Censure

Coup de cœur. Quand Mohamed Salifou Keîta chante la vie dans une prose digne des Hugo et Zola du siècle précédant

Toujours dans le cadre d’une errance dans une librairie et à l’immense surprise d’y rencontrer à la fois le prochain roman à lire impérativement et son auteur – c’est plus facile à expliquer que la rencontre d’un Nobel dans le métro… -, me voilà plongée dans l’Histoire de la Guinée où les petites histoires, si grandes en réalité en courage politique, maîtrise de la langue, cultures diverses, humilité et forces de vivre, d’aimer, de baiser, de tuer, de rire, de combattre : comment faire une liste exhaustive d’une plume si vaste où chaque mot est pesé, chaque ponctuation opportune et chaque figure de style admirablement menée ; pour vous trimballer avec fermeté et sans la moindre diplomatie de l’impression vaguement ethnocentrique vers la pureté et la netteté de l’image… Sans passer par le cliché et le relativisme culturel. On salue ici le courage de cette plume menacée pour avoir osé : le féminisme, peut-être bien. Celui de raconter un événement macabre au possible pour finir sur la terre mère ; usée, fatiguée, superstitieuse, combative, sensuelle, cette mère du pays tour à tour femme, fille, enfant, conseillère, combattante corrompue ou encore figure de proue d’une jeunesse croyante, féroce et divinement sensible à la beauté des oiseaux ou de de la flore de cette Afrique généreuse et riche. Le courage, encore, de proposer cette finesse d’esprit et cette grille de lecture de la corruption des états, du radicalisme sanguinaire et à des ignorants de Frantz Fanon ou de Rosa Parks. Comment pourraient-ils savoir semble hurler ce texte au monde occidental corrompu pareillement et sans le moindre égard pour ce Dieu qu’ils implorent à grand renfort de nuisances et de dégâts irréparables. Alors monsieur Emploi, la Centrale et toute la tuyauterie – pardon, le mot est mal choisi… -, kafkaïenne d’un Empire défié par un poète ni grandiloquent, ni dépassé et qui

chante la vie dans une prose digne des Hugo et Zola du siècle précédant, sans coup férir, saura toucher votre coeur. S’il saigne trop fortement, je n’aurai qu’une suggestion à faire, à nouveau : Beloved de Toni Morrison.

Éméline Boursier, Romancière

 

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