À Conakry, la cérémonie des 20h30 est devenue aussi inévitable que le coucher du soleil. Chaque soir, tel un horloger zélé, notre cher Président Général autoproclamé et chef suprême des armées, Mamadi Doumbouya signe des décrets, diffusés religieusement sur les ondes de la télévision nationale. Les heureux élus, rebaptisés « les cadres aux postes nommables », attendent leur tour comme des enfants guettant la distribution des friandises.
Ce bal de nominations, qui se répète à l’infini, faisant rire et pleurer, intrigue autant qu’il agace. Pourquoi saupoudrer ces annonces comme des miettes de pain au quotidien, plutôt que de faire un grand banquet mensuel ou, mieux, un tableau Excel bien ordonné ? Mystère. « Nous avons un plan, tout est calculé », pourrait-on murmurer dans les couloirs du palais présidentiel. Mais lequel ? Améliorer les audiences de notre Radio Télé Guidon? Allez savoir.
La population, elle, observe ce manège avec une pointe de sarcasme. Les mauvaises langues s’interrogent : ces décrets sont-ils là pour remplir un objectif noble ou simplement pour entretenir un spectacle digne d’une série télé ? A défaut de réformes, le chef de notre transition démon cas-critique continue à combler les trous béants de notre administration.
Une chose est sûre : à ce rythme, les Guinéens devront inventer un mot pour désigner la fatigue provoquée par la surconsommation de décrets.
Et pendant que le pays se noie dans les nominations comme dans une fontaine de cacahuètes sans fond, les vrais dossiers restent sur la table. Éducation ? Santé ? Économie ? Silence radio. À force de jongler avec les postes, on en oublierait presque que le vrai défi, c’est de faire avancer le pays et non de battre un record des nominations bidon.
En attendant, les Guinéens suivent leur rituel du soir : une soupe, un décret, un soupir. « On ne gouverne pas un pays en distribuant des cacahuètes », ironise un observateur blasé. Mais qui sait, peut-être qu’à force de lancer ces petites graines à tout va, un miracle va se produire comme celui de Jésus avec les pains et les poissons. Autrement dit, chaque Guinéen aura son décret.