Matou Traoré, est une activiste proche d’Alpha Condé, président déchu le 5 septembre 2021 par le CNRD. Elle nous parle dans cette interview faite par mail de la visite du colonel Mamadi Doumbouya à l’Assemblée générale de l’ONU, du mouvement des ‘‘femmes pour le retour d’Alpha Condé au pouvoir, mais aussi du bilan du CNRD. Interview.
Guinee7.com : Le président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya, est à New York pour participer à l’Assemblée générale de l’ONU, plutôt que de manifester contre lui, M. Bah Oury demande aux Guinéens des USA de le rencontrer et discuter avec lui. Qu’en dites-vous ?
Matou Traoré : Au doyen Bah Oury, nous disons que le droit à la manifestation est un des droits fondamentaux consacrés par toute les démocraties du monde. Nous sommes dans un Etat de droit qui nous reconnait cette faculté et pour rien au monde nous ne nous le priverons. Ici ce n’est pas la Guinée où le CNRD interdit toute manifestation.
Mieux, je rappelle que le doyen Bah Oury n’est pas le juge de paix en pareille circonstance et qu’il est très mal placé pour prodiguer de tels conseils pour avoir été à la base de toutes les manifestations violentes qu’a connu notre pays comme les événements malheureux du 28 septembre.
Vous allez donc manifester ?
A l’heure où je vous parle, nos compatriotes de tous les Etats des USA et ceux du Canada sont déjà fin prêts pour rallier New York. Nos pancartes sont confectionnées, les slogans préparés, les gens sont mobilisés pour se faire entendre ; pour dénoncer la façon dont la transition est menée ; exiger le retour à l’ordre constitutionnel mais aussi et surtout interpeller la communauté internationale sur les coups d’Etat en Afrique.
Les putschistes n’ont pas leurs places à la tribune des Nations unies, Doumbouya a le sang de nos compatriotes sur sa main, il n’a aucune légitimité pour diriger notre pays.
Comment se porte votre mouvement qui appelle au retour au pouvoir d’Alpha Condé ?
L’Union des femmes pour le retour du PRAC se porte bien, je dirais très bien. Car de sa création à nos jours, nous avons connu des avancées considérables dans la mise en œuvre de nos programmes.
Plusieurs manifestations sont à nos actifs et nous comptons intensifier les nouvelles manifestations les jours qui suivent pour réclamer le retour du prof Alpha Condé.
A ce jour, nous sommes implantées dans la plupart des préfectures de notre pays et tous les jours nous enregistrons des nouvelles adhésions des militantes qui partagent nos idées et nos valeurs.
En célébrant ses deux ans au pouvoir, le CNRD a fait un bilan de nature à faire oublier Alpha Condé. Ne pensez-vous pas que cela puisse gêner vos ambitions ?
Ne soyons pas dupes, ouvrons bien nos yeux. Le bilan de la Transition est scandaleux cauchemardesque et épouvantable sur tous les plans et cela ne pourra pas faire oublier notre champion le prof Alpha Condé, le président bâtisseur. Au contraire, le peuple de Guinée le regrette, les panafricains le pleurent, et le monde entier le réclame.
On nous vante souvent des avancées sur le plan des infrastructures sans savoir que la plupart de ces travaux ont été bâclés.
Nous sommes dans une propagande qui consiste à une mise en scène dont la finalité est de tromper nos concitoyens.
La preuve est qu’avec les grandes pluies de cette année, la plupart de ces ouvrages ont été affectés. Les goudrons commencent à lâcher les fissures se font sentir sur les ponts.
Ces contrats n’ont fait l’objet d’aucun audit sérieux parce que tout simplement ils ont été octroyés soit à des amis ou à la famille ou tout au plus au clan. Ce qui est une violation flagrante et systématique des critères d’attribution des marchés publics.
Je me pose la question où est passée la promesse faite aux Guinéens quant à la moralisation des derniers publics, à la lutte contre la corruption, à l’enrichissement illégal.
J’en veux pour preuve récemment ce dernier scandale financier au sommet de l’Etat sur la rénovation de la maison du premier ministre Bernard Goumou. Où est la rigueur administrative qu’on nous a tant vantée ? Quand les propres décrets de Doumbouya sont falsifiés ?
Où est la refondation de l’Etat qui supposait la mise en place d’un dialogue inclusif permettant à tous les acteurs de se retrouver autour de la place pour parler d’une seule voix quand les principaux partis politiques à savoir le RPG, l’UFDG et l’UFR ont été exclus.
Où est cette justice qu’on a déclarée comme la boussole, mais qui a malheureusement du mal à nous orienter et à s’orienter elle-même ? Une justice à géométrie variable critiquée par l’Association des magistrats de Guinée. Cette association estime qu’il y a la théâtralisation, la désacralisation, la banalisation et l’infantilisation de la justice à travers les actes posés notamment par le ministre de la Justice. Des actes contraires à l’esprit du discours de la prise du pouvoir.
Sur le plan de l’environnement des affaires, notre pays n’est plus une destination privilégiée par les investisseurs étrangers alors que nous avions au temps du prof Alpha Condé, un environnement attractif.
Où est cet Etat inclusif, impartial, au service de tous, qui devait s’imposer comme étant le socle de la nation ou les enfants vivront en harmonie ?
Cet Etat avec le CNRD n’est que la poudre aux yeux car ses enfants sont aujourd’hui forcés à l’exil, d’autres arrêtés, emprisonnés dans les conditions qui n’honorent pas l’Etat de droit.
Même les acteurs politiques que nous appelons les pros CNRD à savoir MM. Bah Oury, Lansana Kouyaté et Faya Millimono réunis au sein de la Coalition Politique et des faitières de la société civile ont dénoncé la gestion opaque et solitaire de la transition avec ses corollaires de manquements.
A date, aucune visibilité sur l’issue de la transition, aucun échange aucune rencontre. Mais nous ne sommes pas surpris. Car depuis le lendemain du 5 septembre, nous disons que le CNRD ne peut pas être un partenaire de confiance et qu’il a menti sur toute la ligne.
Interview réalisée par la rédaction