On s’y attendait. On peut même dire que ce réflexe conditionné date (au moins) de l’époque où en Guinée le moindre document officiel, les discours et même la simple demande d’emploi comportaient obligatoirement la mention : prêt pour la révolution !
Ceux qui décident pour nous, souvent sans prendre la peine de demander notre avis, ont habituellement les nerfs à fleur de peau dès qu’un donneur de leçons, de surcroît non Guinéen, s’accorde la permission de les titiller.
Lorsqu’on a appris que sur le site de l’ambassade yankee le compte à rebours de notre transition a été lancé, on savait que la réaction n’allait pas se faire attendre. Du tac au tac, comme on dit. Avec la régularité du tic-tac d’une bonne horloge.
Et c’est le toubib qui s’occupe de soigner l’image du pays, à travers le ministère des Affaires étrangères, qui s’est fendu d’un communiqué, question de remettre les pendules à l’heure.
Le Dr. Morissandan Kouyaté a mis le scalpel là où il fallait : « (…) autant les Etats-Unis d’Amérique sont le maitre des horloges pour les activités décidées par le gouvernement des Etats-Unis américain, autant la République de Guinée est le maitre des horloges pour les activités décidées par le gouvernement guinéen ».
« Le maître des horloges » ?Signifiant au sens figuré «personne ou entité qui organise suivant un ordre, un calendrier bien déterminé », l’expression semble a priori un peu désuète. Au moment où des montres sophistiquées et hors de prix, du genre de celle que la rumeur attribue à qui on sait, ornent les poignets des puissants du moment, on pourrait se dire que les horloges ça n’intéresse plus que les antiquaires.
L’expression doit son grand usage dans le jargon médiatique à l’ancien candidat et actuel président de la France, Emmanuel Macron.
À ceux qui lui reprochent de ne pas être à l’heure aux rendez-vous ou lors de ses déplacements officiels, il réagit en déclarant : « je ne suis jamais en retard, puisque rien ne doit commencer sans moi ». La sortie évoque cette formule souvent employée par le chef d’Etat français : « je suis le maître des horloges » !
Comme lorsqu’en 2017 sur le plateau de France 2, il dira sans sourciller : « je resterai le maître des horloges, il faudra vous y habituer, j’ai toujours fait ainsi. Je ne vais pas sauter pour aller devant les caméras parce que Mme Le Pen va devant les caméras ». Pour se défendre de sa présence tardive sur le site de Whirpool dans la ville d’Amiens, où il s’est rendu après Marine Le Pen pour rencontrer les salariés de l’usine en pleine campagne du second tour de l’élection présidentielle.
Et depuis qu’il est, en tant que président de la République, le «maître des horloges», Macron donne le tempo de la vie politique dans l’Hexagone par ses décisions, ses humeurs et sa façon de s’exprimer. Il annonce, il décide et les autres commentent, critiquent ou réagissent. La dernière illustration ? La crise de la réforme des retraites !
En ce qui concerne notre transition à nous, le message codé est bien compris parce que décrypté.
Celui qui tient d’une poigne d’acier le gouvernail du navire Guinée est un visionnaire qui se hâte lentement, qui sait où il va et n’entend pas perdre du temps en se laissant distraire.
En plus d’être le maître du jeu, il est plus que jamais le maître des horloges, à qui on n’impose ni rythme ni mélodie.