La mort de Mamadi Sinkoun Kaba, ancien Directeur du protocole d’État à la Présidence de la République, suscite non seulement une onde d’émotion mais également une lecture politique. Les messages de condoléances des grandes figures politiques guinéennes, notamment Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé, révèlent une profondeur d’analyse sur les relations tumultueuses entre ces deux leaders en exil.
En effet, dans son message de condoléances publié le 11 janvier 2025, Cellou Dalein Diallo a exprimé sa tristesse tout en adressant ses pensées à la famille du défunt et au RPG, le parti d’Alpha Condé. Cependant, un détail attire l’attention : il n’a pas mentionné Alpha Condé, l’ancien président guinéen, sous la présidence duquel Mamadi Sinkoun Kaba a exercé ses fonctions de protocole.
Et pourtant, Alpha Condé, en qualifiant Sinkoun Kaba de ‘‘fils bien-aimé’’, a adopté un ton très personnel, laissant transparaître une proximité affective avec le défunt. Alors question : le choix de Cellou Dalein de ne pas mentionner Alpha Condé est-il une omission stratégique ou un reflet des tensions politiques persistantes ?
Rappel
Les relations entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé n’ont jamais été cordiales, même lorsqu’ils étaient en Guinée. L’élection présidentielle de 2010, marquée par des accusations de fraudes et de violences, a renforcé les bases d’une rivalité acharnée. Depuis lors, les deux hommes incarnent des visions antagonistes de la Guinée : l’un se revendiquant comme un défenseur de la démocratie et l’autre comme le promoteur d’une stabilité autoritaire. Si fait que Cellou a applaudi des deux mains le coup d’Etat de 2021 contre Alpha Condé.
En exil, cette rivalité semble s’être intensifiée. L’omission de celui-ci dans les condoléances de celui-là pourrait alors être interprétée comme une manière de ne pas légitimer davantage l’ancien rival politique. Il pourrait également s’agir d’un geste destiné à marquer son indépendance vis-à-vis du passé de Sinkoun Kaba, associé au régime Condé.
Une maladresse ?
Du point de vue de la communication politique, l’absence de mention d’Alpha Condé dans le message de Cellou peut être perçue comme une maladresse. Dans des circonstances aussi solennelles, un hommage universel transcendant les divisions aurait pu renforcer l’image d’unité nationale face à un cas social.
C’est vrai que pour le leader de l’UFDG, le silence peut reflèter une posture stratégique. En évitant toute référence à Alpha Condé, il se détache de l’héritage politique du défunt et adresse indirectement un message à son propre électorat : même dans l’épreuve, il reste fidèle à ses principes et refuse de s’associer, même symboliquement, à un rival qu’il accuse d’avoir plongé la Guinée dans la crise.
Pour tout dire, cet épisode met en lumière la complexité des relations politiques guinéennes. La mort d’une personnalité comme Mamadi Sinkoun Kaba aurait pu servir de moment de rapprochement entre les deux anciens rivaux. Au lieu de cela, elle souligne l’état de division qui prévaut dans le paysage politique guinéen, où même les hommages posthumes deviennent des terrains d’expression des antagonismes.
En attendant, la mort de Sinkoun rappelle non seulement la fragilité de l’existence, mais aussi celle d’une unité nationale encore à construire.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com