Le regretté Général Mohamed Diané, ancien chef d’état-major de l’armée de terre jusqu’en septembre 2021, nous a quittés le mercredi 3 avril 2024. Que Dieu Tout-Puissant lui accorde Sa miséricorde et que le paradis éternel soit son lieu de repos ultime. En cette triste occasion, nous republions la chronique qui lui fut dédiée suite à la publication, il y a quelques années, de son livre sur « l’effort de guerre de la circonscription de Boké » durant le Second Conflit mondial.
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« Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ».
Tirée d’une pièce de théâtre jouée à l’occasion de l’anniversaire d’Hitler le 20 avril 1933, cette réplique deviendra très populaire au point d’inspirer plus d’un responsable nazi.
C’était le temps des grands bûchers de livres et de la répression des intellectuels. La phrase colle si bien ainsi au régime nazi qu’on se plaît généralement à l’attribuer à l’un ou l’autre de ses grands maîtres, de Goering à Coebbels. À tort.
Le fait est assez rare pour passer inaperçu : un officier général guinéen publie un livre ! Edité par L’Harmattan-Guinée et intitulé « Contribution du cercle de Boké (Guinée) à l’effort de guerre 1939-1945 », l’ouvrage est tiré tout droit de son mémoire de maîtrise d’histoire à l’université Paris I Panthéon Sorbonne.
Aujourd’hui chef d’état-major de l’armée de terre, le général Mohamed Diané, également ancien de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, revisite la seconde guerre mondiale. À travers la contribution forcée de cette partie de la Guinée à l’effort de guerre mené à la baguette par le Haut-commissaire de l’AOF, sous la forme d’acheminement d’hommes (tirailleurs dits sénégalais), d’impôts, de produits et des prestations diverses.
Dans un style plaisant en dépit de la rigueur qui sied à ce genre de travail (précision, dates, chiffres, etc.), la plume du général lève à l’occasion un coin de voile sur des aspects de la vie, de l’environnement et de l’histoire de certaines communautés de l’actuelle région de Boké.
Et ce n’est pas un hasard qu’il ait choisi la date du 23 avril dernier pour la parution de son œuvre. C’était la Journée mondiale de la Lecture et du Droit d’auteur. Pour rendre hommage au livre et à ses auteurs, et encourager chacun, en particulier les plus jeunes, à découvrir le plaisir de la lecture et à respecter l’irremplaçable contribution des créateurs au progrès social et culturel.
LA CULTURE, UNE ÉCOLE DU COMMANDEMENT ?
Pour écrire bien, il faut avoir beaucoup lu, disait quelqu’un. C’est pourquoi l’on ne vantera jamais assez les vertus de la lecture. Et la culture qui va avec.
En France, aux USA, un peu partout à travers le monde, des voix s’élèvent pour s’inquiéter de l’inculture qui touche de nombreux décideurs politiques de l’ère moderne.
En Guinée, le mal est encore plus profond. Un fait qui devrait être un sujet de préoccupation si l’on se fie au jugement du général De Gaulle, selon lequel « la véritable école du commandement est la culture générale ».
Cet officier d’infanterie qui passe pour l’un des plus grands hommes d’Etat français ne voyageait jamais sans ‘’Les mémoires d’outre-tombe’’ de Chateaubriand. Il suffit de parcourir une œuvre comme ‘’Le fil de l’épée’’ pour se convaincre de l’immense talent du fondateur de la Ve République française qui rédigeait lui-même ses discours (qui restent, soit dit en passant, parmi les meilleurs dans l’histoire politique de l’Hexagone).
A côté, outre Manche, Winston Churchill, autre héros de la seconde guerre mondiale, s’est vu décerné en 1953 le prix Nobel de littérature pour ses ‘’Mémoires de guerre’’.
En remontant loin dans le passé, on pense à un Jules César qui déclamait des poèmes en pleine guerre. Ou encore à Napoléon Bonaparte et à Lincoln Abraham qui citait Shakespeare de mémoire, Thomas Jefferson et autres général Georges Patton qui, dit-on, citait des auteurs de l’antiquité en grec ancien.
« ILS S’INSTRUISENT POUR VAINCRE »
En Guinée, toutes proportions gardées, l’on pourrait également se poser la question : que lisent nos politiques ?
Ce qui est certain, c’est qu’ici, peut-être plus qu’ailleurs, l’on assiste à un envahissement de l’arène politique par des personnes sans grande culture générale. Il y en a même qui parviennent à se hisser aux strates les plus élevées de l’Etat sans aucune forme de préparation intellectuelle.
Combien sont-ils parmi nos leaders politiques qui n’ont jamais ouvert un livre qui traite de l’Etat ? Il n’est pas rare d’entendre sur des radios locales des responsables de parti ou des personnes occupant de hautes fonctions étatiques confondre ‘’Etat’’ et ‘’gouvernement’’.
Des politiciens et des soi-disant communicants braillards monopolisent les antennes et occupent le haut du pavé tout en étalant, à longueur d’émissions, leur ignorance de l’ordonnancement même de l’Etat. Ou leur ignorance tout court.
Il faut dire, pour revenir au général Mohamed Diané, qu’il n’en est pas à son coup d’essai. A la tête de la IIIe région militaire, il avait eu la géniale idée d’ouvrir un musée au Camp Soundiata Kéita de Kankan. Et le temps de publier « Souvenirs du camp Soundiata Kéita » et « Souvenirs du colonel Panival Bangoura ».
Comme quoi, les activités culturelles sont chez lui plus qu’un simple violon d’Ingres, presque une « seconde vie » à côté de celle professionnelle qu’il mène depuis des lustres dans le commandement militaire.
Pour le Saint-cyrien qui n’a sans doute pas oublié la devise « Ils s’instruisent pour vaincre », et l’ancien étudiant de l’université de Conakry (IPGANC), il s’agit de combattre, outre l’ennemi sur le champ de bataille, l’obscurantisme et l’ignorance à travers sa plume.
Cet autre « arsenal « qu’il n’hésite jamais à « dégainer » quand il entend le mot …culture !
Jusqu’à preuve du contraire.