Il est des pays où l’on arrête les délinquants, et il est des pays où l’on arrête les fidèles. En Guinée, visiblement, on préfère la seconde option. Lundi 31 mars 2025, à Siguiri, 29 personnes ont eu le malheur de fêter l’Aïd el-Fitr un jour trop tard, défiant ainsi la toute-puissante décision gouvernementale.
Le Colonel Douramoudou Keita, préfet et désormais Grand Mufti improvisé, a rappelé avec fermeté chez nos confrères de Guineematin : ‘‘Ce sont des gens qui ont contrevenu à la décision gouvernementale. Donc, en collaboration avec l’autorité judiciaire, ils sont mis aux arrêts et ils seront déférés à la maison d’arrêt de Siguiri. Nous n’accepterons pas ce genre de choses. On sait qu’hier (dimanche) a été la journée décrétée comme fête de la fin du mois saint.’’
Mais une question demeure : quel est le véritable chef d’accusation ? Crime de calendrier ? Trouble à l’ordre spirituel ? Association de fidèles en marge de la ligne gouvernementale ? En attendant que l’on nous éclaire, rappelons simplement que prier et fêter sans troubler l’ordre public fait partie des libertés fondamentales. Sauf à Siguiri, visiblement.
Cette affaire rappelle étrangement celle de Nanfo Ismaël Diaby, arrêté pour avoir osé prier en Malinké et non en Arabe. Là encore, l’État avait jugé bon de s’inviter dans les discussions théologiques, comme si la langue de la prière était une question de sécurité nationale.
Et pendant que ces 29 criminels de la foi méditent sur leur sort dans leur cellule, d’autres, à Conakry, ont fêté l’Aïd un jour plus tard sur les places publiques -notamment à Kipé-, sans être inquiétés. Deux poids, deux mesures ? Ou alors, faut-il comprendre que la vraie infraction à Siguiri n’était pas tant la prière, mais l’absence d’un alignement parfait avec la version officielle de la foi ?
On aurait pu croire que le pays avait des défis plus urgents : La cherté de vie, le détournement de derniers publics, la corruption, l’état des routes, le retour à l’ordre constitutionnel… Mais non.
De toute façon, Dieu reconnaîtra les siens. Et l’administration guinéenne aussi, apparemment.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com