivement ?) le débat sur le « troisième mandat » qu’Abdoulaye Wade himself, le prédécesseur de l’actuel chef de l’Etat sénégalais, avait maladroitement ouvert avec son « Wax waxett » (Ndlr : j’ai dit, je me dédis !). Dans un pays qui vote depuis le 19è siècle !
Au finish, en dépit des violences consécutives aux appels à l’insurrection de Sonko, en dépit des accusations justifiées ou non qui fusent de toutes parts contre son pouvoir, le président Sall a su au bon moment endosser son manteau d’homme d’Etat. L’essentiel est bien à ce niveau…
Avec L’indépendant