En ce début d’année 2025, rappelons tout de suite une fin du monde qui n’a jamais eu lieu. Souvenez-vous : la veille de l’an 2000, des prophètes modernes, s’appuyant sur des écrits attribués à Nostradamus, annonçaient l’apocalypse. Banques vides, bunkers pleins, et ordinateurs soi-disant incapables de passer au nouveau millénaire. Résultat : nous sommes encore là, vingt-cinq ans plus tard, plus préoccupés par comment se nourrir et vivre en paix que par l’effondrement du cosmos.
En Guinée, une autre prophétie, bien plus récente, a également échoué : la fin de la Transition militaire au 31 décembre 2024. Ce délai, fixé avec solennité dans des accords savamment signés avec la CEDEAO, devait marquer le début d’une nouvelle ère. Mais voilà, la réalité politique guinéenne s’accommode rarement des calendriers.
Du Colonel au Général étoilé
Prenons un instant pour contempler l’ascension fulgurante de notre Général bien aimé qui, rappelons-le, était Colonel lorsqu’il a pris le pouvoir en septembre 2021. Aujourd’hui, il arbore fièrement ses étoiles, ajoutant du galon à son pouvoir, tandis que l’idée d’un retour à l’ordre constitutionnel semble reléguée au rayon des contes pour enfants. Bon, il promet que ce sera pour cette année. Mashallah! Espérons juste que ce ne soit une énième résolution de nouvelle année…
Qu’à cela ne tienne, le Général célébré par une partie de la classe politique lors de son coup d’État (parce que, soyons honnêtes, il avait fait tomber l’adversaire commun), est désormais la cible de toutes les critiques. Entre-temps, certains de ses anciens alliés, devenus exilés volontaires ou forcés, observent de loin la scène guinéenne, entre nostalgie et amertume.
Kidnappings, promesses et refondation
En attendant, dans un ballet bien rôdé, les disparitions mystérieuses ont été signalées en 2024. Les ‘‘enquêtes sont en cours’’, nous assure-t-on. Pendant ce temps, Dansa, président du Conseil national de la Transition, voyage autour du globe, brandissant fièrement un ‘‘avant-projet de constitution’’. Mais attention, nuance importante : on ne parle plus de ‘‘Transition’’, mais de ‘‘Refondation’’. Même le Général l’a fait glisser dans son particulièrement long discours de nouvel an. Refondation, donc ? Cela sonne presque poétique. Mais pour la population, le quotidien reste beaucoup moins lyrique : manque de carburant à la pompe, hausse des prix des denrées de premières nécessités, peur d’être kidnappé ou pardon d’être interpellé pour un oui ou pour un non, et tutti et quanti.
Une junte aux beaux jours
Rappelons encore une fois : Les prophètes de l’apocalypse avaient promis le chaos si la junte restait au pouvoir au-delà du 31 décembre 2024. Aujourd’hui, ces mêmes forces politico-sociales peinent à mobiliser une population fatiguée et désabusée, qui se contente de survivre au milieu d’un système figé.
Et la junte, elle, continue son chemin, visiblement peu pressée de céder les rênes. Si la fin du monde n’a pas eu lieu en 2000, ni en 2024 en Guinée, force est de constater que, dans notre pays, les transitions semblent avoir une capacité étonnante à devenir des installations permanentes.
Le Général est toujours là de plus en plus beau et jeune, et comme le dirait Aïssatou Bella Diallo: ‘‘Une année finit, une année commence’’. Et nous autres, nous ruminons nos maux.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com