Censure

7-à-dire…Avec ou sans électricité, broie-t-on du noir dans le bled ? (Par Topsy)

Récemment il y avait de l’électricité dans l’air à Kankan, où des jeunes ont envahi la rue pour protester justement contre le manque de courant électrique. À Labé également on a vu rouge, même si l’on se contente pour le moment de montrer les dents et serrer les poings ; tandis que dans la capitale, Conakry, les gens se plaignent aussi de plus en plus des délestages.

Ce qui fait que dans certains médias, l’on a vu écrit ou entendu dire que « Conakry broie du noir », parce que fréquemment plongée dans l’obscurité une fois la nuit tombée.

À tort. Puisque « broyer du noir » ne veut nullement dire être plongé dans l’obscurité, dans le noir, du fait en l’occurrence des délestages d’Electricité de Guinée (EDG).

On dit qu’une personne broie du noir lorsqu’elle est triste ou désespérée. Et cela, qu’elle soit dans un château qui brille de mille feux, devant les rayons d’un hypermarché où l’éblouissant éclairage inciterait paraît-il à acheter, ou dans une sombre baraque à l’intérieur d’un bidonville crasseux. Même s’il est peu probable que l’on se sente particulièrement joyeux après une coupure d’électricité.

Broyer du noir. Cette expression imagée aurait pour origine une technique utilisée dans le domaine artistique en Europe à la Renaissance.

Au début, c’étaient en effet les peintres du XVIe siècle qui «broyaient du noir», au sens propre du terme, en écrasant du bois carbonisé notamment, pour obtenir de la peinture sombre.

Au siècle suivant, les médecins ont repris l’image de la mélasse noire ainsi obtenue pour l’associer à la bile noire. Celle-ci faisait en effet partie des quatre humeurs (des liquides corporels) de l’organisme selon les théories médicales de l’époque et qui étaient censées influer sur le comportement des êtres humains. La bile noire était ainsi réputée pour provoquer la mélancolie.

Malgré l’abandon de cette doctrine, le lien entre la bile noire et la tristesse a été conservé, et l’expression «broyer du noir» est progressivement passée dans le langage courant à partir du XIXe siècle.

Maintenant quant à savoir si les compatriotes du colonel Mamadi Doumbouya, dans leur majorité, broieraient du noir, seraient donc tristes, mélancoliques, pessimistes, désespérés, notamment à cause de la précarité ambiante, difficile d’avoir une position tranchée.

Surtout depuis cette nouvelle qui est curieusement passée sans faire trop de bruit. Une nouvelle à propos de laquelle, les encenseurs du pouvoir kaki n’ont pas jugé opportun d’entonner une ode à la gloire du maître de céans. De leur côté, les détracteurs de ce dernier ne se sont même pas donné la peine d’émettre des doutes sur le sujet.

Eh oui ! Aussi surprenant que cela puisse paraître aux yeux de certains, la Guinée est le pays d’Afrique de l’Ouest où la population se sentirait la plus heureuse, selon l’édition 2023 de l’indice mondial du bonheur ! Classée 1ère en Afrique de l’Ouest, 5e du continent et 91e sur le plan mondial, elle devance par exemple des pays tels la Côte d’Ivoire et le Sénégal.

En tout cas s’il faut se fier à l’édition 2023 du World Happiness Report (WHR) qui classe les pays les plus heureux du monde sur la base de données recueillies en 2022.

Ce ressenti des Guinéens reflète-t-il la réalité ou essaye-t-on de nous faire avaler des couleuvres ? Une interrogation d’autant plus normale que dans ledit classement un pays comme la R. D. Congo est positionné juste avant, et que l’on ignore ce qu’en pensent les pauvres habitants de Goma martyrisée par les combattants du M23.

En attendant, peut-être qu’il vaudrait mieux donner sa langue au chat.

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