Une journée d’étude autour des chroniques de Williams Sassine a été organisée sur le site Saint-Charles de l’Université Paul Valéry – Montpellier 3 (France) par Claire Ducournau et Pénélope Dechaufour, membres du Laboratoire RIRA21, en collaboration avec Elisabeth Degon qui a numérisé les chroniques assassines et est l’auteur de la biographie Williams Sassine, itinéraire d’un indigné guinéen.
Cette journée soutenue par l’Institut Universitaire de France et la Maison des Francophones de Montpellier a connu la participation de trois enseignants-chercheurs guinéens : Pr Mamadou Dindé Diallo, Vice-recteur chargé de la Recherche de l’Université Julius Nyerere de Kankan, Dr Mamadou Yaya Sow, Vice-doyen charge des études de la Faculté des Lettres et Sciences du langage de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry et M. Bachir Tamsir Niane, du département de Lettres modernes de la même université, inscrit en thèse à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.
Trois axes de communication ont rythmé ce rendez-vous scientifique pluridisciplinaire de haut niveau aux échanges enrichissants : « Généalogies historiques et dynamiques discursives de l’écriture sassinienne », présidé par Marie Bourgea ; « La satire comme genre combatif à la croisée des langues et des médias », présidé par Pénélope Dechaufour et « Poétique et politique de la « chronique assassine » entre presse et littérature », conduit par Elisabeth Degon.
Introduisant le premier axe, le Professeur Mamadou Dindé Diallo, à travers sa communication intitulée « Williams Sassine, l’artisan de la liberté en Guinée », a, avant tout, procédé à une présentation de la Guinée et l’évolution de la presse écrite dans notre pays depuis le temps colonial jusqu’à l’avènement de la presse privée en 1992. Il a, ensuite, rappelé les circonstances de création du Lynx, a donné d’utiles informations sur la collaboration entre Sassine et le journal satirique. Son intervention s’est achevée par l’évocation de l’art de la satire de Sassine dans la rédaction de ses chroniques et les difficultés auxquelles étaient confrontés Sassine et ses confrères du Lynx dans un environnement politique où la liberté d’expression a été certes depuis peu reconnue aux Guinéens, mais loin d’être une norme. La censure, diverses formes de menace et l’emprisonnement des journalistes sont entre autres obstacles que dressait encore un pouvoir militaire pas totalement habitué à être contrarié.
M. Bachir Tamsir Niane a, quant à lui, porté sa réflexion, au compte du deuxième axe, sur l’appropriation par Williams Sassine des valeurs traditionnelles africaines afin d’associer au caractère satirique des chroniques un certain humour servant de « masque » à l’auteur pour ne pas subir l’ire des gouvernants qu’il raille. Dans cette communication, intitulée « La satire en tant qu’arme de dévoilement de la réalité politique africaine dans Le Lynx, Le Cafard libéré et Le Politicien », M. Niane a su montrer comment, dans ce dispositif subtil flétrissant la dictature et d’autres tares sociales, Sassine fait recours aux ressources du Kotéba, théâtre mimique en zone mandingue, et la posture du griot qui est cette figure sociale ayant le droit de dire les défauts de chacun avec humour sans être inquiétée parce que protégée par les normes sociales.
Comme pour l’ouverture du premier axe avec Professeur Mamadou Dindé Diallo, l’honneur est encore revenu à la Guinée de clôturer la série de communications de cette journée d’étude avec l’intervention, dans le troisième axe, de Dr Mamadou Yaya Sow. Sa communication avait pour titre : « Les chroniques de Williams Sassine ou quand la satire journalistique se nourrit de l’humour romanesque. » Partant de l’hypothèse que W. Sassine, étant déjà un écrivain confirmé à son arrivée au Lynx en 1992, ferait recours à son style d’écriture romanesque pour produire ses chroniques, Dr Sow aboutit à un résultat qui confirme la proximité entre ces deux sphères génériques. S’appuyant sur un corpus composé des chroniques de 1992, il démontre à l’aide d’exemples précis que, vu la similarité des préoccupations de Sassine dans le roman et dans le journal, l’écrivain et chroniqueur guinéen fait partout l’effort de fustiger la dictature et ses corollaires, le néocolonialisme, l’insouciance et l’incivisme à travers un style d’écriture qui déploie le rire carnavalesque que le théoricien littéraire russe Mikhaïl Bakhtine observait déjà dans l’œuvre du célèbre écrivain français François Rabelais. Les procédés de singularisation, les figures d’amplification et celles fondées sur les jeux de mots ainsi que l’autodérision sont, entre autres caractéristiques qu’il a répertoriées comme forme de déploiement de cette écriture qui dénonce le désordre.
La journée s’est achevée par une lecture d’extraits des chroniques de Sassine mises en voix par un autre guinéen, Soumaïla Sundjata Koly, inscrit en thèse à l’Université Paul Valéry Montpellier 3.
De Montpellier Dr Yaya SOW et Pr. Mamadou Dindé DIALLO