Dans le scandale d’envergure, impliquant plus de 800 milliards de francs guinéens détournés à la douane, l’attention se concentre sur les entreprises de transit, tandis que les importateurs semblent sortir indemnes de l’affaire.
Nous nous sommes interrogés sur leur rôle dans un précédent article, mais selon une source proche du dossier, ces opérateurs économiques auraient réglé les frais de dédouanement auprès de leurs transitaires, ces derniers étant chargés de reverser les montants au Trésor public. Au lieu, cependant, de s’en acquitter légalement, les transitaires auraient redistribué les fonds selon un schéma opaque : 70 % des montants encaissés finiraient directement dans les poches de douaniers corrompus, tandis que les 30 % restants leur reviendraient. Ce mécanisme bien rodé expliquerait l’ampleur des sommes disparues. Les transitaires seraient prêts à rembourser, pas la totalité des montants, mais ce qu’ils auraient mis dans leurs poches.
Le procureur de la CRIEF ferait-il de l’abus ?
Face à ce scandale, le procureur de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), Aly Touré, a pris une mesure controversée en ordonnant le gel des comptes des entreprises de transit. Cependant, cette décision suscite un tollé parmi les spécialistes du droit. ‘‘C’est une violation flagrante de leurs droits’’, commente un juriste interrogé. ‘‘Seul un juge est habilité à ordonner le gel des comptes bancaires, et non un procureur’’, ajout-il.
Ce gel de comptes est d’autant plus critiqué que ces entreprises n’ont, pour l’heure, pas été déclarées coupables. ‘‘L’enquête en est encore à la phase d’information judiciaire’’, précise notre interlocuteur. Geler les comptes à ce stade revient, selon lui, à condamner sans procès et à paralyser des activités économiques vitales.
Il faut rappeler que ce scandale met en lumière les dysfonctionnements systémiques d’un secteur gangrené par la corruption, où les responsabilités sont partagées mais les sanctions, inégalement appliquées.
En mot ou en mille, dans un contexte où la lutte contre la corruption est brandie comme un cheval de bataille, le scandale des douanes pourrait devenir un test décisif pour la justice. Sera-t-elle capable de mener des investigations impartiales, jusqu’au bout de la chaîne de responsabilités ? Ou cédera-t-elle à la tentation d’une justice à deux vitesses ?
Les Guinéens, lassés des affaires de ce genre, attendent des réponses claires, et surtout des actions qui mettent fin à l’impunité…
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com