Depuis que le programme Simandou 2040 a été annoncé, les Guinéens rêvent à voix haute. Et pour cause, selon ses promoteurs, ce programme titanesque n’est pas qu’un simple projet minier : c’est la baguette magique qui va résoudre tous les problèmes du pays ! Chômage, pauvreté, infrastructures en ruine… Simandou (cette fois-ci, le projet) arrive et hop ! Tous nos malheurs vont disparaître comme par enchantement.
L’autre jour, je croise un jeune électricien, tout excité. Il m’annonce fièrement : ‘‘Quand Simandou commencera, chaque Guinéen aura, sans travailler, 5 millions par mois !’’ Ah bon ? Et moi qui pensais naïvement que pour gagner de l’argent, il fallait travailler… Mais non, ce brave citoyen me rassure : il tient cette info d’une voix officielle. Vous savez, ces voix qui ont le don de transformer des rêves en réalités… du moins dans les discours.
J’ai essayé de lui expliquer que, malheureusement, la Guinée n’est pas encore un pays où l’on gagne de l’argent en regardant les trains de minerai passer. Mais rien à faire. Il était convaincu que Simandou allait distribuer des millions à tout-va. Il faut dire que les promoteurs du projet ne lésinent pas sur la… propagande !
Un trésor national ou un jackpot réservé ?
D’ailleurs, parlons chiffres. Un haut responsable m’a confié un jour que Simandou (le projet) rapportera 6 à 7 milliards de dollars par an à la Guinée. Évidemment, cela ferait rêver n’importe quel économiste… sauf que les vrais chiffres sont un peu moins flamboyants.
En réalité, selon les experts, les revenus du projet -entre impôts, taxes et redevances -tourneraient autour de 1,2 milliard de dollars, voire 1,5 milliard pour les plus optimistes. Une belle somme, certes, mais loin des promesses délirantes qu’on nous vend.
Mais après tout, même si c’était 10 milliards, encore faudrait-il que la manne profite à tout le monde ! Or, la répartition des opportunités liées à Simandou 2040 semble déjà bien orientée.
Prenons un exemple simple : La communication. Qui sont les heureux élus recrutés pour faire briller le programme ? Des influenceurs étrangers ! Oui, pour vendre du rêve aux Guinéens, il faut visiblement des voix venues d’ailleurs. Et les nationaux alors ? Ah, ceux qui ont les bonnes connexions ont leur part du gâteau, mais les autres peuvent toujours espérer.
Même logique pour les artistes, les médias, et les événements culturels. Si vous avez un bon réseau, Simandou est une bénédiction. Sinon, eh bien… vous pourrez toujours vous consoler en regardant les belles affiches des infographes avec l’espoir du jeune électricien cité haut que, peut-être, un jour, un billet de 5 millions tombera du ciel.
Alors, Simandou va-t-il enrichir tous les Guinéens ? Pour l’instant, il enrichit surtout les fantasmes. Mais après tout, rêver, c’est déjà un début, non ?
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com