Censure

Une formation juridique à la sauce militaire en Guinée

Charles Wright, le ministre de la Justice de la junte au pouvoir en Guinée a encore fait lever un sourcil ou deux, en annonçant une initiative des plus « originales » pour la formation des futurs magistrats. En fait, nous devons oublier les salles de formation du ministère et les bibliothèques bien achalandées, car les auditeurs de justice et élèves greffiers en chef ont été dépêchés vers un nouveau terrain d’apprentissage : Le camp militaire de Samoréah à Kindia.

Les curieux se demandent bien sûr pourquoi diable les futurs gardiens de la justice ont besoin de se plonger dans une formation digne d’un film de guerre pour s’armer de lois et de codes. Certes, les militaires au pouvoir ont peut-être un penchant pour les coups d’État plutôt que pour les constitutions, mais qui a dit qu’il faut forcément former les magistrats dans les camps pour donner un sens à cela ?

On pourrait imaginer le géniteur de cette approche novatrice avancer que les campements militaires offrent un environnement ‘‘discipliné’’ et ‘‘rigoureux’’, essentiel à ses yeux pour forger des professionnels du droit de premier ordre. Peut-être que  des parcours d’obstacles et des séances de tir aideraient à mieux rédiger un jugement…

Qu’on se le tienne pour dit : envoyer les futurs juges en formation dans un camp militaire, c’est un peu comme si l’on envoyait des futurs pâtissiers apprendre leur métier dans une usine de production d’alumine.

Certes, des militaires guinéens ont fait preuve d’une compréhension plutôt souple de la loi en menant leur coup d’État et en exerçant leur pouvoir, mais est-ce une raison pour transformer une éducation juridique en une expédition de survie en milieu hostile ?

Le ministre Wright voudrait tellement montrer sa loyauté et sa reconnaissance à sa bienfaitrice -la junte au pouvoir- qu’il chercherait à montrer que l’autorité est primordiale, peu importe le domaine d’études.

Dans tous les cas, sa démarche soulève des sourires en coin et des froncements de sourcils.

Si nos futurs magistrats parviennent à survivre à cette expérience digne d’une émission de téléréalité, nul doute qu’ils seront armés pour affronter n’importe quelle situation dans les tribunaux. Qu’il s’agisse d’une objection vigoureuse ou d’une invasion de sauterelles.

Avant de mettre un point final à cette analyse, on peut bien se réjouir de la recette parfaite de notre Wright pour combattre l’injustice : une bonne dose de discipline militaire, une pincée de lois bien étudiées, et un soupçon d’absurdité.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com

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