L’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, gravement malade, n’a pu comparaître ce jour devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Le procureur spécial a requis5 ans d’emprisonnement et le paiement de 5 milliards fg d’amende pour des détournements supposés liés notamment à la gestion de la Mission d’Appui à la Mobilisation des Ressources Internes (MAMRI). Cependant, un document de la défense -qui n’a pu prendre la parole en l’absence de l’ancien chef de gouvernement- que nous avons pu consulter a pointé du doigt des incohérences et des failles dans le dossier d’accusation.
Un rôle limité : La tutelle, non la gestion directe
Les avocats d’Ibrahima Kassory Fofana ont d’abord souligné que leur client n’avait aucune responsabilité directe dans la gestion financière de la MAMRI. En tant que Premier ministre, il exerçait une fonction de tutelle administrative, mais il n’était ni ordonnateur des crédits, ni gestionnaire des comptes. La MAMRI, comme toute structure de ce type, disposait de ses propres organes de gestion : un coordinateur général, un chef de mission, et un service comptable. Cette autonomie limite de facto l’implication directe de l’ancien Premier ministre dans les opérations financières incriminées.
Des comptes créditeurs et certifiés
Un autre point crucial relevé par la défense est la situation financière de la MAMRI au moment de son transfert de la Primature à la Présidence, le 5 mars 2021. Selon les documents officiels, un solde créditeur de plus de 13 milliards de GNF figurait sur le compte de la MAMRI au Trésor public, sur un total initial de 15 milliards de GNF alloués. Ces chiffres, attestés par la passation de service, contredisent l’accusation de détournement, d’autant plus que le solde positif est en contradiction avec l’idée d’un trou financier de 15 milliards.
Les structures de contrôle interne et externe de la MAMRI, telles que l’audit interne, l’inspection générale des finances ou encore la Cour des comptes, n’ont relevé aucune irrégularité financière pour la période où l’ancien Premier ministre exerçait la tutelle sur la mission. Cette absence de constatation officielle de détournement soulève des questions sur la base factuelle des accusations portées par le parquet.
Un problème de crédibilité des chiffres avancés par la CRIEF
La défense a également remis en question les données présentées par le procureur. En l’absence d’une validation par des organismes compétents tels que le commissariat aux comptes, l’inspection d’État ou l’audit interne, les montants avancés apparaissent peu fiables. Cette lacune fragilise les fondements de l’accusation, surtout face à des documents certifiés qui valident les comptes de la MAMRI.
Dans ce contexte, la question reste entière : d’où proviennent les 15 milliards de GNF supposément détournés ? Si le parquet n’est pas en mesure d’étayer ses accusations avec des preuves tangibles, notamment issues d’audits financiers ou de vérifications d’organismes habilités, l’affaire pourrait être interprétée comme une tentative de déstabilisation politique.
Pour tout dire, la défense de Kassory met l’accent sur l’absence de preuves claires et l’incohérence des accusations et met en lumière les défis auxquels fait face la CRIEF dans cette affaire. Si la lutte contre la corruption reste une priorité essentielle pour le renforcement des institutions guinéennes, elle ne saurait se faire au détriment de la rigueur juridique et des principes d’équité.
L’issue de ce procès pourrait devenir un test décisif pour la crédibilité de la justice dans les affaires de gouvernance publique en Guinée.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com