BANNIERE GUINEE MILLION VERSION
Censure

Élan de solidarité. Insécurité, mécontentements, voici les dessous de ce qui se passe à Kaloum

Depuis le drame qui s’est produit à Kaloum dans la nuit du 17 au 18 décembre, de nombreux Guinéens se sont levés pour alimenter une chaine de solidarité. Mais tout est-il si rose ? De nombreuses révélations ont été faites sur les dessous de ces opérations dans une émission spéciale de Ndimba Radio, jeudi dernier.

On apprend qu’il y a des sacs de riz et autres, mais nous ne recevons pas

Dans cette émission, M. Soumah Aly, un habitant du quartier Coronthie qui n’a pas pu laisser son domicile sans surveillance dit n’avoir rien reçu comme don. « Nous voyons certaines associations et ONGs qui débarquent et distribuent. Mais sérieusement, c’est mal organisé. Il y a des bénéficiaires qui ne gardent pas patience ; qui se regroupent, il y a des tiraillements et ça finit souvent par la bagarre. Il y a des gens qui ont été recensés, leurs numéros de téléphone ont été pris. Mais ils n’ont rien reçu à ce jour et attendent encore. Nous sommes donc très mécontents. On apprend qu’il y a des sacs de riz et autres, mais nous ne recevons pas », a-t-il dit.

Avant de reconnaitre par ailleurs, « ce que moi j’ai reçu, c’est l’armée qui a eu la bonne foi de nous donner des packs d’eau. Et d’autres personnes de bonnes volontés qui donnaient du pain et des sardines ».

Il a préconisé donc que les agents recenseurs soient mieux formés et que les populations soient plus patientes lors des distributions.

Nous voyons à la télévision qu’il y a eu des dons

Même son de cloche chez Mme Kadiatou Sy, immobilisée par la maladie. « Moi j’ai eu assez de pertes. Nous avons été recensés. Mais on n’a rien vu encore. Je suis là. Je suis malade et me déplace difficilement. Nous utilisons nos petites provisions pour l’instant. Nous voyons à la télévision qu’il y a eu des dons. Mais pour l’instant, nous ne bénéficions de rien », a-t-elle révélé.

Alpha Sidimé, chargé de Communication et des Relations publiques de l’ONAP, donatrice, a reconnu cet état de fait. « Effectivement c’est tout à fait vrai. Nous avons découvert cela en face. Mais on ne pouvait pas gérer autrement avec cette quantité énorme que la SONAP a donnée, si on voulait la distribuer de porte à porte, ça allait prendre assez de temps pendant que nous étions attendu ailleurs. Vous n’êtes pas sans savoir que c’était une forte délégation. Il y avait la plupart des directeurs techniques. Donc on s’était dit que l’interlocuteur de tout cela, c’est les autorités locales trouvées sur place. Même s’il y a des quiproquos aujourd’hui entre ces chefs de quartiers et les populations, nous avons essayé de trouver le juste milieu pour pouvoir s’en sortir (…) Nous avons entendu assez de choses. Mais dire que la distribution a été très mal faite, la SONAP n’est pas responsable de cela », a précisé M. Sidimé.

2447 ménages recensés, 10 cantines populaires installées

Impliqué dans cet élan de solidarité, le directeur général du Fonds de développement social et de l’indigence, M. Lansana Diawara, a expliqué les mesures mises en place. « La réponse humanitaire est conforme aux communiqués énoncés par le gouvernement guinéen. Dans le cadre du ciblage pour connaître le nombre de ménages impactés : après les enquêtes, il y a eu un peu plus de 2600 ménages qui ont été enregistrés. Mais après ces enquêtes, il y a eu l’apurement des données. Les ménages qui ont été retenus sont au nombre de 2447 ménages. Il y a un numéro d’identifiant unique qui a été attribué à chaque victime. A date, nous avons fini le ciblage sur Coronthie 1 et 2 », a précisé M. Diawara sur Ndimba radio.

Il a mentionné la mise en place progressive des cantines populaires (au nombre de 10 le jour de l’émission) dans tout le quartier Coronthie.

