On aurait pu ranger ce drame dans la rubrique des faits divers, un de ces tragiques incidents qui peuplent les pages de nos journaux sans jamais susciter plus qu’un soupir d’indignation passager. Mais ce qui s’est passé à Kankan ce jeudi dépasse l’ordinaire du crime passionnel.
Un homme, Bangaly, a tué une femme. Son crime ? Elle refusait de prendre ses appels. Déjà marié à deux femmes, il ‘‘l’aimait plus que toutes’’ et voulait en faire une épouse de plus.
Devant l’irréparable, il ne se cache pas, ne cherche même pas à se justifier autrement que par cette arrogance qui défie toute morale. Pire encore, il rappelle, presque comme un exploit, qu’il avait déjà tenté de tuer une autre femme.
Selon ses propres dires, il y a quelques années, son épouse a échappé belle. L’accusant d’infidélité avec son propre frère. Il raconte comment il a essayé de la découper à la machette, comment il a tenté de la poignarder avec un tournevis, comment il a voulu lui arracher les yeux… et comment, à la fin, la justice l’a blanchi en rejetant la faute sur la famille. Cette tentative d’assassinat n’a rien changé à sa vie : pas de condamnation (connue en tout cas), pas de leçon retenue.
La victime d’hier n’a pas eu la chance de l’épouse qui finalement a quitté le Traorékè.
Il faut dire que cette affaire est, à bien des égards, une tragédie sociale. Car ce n’est pas seulement une femme qui a été assassinée, c’est le reflet d’une culture qui banalise la possession, le contrôle et la violence comme expressions de l’’’amour’’. Combien de fois entend-on encore que si un homme est jaloux, c’est qu’il aime ? Que si une femme dit non, c’est qu’il faut insister ?
Le drame de Kankan est un énième rappel que l’amour, le vrai, ne tue pas. Et que la justice ne doit pas se contenter de compter les morts. Elle doit prévenir, éduquer et surtout punir, avant qu’un autre homme ne vienne clamer, fier, qu’il a encore une fois voulu tuer une femme… et que cette fois, il a réussi.
En un mot ou en quatre, tant que des hommes pourront exhiber leur violence comme un droit, tant que des féminicides seront minimisés en simples ‘‘drames passionnels’’, tant que les bourreaux parleront plus fort que les victimes, le sang des femmes continuera de couler, et la seule chose qui nous restera, ce seront des éditos indignés… jusqu’au prochain meurtre.
Par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com