Le Général Mamadi Doumbouya, en exhortant ses ministres à communiquer avec les médias pour rendre compte de l’utilisation des budgets publics, a exprimé une vision louable et essentielle : celle d’un chef de l’Etat conscient que la transparence envers le peuple est un devoir sacré. En théorie, cet appel à expliquer la gestion des fonds publics devrait être un tournant décisif dans l’instauration d’une gouvernance responsable et participative. Mais dans la pratique, ce projet semble dévoyé par des pratiques qui contredisent totalement son esprit.
Au lieu de permettre aux médias d’exercer pleinement leur rôle de contre-pouvoir, les ministres et leurs équipes préfèrent contourner les règles du jeu démocratique en instrumentalisant les plateformes de communication. Les rencontres médiatiques deviennent des espaces soigneusement contrôlés où ne s’expriment que des journalistes sélectionnés pour leur complaisance ou leur docilité. Ces ‘‘tables rondes’’ orchestrées ne sont souvent qu’un théâtre de propagande où les véritables interrogations sont bannies.
Nous-mêmes, en tant que média indépendant, avons fait l’expérience amère de cette réalité. Invités à la précédente ‘‘parade’’ des ministres avec des journalistes, nous avons osé poser des questions pertinentes, mais imprévues, visant à obtenir des réponses concrètes sur des sujets d’intérêt public. Non seulement nos interventions ont été jugées dérangeantes, mais elles ont été censurées lors de la diffusion. La scène témoigne d’un refus manifeste d’affronter les vérités inconfortables.
Un climat d’exclusion et de mépris
Le phénomène va bien au-delà de simples épisodes de censure. Il s’inscrit dans une stratégie de division des médias entre ceux jugés ‘‘fréquentables’’ et ceux qualifiés d’‘‘infréquentables’’. Les premiers sont ceux qui flattent, esquivent les sujets délicats et diffusent la parole officielle sans esprit critique. Les seconds, en revanche, sont marginalisés, écartés des événements officiels, et parfois même privés d’accès aux informations essentielles.
Le porte-parole du gouvernement, censé être un pont entre les autorités et le peuple, ne daigne même pas répondre aux sollicitations des journalistes indépendants. Une telle attitude, loin d’être anodine, pose des questions fondamentales : que cherche-t-on à cacher ? Quels intérêts ces responsables protègent-ils en verrouillant la communication ?
Un obstacle à la transparence
L’ironie est amère : alors que le président Doumbouya prône la transparence, ses ministres et leurs conseillers sabotent ce principe par des méthodes opaques et manipulatrices. En triant les journalistes et en filtrant les questions, ils ne servent ni le peuple ni l’État. Ils ne servent qu’eux-mêmes, protégeant leur image et évitant les remises en question.
Mais la transparence ne se décrète pas dans des discours. Elle se pratique avec courage, en acceptant de répondre aux interrogations légitimes des citoyens, même lorsque celles-ci dérangent. Les médias, notamment ceux qui refusent d’être réduits à des porte-voix du pouvoir, doivent pouvoir poser les ‘‘vraies questions’’.
Un avenir à reconstruire
Il est impératif de dénoncer ces dérives, car elles sapent non seulement la confiance de la population envers ses dirigeants, mais aussi les efforts du président pour instaurer une gouvernance exemplaire. Si les responsables gouvernementaux continuent de fuir leurs obligations de transparence, c’est l’ensemble du système qui risque de sombrer dans la défiance et la perte de crédibilité.
Le moment est venu de se poser les vraies questions : les ministres qui manipulent la communication publique aident-ils réellement le président à bâtir un État intègre ? Ou se servent-ils de ces pratiques pour protéger leurs propres intérêts ? Et surtout, sont-ils prêts à servir la nation avec sincérité et transparence, ou continueront-ils à jouer un rôle hypocrite ?
Il revient à chaque acteur de la société civile, et notamment aux journalistes, de redoubler de vigilance et de maintenir la pression pour que la lumière soit faite sur ces pratiques contraires à l’intérêt général. Le peuple mérite de savoir, et aucun artifice ne devrait pouvoir lui en priver.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com