La corruption est un fléau insidieux qui prend de multiples formes et ronge les fondements de notre société. La Guinée, malheureusement, n’échappe pas à ce phénomène et figure parmi les pays les plus corrompus du monde. Toutefois, il est essentiel de rappeler que cette situation désastreuse ne date pas de maintenant et concerne toutes les franges de la population. Bien évidemment, il est admis dans la conscience populaire qu’il n’y a pas de corrompus sans corrupteurs. Consciemment ou inconsciemment, chacun de nous porte une part de responsabilité dans la perpétuation de ce système.
Le problème de la corruption est profondément enraciné dans le système de gouvernance en Guinée au point qu’il a fini par s’intégrer les habitudes quotidiennes des citoyens. Au fil des ans, certains comportements, bien que gravement préjudiciables, ne sont plus perçus comme des actes de corruption par une grande partie de la population. Ce phénomène révèle à quel point le mal est ancré dans nos esprits et nos pratiques.
Pour la majorité des Guinéens, la corruption se limite aux actions des hauts fonctionnaires, des ministres, des directeurs généraux ou des agents en contact avec les finances publiques. Cette perception restreinte du terme « corruption » exclut malheureusement une multitude de pratiques courantes, tout aussi dangereuses et répréhensibles, qui échappent ainsi à toute condamnation morale ou légale.
Aujourd’hui, il est devenu commun, voire attendu, de solliciter l’aide d’une « connaissance » pour obtenir un service public. Il est rare, voire impossible, d’accéder à ces services sans recourir à des relations internes. Chaque service public, sans exception, semble fonctionner comme une mafia bien organisé où le respect des procédures officielles ne conduit jamais à la satisfaction du besoin exprimé. Les policiers qui extorquent les automobilistes sur les routes, les enseignants qui marchandent les notes ou abusent de jeunes élèves, les médecins qui perçoivent des paiements non officiels pour des consultations ou qui falsifient des analyses, tous ces comportements, bien que gravement nuisibles, ne sont pas perçus comme des infractions par ceux qui les commettent.
Dans notre société, ces pratiques sont malheureusement considérées comme normales. L’imam ou le prêtre qui manipule la foi pour arnaquer les populations désespérées, le mécanicien qui détourne des pièces et endommage les véhicules au lieu de les réparer, le chauffeur qui utilise le carburant de son service pour ses courses personnelles, les avocats qui concluent des arrangements au détriment de leurs clients, les magistrats qui tranchent en faveur du plus nanti, les journalistes qui vendent leur plume au plus offrant, les syndicalistes qui défendent leurs intérêts égoïstes pour accéder à des postes de responsabilité, et les acteurs de la société civile qui crient au scandale pour obtenir des postes dans l’administration publique, etc. tous ces comportements sont perçus aujourd’hui dans la société comme faisant partie de l’ordre naturel des choses.
Dans la fonction publique, aucun fonctionnaire ne souhaite travailler pour le simple salaire qu’il perçoit ; chacun cherche à remplir ses poches avant de rentrer chez lui le soir. Ce ne sont pas les emplois qui attirent les individus, mais les opportunités de « deals » qui promettent des gains substantiels.
Pour les détenteurs de l’autorité, ces pratiques ne sont plus assimilées à de la corruption. Pour eux, la véritable corruption ne commence que lorsqu’on accède à des postes de haut niveau, tels que ceux de ministre ou de directeur général, et que l’on se livre à des détournements de fonds publics.
Il est donc temps que les citoyens prennent conscience de la gravité de la situation et qu’ils se posent des questions sur chacun des actes qu’ils accomplissent à tous les niveaux car, la corruption n’est pas un problème réservé qu’aux élites, mais un cancer social qui ronge toutes les strates de la société.
De toute évidence, si le phénomène fait son petit bonhomme de chemin, c’est parce que nous sommes tous responsables. Face au mollement des lois, seule une prise de conscience collective permettra d’enrayer la corruption à grande échelle. Les opérations périodiques dites ‘‘ mains propres’’ qui ont fait feu de paille dans beaucoup de pays n’ont jamais réussi à faire reculer fondamentalement les pratiques de la corruption.
On peut donc déduire que tant que chaque citoyen ne se remettra pas en question et n’adoptera pas un comportement éthique, les diguettes de loi ne pourront jamais freiner cette vague qui effrite nos valeurs et lessive nos lois à grande eau.
En somme, la corruption est un mal profond en Guinée, qui ne pourra être combattu qu’à travers un effort commun et une transformation des mentalités. Ce n’est qu’en prenant conscience de notre rôle individuel dans ce système que nous pourrons espérer un changement durable et significatif pour les générations futures.