La Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) est une fois de plus au cœur d’une série de controverses. Après le scandale des billets de banque réimprimés en 2022, une nouvelle affaire, impliquant cette fois-ci une importante quantité d’or, met en cause le gouverneur Karamoko Kaba. Cette succession de crises soulève des questions sur la gestion et la transparence au sein de l’institution.
Selon de nombreuses sources, le gouverneur Karamoko Kaba aurait initié des transactions d’or sans associer les services compétents de la Banque Centrale. Pire, ces opérations auraient été menées non pas avec des professionnels reconnus, mais avec des intermédiaires basés à Dubaï, en collaboration avec un orpailleur guinéen influent, notamment dans les cercles artistiques locaux.
Une partie de cet or aurait été confisquée, entraînant une enquête de la gendarmerie. Kaba et l’orpailleur sont actuellement entendus dans cette affaire. Par ailleurs, une mission envoyée à Dubaï aurait permis de récupérer une partie des biens saisis. Ce scandale s’ajoute à une accusation précédente portée par Karamoko Kaba lui-même contre son prédécesseur, Lounceny Nabé, qu’il accusait de détournement d’or. Cependant, Nabé avait agi dans un cadre plus formel, notamment en signant un contrat avec la société Affinor pour le placement de trois tonnes d’or sur 12 mois avec une rentabilité annoncée de 5,25 %.
L’autre affaire, la réimpression des billets
Par ailleurs, l’affaire des billets de banque, révélée en septembre dernier, continue de planer comme une ombre sur la BCRG. En 2022, les billets de 20 000, 10 000, 2 000, 1 000 et 500 francs guinéens avaient été réimprimés à l’identique, à une différence près : les nouvelles signatures de Moussa Cissé, alors ministre de l’Économie et des Finances, et de Karamoko Kaba figuraient sur ces billets. Toutefois, les billets de 5 000 francs, eux aussi réimprimés, portaient toujours les anciennes signatures.
Selon une source proche du gouverneur, cette réimpression avait été motivée par la nécessité de renouveler le stock et de mettre à jour les signatures, afin d’éviter des accusations de contrefaçon par les commerçants. Mais ce choix laisse perplexe. Pourquoi réimprimer les billets de 5 000 francs avec d’anciennes signatures, alors que ceux-ci étaient également concernés par la pénurie ? Une incohérence que la BCRG n’a pas encore expliquée.
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Des avantages cachés pour les signataires ?
Le rôle des signatures sur les billets de banque suscite également des interrogations. Officiellement, il n’y aurait aucun avantage financier à voir sa signature apposée sur la monnaie nationale, si ce n’est une ‘‘certaine reconnaissance symbolique’’. Cependant, un expert financier estime qu’une prime, bien que non officielle, pourrait être perçue. Cela reste difficile à confirmer dans un contexte où la gestion de la BCRG manque de transparence.
Un silence troublant des autorités
Depuis que le général Mamadi Doumbouya, chef de l’État, a été informé du scandale des billets en septembre dernier lors de sa participation au Forum sur la coopération sino-africaine en Chine, peu de mesures concrètes ont été prises. Si Karamoko Kaba, pourtant réputé proche de lui, a été convoqué à plusieurs reprises à la gendarmerie, l’affaire semble aujourd’hui mise en veille.
Quelle gouvernance pour la BCRG ?
Ces scandales successifs soulèvent des questions sur la gouvernance et la transparence à la Banque Centrale. Entre deals opaques, réimpression de billets sans communication et gestion douteuse des ressources en or, l’institution semble plongée dans une crise de crédibilité. Les autorités guinéennes peuvent-elles encore se permettre de maintenir un statu quo ? Il est impératif d’ouvrir une enquête indépendante et d’instaurer des réformes pour restaurer la confiance dans une institution clé pour l’économie nationale.
Ce feuilleton, s’il reste sans réponse, pourrait éroder davantage l’image de la Banque Centrale et, par ricochet, celle des autorités en charge de sa supervision.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com