Censure

Guinée. Quand une structure de l’Etat vend le riz à prix d’or

La Guinée avance ! Nous avons enfin notre riz national ‘‘premium’’, un riz si raffiné qu’il en ferait rougir les grains des rizières lointaines de l’Asie. Oui, c’est fait : SIGUICODA, sous la direction d’un certain Fodé Sanikayi Kouyaté, a sorti des tonnes de riz d’une qualité inégalée… et inégalable ! Mais ne vous réjouissez pas trop vite : le sac de 50 kg de ce bijou culinaire vous coûtera la modique somme de 380 000 GNF ! Rien que ça ! Avec un SMIC à 440 000 GNF, ça fait un simple calcul : il ne vous reste qu’à survivre avec 60 000 GNF… après avoir sacrifié tout votre salaire pour un sac de riz !

Mais rassurez-vous, M. Kouyaté a pensé à tout ! Dans un élan de génie marketing, il n’a pas hésité à mettre en avant la qualité de son riz, en déclarant avec assurance : ‘‘Il y a une très grande différence avec le riz du pays qu’on a l’habitude de consommer…’’ Ce riz du terroir, vous savez, celui qu’on doit trier pour écarter cailloux, gravillons et sable. Ce bon vieux riz granuleux qui décourage tant les ménagères ! Non, non, avec le riz de SIGUICODA, c’est du propre, du luxe !

Monsieur Kouyaté semble cependant oublier un détail : les paysans guinéens, qu’il accuse implicitement de vendre du riz bourré de graviers, n’ont pas les machines de nettoyage dernier cri fournies par l’État. Et qui plus est, ils cultivent ce riz avec les moyens du bord, souvent sans soutien public. En vérité, ces modestes producteurs pourraient tout aussi bien fournir un riz impeccable… si seulement on les soutenait un tant soit peu.

Mais la question reste entière : pourquoi une société publique, censée travailler pour le peuple, commercialise-t-elle du riz au prix d’un bijou dans un pays où le SMIC ne suffit déjà pas à remplir une petite casserole ? C’est peut-être ça, l’économie libérale à la sauce guinéenne : la liberté de vendre, même au prix d’une quasi-extorsion !

En attendant, à tous les ménages de Guinée, réjouissez-vous : le riz sans cailloux est là ! Reste plus qu’à espérer une aide de la Banque mondiale pour en acheter un sac.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com

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