Censure

« Quand on libère Dadis, on doit libérer Toumba », confie F. Barry, victime du 28 septembre 2009.

L’actualité est au cœur de tous les débats actuellement dans la capitale, Conakry. Moussa Dadis Camara, ex-président de la transition, reconnu coupable de crime contre l’humanité puis condamné à 20 ans de prison, a été gracié. Une annonce qui ne fait pas que des heureux, notamment parmi les victimes du massacre au stade de Conakry en 2009. Rencontrée à son domicile ce samedi, Fatoumata Barry, une des victimes, s’est confiée à guinee7.com.

« Ils ont gracié Dadis, ils n’ont qu’à gracier tout le monde. »

Alors que des observateurs avertis parlent d’un « deal politique » conclu entre Moussa Dadis Camara et l’actuel chef de la junte, Fatoumata Barry appelle le Président de la transition à ne pas se laisser berner par certains acteurs politiques. « En tant que victime, on a tous entendu le décret pour réparation d’abord des victimes. L’État devrait d’abord prendre des mesures de protection et de sécurité pour toutes les victimes et réparer avant de gracier Dadis. Mais nous, on sait certainement pourquoi l’État a fait ça. Parce qu’on connaît ce qui se passe dans le pays. Et si c’est pour gracier Dadis aujourd’hui, pour prendre la forêt au profit de leurs intérêts pour les élections présidentielles, ça, vraiment, ils ont fait quelque chose à laquelle on ne s’attendait pas. Aujourd’hui, ce que nous, on demande, comme ils ont gracié Dadis, ils n’ont qu’à gracier tout le monde. Ils ont dit réconciliation nationale. Pour ne pas que la même histoire se répète dans notre pays, nous voulons que Mamadi soit prudent, il doit prendre toutes ses responsabilités et regarder le destin de la Guinée qui est dans ses mains », lance-t-elle.

« Il faut qu’on arrête cette manipulation politique en Guinée. »

Pour cette victime qui garde encore les souvenirs douloureux du carnage au stade de Conakry en 2009, ce dossier ne doit pas être politisé : « Aujourd’hui, il y a des politiciens qui ont quitté leurs partis politiques pour aller pousser Mamadi Doumbouya à gracier Dadis, lui dire : C’est pour cela que la forêt va être pour toi, pour mélanger les gens. Ça, nous ne sommes pas d’accord. En tant que victime, ce que je demande, si on a gracié Dadis, ce n’est pas Dadis, c’est un État qu’on a condamné, parce que nous, on a fait des réactions. C’est l’État qui a gâté, c’est l’État qui doit réparer. C’est le citoyen, encore, qui doit voter pour un président, pas des clans qui sont réunis, pour dire que ce pays -là, c’est pour eux seuls. Ça ne peut pas marcher. Il faut qu’on arrête cette manipulation politique en Guinée. Le dossier du 28 septembre ne doit pas être politisé », soutient-elle.

« On se sent en danger. »

Pour témoigner du danger qu’elles courent depuis l’énoncé du verdict condamnant le capitaine Dadis à 20 ans de prison, Fatoumata Barry n’a pas usé de la langue de bois.

« Nous, on se sent en danger (…). On avait demandé notre protection. Depuis que le verdict a été donné. On sait ce qui se passe dans le pays, là. Et tout peut arriver un jour. Il peut y avoir une raison politique », redoute notre interlocutrice.

« Je ne suis pas contre Mamadi Doumbouya, même contre Dadis. »

Fatoumata Barry estime qu’il est temps de tirer les leçons et d’éviter les erreurs du passé. Par conséquent, elle invite le Gal Doumbouya à ne pas suivre l’exemple de Dadis. Elle lui demande d’œuvrer en faveur de la réconciliation nationale en élargissant sa grâce à d’autres détenus.

« Moi, en personne, je ne suis pas contre Mamadi Doumbouya, même contre Dadis. Mais quand même, qu’ils pensent aujourd’hui à la Guinée, qu’ils pensent à notre nation, qu’ils organisent les élections. S’ils ont dit la réconciliation aujourd’hui, même les Kassory (ex-Premier ministre) sont malades, on a kidnappé les Fonike-Menguè, Bilo Bah, il y a Aliou Bah qui est en prison, Damaro qui est malade. Il y a les opposants auxquels on a dit de sortir, il y a la CRIEF qui joue leur jeu. Il faut réconcilier tout le monde et appeler tout le monde autour de la table pour parler de la Guinée. Nous ne voulons pas qu’un jour ça pète et qu’il dise qu’on n’était pas au courant. »

« Toumba est mieux placé pour avoir la grâce présidentielle. »

Cette victime juge incompréhensible la grâce accordée à Dadis pendant que son ancien aide-de-camp est, lui, détenu. Elle plaide pour la libération de ce dernier : « Quand on libère Dadis, on doit libérer Toumba. D’ailleurs, c’est Toumba qui est mieux placé pour avoir la grâce présidentielle. Parce que lui, il est venu au stade aider les opposants et leur donner même des soins. S’il dit qu’il libère Dadis pour des raisons de santé, Toumba était malade depuis. Toumba était le premier à venir en Guinée ici », rappelle-t-elle.

« Les Guinéens doivent changer leur mentalité. »

Fatoumata Barry invite ses compatriotes à changer de mentalité, surtout à ne plus céder à la manipulation : « Les Guinéens doivent changer leur mentalité. Surtout, on appelle tous les Guinéens à changer leur mentalité. Il ne faut pas accepter cette manipulation. »

Abdoul Lory Sylla pour guinee7.com

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