A l’occasion de l’an lll du CNRD à la tête du pays. Nous avons tendu notre micro à Marc Yombouno, ancien ministre du Commerce du régime d’Alpha Condé et actuellement membre du bureau politique national du RPG pour sa lecture de cette gestion.
Guinee7.com : Le 5 septembre 2025, le CNRD a eu 3 ans à la tête du pays. Quel est le bilan que vous en faites ?
Nous avons perdu des compatriotes qui défendaient la loyauté en défendant un président de la République régulièrement élu
Marc Yombouno : Pour nous, c’est un rappel amer. Une journée vraiment sombre pendant laquelle nous avons perdu des compatriotes qui défendaient la loyauté en défendant un président de la République régulièrement élu. Et donc, je profite de l’occasion d’abord pour souhaiter que leurs âmes reposent en paix et que Dieu leur accorde le paradis et qu’il pardonne leurs péchés.
Maintenant, au-delà de ça, en termes de bilan, je crois que pour tous les citoyens, pour tout Guinéen conscient, et honnête aujourd’hui ; quand on fait comparativement le jugement avant et après le 5 septembre 2021, je crois qu’on ne peut dire que globalement le bilan n’est pas positif.
Il est regrettable par rapport à ce qui a été dit, à la prise de pouvoir qui a amené certains à danser et à croire à beaucoup d’objectifs qui avaient été projetés. Je crois que pour ceux qui sont vraiment patriotes et honnêtes, ils se diront qu’aujourd’hui, l’espoir n’a pas été atteint.
Le président de la Transition avait promis de faire de la Justice, la boussole de ses actions…
La justice, la boussole, c’est un bon slogan
Je crois que ce n’est pas effectif. Au-delà de nous acteurs politiques, tous les autres acteurs de la société civile l’ont dit. C’est un slogan et c’est resté un slogan. Cela n’a pas été appliqué. Au vu de tout ce qui se passe, on a des amis qui sont en prison depuis presque trois ans sans preuves. Il y a des enlèvements. Ce qui est étonnant, de leur côté, il y a des non-lieux et des non-jugés suite aux dénonciations de la presse et de la société civile sur certains cas de détournements et autres. On a suivi les déclarations du procureur. Qu’il a fait des enquêtes sur beaucoup de cas dénoncés actuellement et qu’il n’y a pas lieu d’interpeller ces gens, alors que pour les autres, il n’y a pas eu dénonciations ni d’enquêtes ni d’audits, mais ils sont encore en prison. Donc, cette boussole, on l’attend d’abord. C’est un bon slogan. Il n’est jamais trop tard. Même les quatre mois qui restent peuvent rectifier le tir.
Que pensez-vous de la « refondation » ?
Au niveau des infrastructures, qu’est-ce qui a été réalisé au-delà du financement que le professeur a laissé ?
C’est le mot ‘‘refondation’’ même qu’on ne comprend pas. Et nous, au RPG, avons dit que la Guinée n’a pas été créée le 5 septembre 2021. L’État guinéen c’est depuis l’indépendance en 58. Chaque régime qui vient pose ce qu’il peut poser, et ça continue. C’est ça le développement, c’est un processus, des escaliers. Si vous dites qu’on était dans le néant, on vient maintenant mettre une fondation, c’est ce qu’on n’a même pas compris, qu’est-ce que ça veut dire ?
Dites-moi aujourd’hui, même au niveau des infrastructures, qu’est-ce qui a été réalisé au-delà du financement que le professeur a laissé ? Tous les échangeurs de Conakry, c’est les financements trouvés au niveau du professeur Alpha. Les 260 kilomètres de Conakry ville, avec l’accord chinois ; la route Coyah-Dabola, la route Coyah-Forecariah, à la frontière. Dites-nous aujourd’hui, qu’est-ce qu’il y a de nouveau ? Ce que nous constatons de plus, c’est qu’il y a des routes aujourd’hui qui sont coupées à la circulation. Pour aller maintenant de Mamou-Faranah, les gens sont obligés de faire le tour à Dabola et retourner pour Dabola-Faranah et continuer en Guinée forestière. Vous voyez, le tronçon Kagbelen-36-Tanènè, ça n’a jamais atteint ce niveau de dégradation depuis le temps du Général Lansana Conté. À quel niveau on est en train de refonder ? Je ne sais pas.
Quelle est votre lecture de ce qui se passe sur le plan politique dans le pays ?
Nous prenons trois ans pour une constitution et jusqu’à présent c’est des tournées, c’est des montées et des descentes, à quel moment ça va finir ?
Sur le plan politique rien n’a bougé. L’indicateur pour nous c’est la réalisation du chronogramme dit dynamique qu’ils se sont passés avec la CEDEAO. Nous avions accepté malgré qu’on n’a pas été conviés. Dites-moi aujourd’hui en tant qu’analyste politique ou simple citoyen, sur les dix points, qu’est-ce qui a été réalisé à plus de 10% ? Il n’y en a pas. Même la constitution qui devait finir depuis 2023, aujourd’hui nous sommes encore à l’état de brouillon parce que l’avant-projet de la constitution ce n’est même pas un projet. Parce que c’est un projet qui doit être distribué aux partis politiques lorsque le référendum est fixé. C’est sur la base du projet que les partis politiques font la campagne auprès de leurs militants et sympathisants pour les instructions de vote. Mais on n’est pas jusqu’à présent à la phase de projet. Et après tout ce qui s’est passé de fora et autres assises, on nous dit encore qu’après Kindia, les conseillers vont sillonner tout le pays et aller ensuite à l’extérieur. Pour quel objectif ? Est-ce que jusqu’à présent, ils n’ont pas la quintessence de ce que les citoyens veulent ? La question qu’on se pose : Est-ce que c’est la première fois que la Guinée s’est mise à se faire une constitution ? Ils n’ont qu’à savoir que nous sommes à la cinquième constitution. La première constitution guinéenne n’a même pas pris deux mois par l’équipe constituante qui l’a faite. Et si nous prenons maintenant trois ans pour une constitution et jusqu’à présent c’est des tournées, c’est des montées et des descentes, à quel moment ça va finir ? Politiquement, ça se résume à ça. Il n’y a pas de visibilité. Les partis politiques qui ont participé à leur dialogue, finalement ils ont été déçus parce qu’aucune de leurs résolutions n’a été prise en compte et c’est ce qui les a amenés pour la plupart, à revenir avec nous, pour créer l’union sacrée des forces vives de Guinée.
Avec les quatre mois qui restent, ils auront la bonne volonté pour que nous puissions aller vers un retour à la démocratie, à l’ordre constitutionnel normal. Le temps ne fait pas défaut. C’est la volonté. Et nous, jusqu’à preuve du contraire, nous croyons et avons confiance au président de la Transition qu’il va respecter sa parole d’honneur. Faut pas qu’il suive tous ceux qui tournent. L’exemple est là. On a suivi le procès du 28 septembre. On a même suivi le cas de Alpha. Aujourd’hui, tous ceux qui disaient, qui étaient sur le terrain du troisième mandat et autre, aujourd’hui, ils sont là. La plupart sont avec lui. Donc, il faut tirer les leçons pour aller sur le bon chemin c’est ce que nous lui souhaitons.
Interview réalisée par Abdoul Lory Sylla pour guinee7.com