Censure

Après le discours du col. Doumbouya aux NU, ‘‘notre image a été écornée, le sentiment national ébranlé’’, juge Matou Traoré

Matou Traoré, activiste, a manifesté contre le Colonel Mamadi Doumbouya à New-York. Nous l’avons interviewée pour évoquer cette manifestation et d’autres sujets.

Mais fort malheureusement il en a pris à ses dépens avec le discours de Lula, le président brésilien, ainsi que celui de Joe Biden des USA qui ont fustigé les coups d’Etat

Guinee7.com : Vous avez participé à la mobilisation des ‘‘force vives’’ contre le colonel Doumbouya à New-York pour dites-vous, dénoncer la gestion de la transition. Quel bilan en tirez-vous ?

Matou Traoré : D’abord vous me permettrez de rendre un vibrant hommage à la diaspora guinéenne des USA et de l’Amérique du nord qui ont répondu massivement à l’appel des forces vives.

Cette journée a été l’occasion de dénoncer la gestion dictatoriale du CNRD et interpeller la communauté internationale sur la triste réalité que vit notre pays.

Nous savons que Doumbouya qui n’a aucune légitimité était à la recherche d’une crédibilité et d’une stature internationale lors de ce sommet.

Mais fort malheureusement il en a pris à ses dépens avec le discours de Lula, le président brésilien, ainsi que celui de Joe Biden des USA qui ont fustigé les coups d’Etat comme étant une menace pour la paix et la sécurité dans le monde. La mobilisation a été grandiose. Les fils dignes de notre pays ont estimé que le moment était opportun de venir la main dans la main pour clamer haut et fort le danger que court notre pays dans la main de la junte.

Il faut aussi rappeler que les organisateurs du CNRD ont eu du mal à mobiliser, à convaincre nos compatriotes pour défendre leur cause

On a constaté aussi certains soutiens du CNRD. Quel est, selon vous, le groupe qui a gagné la partie en termes de mobilisation, de démonstration de force ? 

Vous savez, comme on le dit, il n’y a pas photo, la comparaison n’avait pas lieu d’être. Notre camp était plus mobilisé, mieux structuré et organisé avec nos slogans et les pancartes sur lesquelles on pouvait lire nos différents messages de revendications. Il n’y a eu aucune fausse note de notre part alors que chez eux il y a eu des incidents.

La sécurité est intervenue à plusieurs reprises et une de leur manifestante a été arrêtée, menottée et conduite à la police pour avoir, dit-on, lancé un projectile qui a blessé une personne.

En regardant leur vidéo, je me suis aperçu que le camp d’en face n’avait aucun message sérieux à lancer sinon que dire la Guinée appartient à Mamadi Doumbouya. Ce qui prouve à suffisance qu’ils n’étaient même pas en phase avec les réalités.

Il faut aussi rappeler que les organisateurs du CNRD ont eu du mal à mobiliser, à convaincre nos compatriotes pour défendre leur cause. Ils étaient obligés de faire appel à d’autres communautés moyennant bien entendu de l’argent, les t-shirts, et les habits pour grossir leur nombre.

Quelle est votre prochaine étape dans la contestation ?

Ma structure, l’Union des femmes pour le retour du prof Alpha Condé intensifiera les jours à venir la manifestation sur toute l’étendue du territoire jusqu’à la victoire finale qui est le retour aux affaires de notre champion, mais aussi la libération de nos cadres injustement arrêtés et emprisonnés et le retour au bercail de nos exilés politiques.

Aucun Africain ne donne actuellement du crédit à la CEDEAO qui a été impuissante de stopper l’hémorragie des coups d’Etat dès les premières heures au Mali

Ne pensez-vous pas prêcher dans le désert ? Le CNRD semble être soutenu par la communauté internationale…

Nous ne prêchons pas dans le désert. Mais plutôt nous parlons à des milliers de personnes qui partagent nos idées et nos valeurs pour dire qu’on n’accède pas au pouvoir avec les armes mais plutôt avec la légitimité des urnes.

La constitution de notre pays est claire, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par la voie de ses représentants élus ou par voie de referendum ».

Notre structure œuvre à la conscientisation de nos compatriotes pour attirer leur attention sur le fait que nous  ne devons pas cautionner le coup de force du CNRD au risque  de créer ce que j’appelle un précédent Doumbouya ou une jurisprudence Doumbouya qui consiste à donner un mandat dans le futur a d’autres militaires de faire usage de leurs armes pour  destituer les présidents  démocratiquement élus.

C’est un sujet de souveraineté nationale et de survie de notre démocratie qui dépasse la personne du prof Alpha Condé.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons, et ne devons pas tourner la page du président Alpha Condé qui est celui que les Guinéens ont confié la destinée de leur pays jusqu’en 2027.

Quant au soutien de la CEDEAO et de l’ONU pour la junte, nous disons que ces organisations sont en perte de vitesse et elles ont démontré leurs limites dans la résolution des conflits dans le monde et particulièrement en Afrique.

Aucun Africain ne donne actuellement du crédit à la CEDEAO qui a été impuissante de stopper l’hémorragie des coups d’Etat dès les premières heures au Mali.

Je suis convaincu pour ma part, qu’en Guinée, le salut viendra du peuple en particulier des femmes qui sont les premières victimes des conséquences de ce coup d’état du CNRD.

Les différentes manifestations sont une illustration parfaite de la cartographie de l’avenir du CNRD dans notre pays.

Plutôt que de commenter les thèmes, le légionnaire était venu à la tribune pour justifier les coups d’état

Quelle lecture faites-vous du discours du colonel Doumbouya à la tribune des Nations-Unies ?

Encore une fois, je crois que la majorité des Guinéens ainsi que le monde entier ont découvert le vrai visage et les intentions de celui qui, le 5 septembre à retourner les armes contre son peuple. Le masque Doumbouya est finalement tombé au grand jour pour ceux qui doutaient encore de ses intentions.

Aucun message sur le chronogramme de la transition, aucune volonté de rendre le pouvoir. Je ne suis pas surpris puisque depuis le lendemain du coup d’état, j’interpelle, j’insiste et persiste sur d’abord la personnalité qui incarne le coup d’état mais aussi sur les manœuvres dilatoires du CNRD à amuser la galerie.

Pour tout vous dire, Mamadi Doumbouya est passé complètement à côté de la plaque tant sur la forme que sur le fond. Aucune cohérence avec les objectifs du thème de la session.

Plutôt que de commenter les thèmes, le légionnaire était venu à la tribune pour justifier les coups d’état, remettre en cause la démocratie et fustiger le comportement de la CEDEAO qui d’après lui a un rôle essentiellement économique et ne devrait pas de son point de vue se mêler de la politique.

Ce double discours de Doumbouya est aussi un message fort à l’endroit de la CEDEAO pour leur dire nous ne voulons plus que vous vous mêliez de nos affaires.

Je peux vous dire en tant que Guinéenne, j’ai mal dans mon âme et dans ma chair pour ce vaillant peuple que nous sommes.

Notre image a été écornée, le sentiment national ébranlé.

L’histoire retiendra que le passage de Doumbouya à la 78 session ordinaire de l’assemblée générale des nations unies  a laissé une tache d’huile indélébile qui ne saura faire honneur à notre pays.

Interview réalisée par la redaction

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