L’humanitaire a reconnu par ailleurs que « la lecture de nos agents sur le terrain, c’est que la plupart des personnes qui partaient sur l’esplanade du Palais du peuple ou à la mosquée Faycal, une grande partie n’était pas des sinistrés. C’était soit des jeunes qui ont quitté Dixinn pour rallier ces endroits ou des mendiants. Les vrais sinistrés n’avaient pas bougé et étaient sur place. Donc, il fallait créer un mécanisme pour leur venir en aide parce qu’ils ne pouvaient pas aller au marché ou autre. C’est pourquoi le gouvernement à travers le FDSI a mis en place ces cantines populaires, on y prépare le petit déjeuner, le repas et le dîner et ça marche bien ».

Il y a des jeunes dans les quartiers qui agressent des personnes qui viennent pour les opérations de distribution

Contrairement à ce qu’affirmaient les citoyens un peu plus haut, Fatoumata Soumah, cheffe secteur Coronthie 1, dans l’émission, a trouvé que les distributions se font normalement. « Nous travaillons très bien avec les personnes qui viennent nous aider. Je ne dis pas ceux qui ne sont pas logés. Mais quand il y a distributions, nous nous assurons que tous les habitants de notre quartier en bénéficient », a-t-elle-indiqué.

Le hic ? C’est les cas d’agressions dont sont victimes les bienfaiteurs. « Il y a des jeunes dans les quartiers qui agressent des personnes qui viennent pour les opérations de distribution. Il y a des personnes qui viennent d’ailleurs pour vandaliser ceux qui viennent vandaliser ceux qui viennent nous aider. Certains même viennent insulter le chef de quartier en prétextant que ce dernier garde des dons dans son domicile alors que ce n’est pas le cas. Donc nous voulons vraiment que l’autorité veille à cela », a réclamé cette autorité.

A la tête d’une cellule de bénévoles qui œuvrent dans la réception des dons à la mosquée Faycal et les acheminent à Kaloum, Mme Aissatou Traoré dit Aicha Jaguar, interrogée dans l’émission, a donné des explications sur la situation qui fait couler assez d’encre et de salive. « Il se trouve qu’hier (mercredi) vers midi, les gens sont venus nous dire qu’il fallait quitter la mosquée et que les dons devaient être réceptionnés au stade du 28 Septembre et de laisser la main à l’Etat. Donc nous avons dit que même s’il fallait laisser la main à l’Etat de nous laisser faire un petit compte rendu après lequel on allait laisser la main. Aujourd’hui (jeudi) on est sur place. Mais les gens ne viennent pratiquement pas. Parce qu’il y a eu un communiqué ; il y a d’autres qui ne viennent pas parce qu’ils ont appris qu’on attrape les gens qui viennent ici et d’autres parce qu’ils n’ont plus le transport et ils logent loin », a-t-elle expliqué.

Il y en a même qui disent qu’ils ne veulent plus de pain ou de ce qu’il y a dans le pain

En ce qui concernent les gens qui disent n’avoir rien reçu, elle a expliqué : « Il y a des sacs de riz qui sont arrivés. Il y a des bouteilles de jus et plein de dons qui étaient à la mosquée ici, mais qu’il a fallu transférer au stade. Donc cela n’est pas à notre disposition. C’est le gouvernement qui gère cela. Nous, on reçoit du pain et des sardines qu’on met à disposition des familles. »

Elle a aussi déploré le fait qu’ « il y a des familles qui reçoivent, qui gardent dans les maisons et qui ressortent encore et encore dire qu’elles n’ont pas reçu. Donc on ne peut pas gérer toute cette mentalité-là. Ce que nous pouvons, c’est d’aller sur place et leur remettre d’avoir ce que nous avons à notre disposition. Il y a des zones dans lesquelles les filles qui font la distribution se font agresser par les jeunes qui en veulent plus. Il y en a même qui disent qu’ils ne veulent plus de pain ou de ce qu’il y a dans le pain. Ça fait qu’on a peur d’envoyer des femmes dans les zones où il y a moins de sécurité. »

Quelques temps après l’émission, sur son compte X (ex twitter, Bah Oury, a conseillé que ‘‘les listes des victimes soient répertoriées et bien documentées’’

Abdou Lory Sylla pour guinee7.com

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