Face à l’arbitraire, à l’injustice et à la paupérisation généralisée en Guinée, devrons-nous continuer à nous taire ?
Le régime militaire du CNRD qui s’est emparé du pouvoir en septembre 2021 avait juré la main sur le cœur de faire de la justice « la boussole qui orientera chaque Guinéen ». A plus de deux ans d’exercice du pouvoir, la junte a renié ses engagements. Les arrestations et emprisonnements arbitraires se sont multipliés, les procédures judiciaires abrégées, les libertés d’expression et de communication sont sacrifiées, etc.
La situation de la CRIEF, son bilan désastreux, son fonctionnement caporalisé par les délires mégalomanes d’un procureur, son rapport belliqueux aux lois de notre pays et aux conventions internationales souscrites par la Guinée, doivent interpeller la conscience des citoyens que nous sommes.
En plus de la trahison de la promesse originelle, le CNRD par le biais de sa justice, est aujourd’hui en train de trahir les valeurs de respect et d’humanité qui caractérisent la société guinéenne. Face à des pères de famille qui se meurent lentement mais sûrement en détention illégale, le visage humain de la justice et de notre société est sacrifié. Le principe cardinal de l’État de droit, à savoir la présomption d’innocence, est foulé au sol sous l’autel du populisme judiciaire. Pire, désormais il n’existe qu’une présomption de culpabilité dans les dossiers judiciaires concernant les anciens dirigeants de l’ancien régime. Même les prescriptions de l’article 236 du code de procédure pénale en matière de détention provisoire sont hors de propos s’agissant de Kassory et ses compagnons d’infortune.
Face à cette situation alarmante des droits de l’Homme, il est temps d’invoquer pour ces prisonniers le principe d’Habeas Corpus devant la juridiction supérieure de notre pays, la Cour suprême. En effet, cette règle de droit garantit à une personne arrêtée, une présentation rapide devant un juge afin qu’il statue sur les raisons de son arrestation, à défaut d’une telle démarche, l’abandon pure et simple des poursuites. Cette règle de l’Habeas corpus a pour fondement qu’une personne,
même détenue, n’est pas sans droit. En application de cette règle, qui est déjà inscrite dans le droit positif guinéen à travers l’article préliminaire alinéa 5 du code de procédure pénale « toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi ».
Le moment est venu pour les avocats de ces détenus politiques de se retirer de toute procédure après présentation d’une demande dans ce sens à la Cour suprême si celle-ci n’applique pas le droit.
C’est également l’épreuve de vérité du nouveau ministre de la Justice qui a promis de rendre à la justice guinéenne toute sa noblesse. L’histoire jugera chacun pour ce qu’il a fait ou n’a pas fait quand il était en responsabilité.
Par Alexandre Naïny BERETE, juriste