Un concert gratuit, une star internationale, une capitale pleine de fans… et pourtant, les spectateurs ne se sont pas rués comme prévu. La faute au lundi d’il y a une semaine, au manque de promo, à la conjoncture astrale, ou peut-être… aux fans qui ont juste préféré rester chez eux ?
Black M, ex-membre de Sexion d’Assaut et désormais ambassadeur de la République de Guinée version CNRD, a offert un concert gracieusement au peuple. Oui, gracieusement. Parce que quand on a un passeport diplomatique et qu’on chante pour le Simandou, on n’a plus besoin de vendre des billets. Le peuple, lui, doit venir de son plein gré -ou de sa pleine foi- acclamer l’enfant du pays.
Mais voilà, malgré la gratuité de l’événement, les photographes ont dû sortir tous leurs talents pour créer une foule compacte juste devant le podium. Un journaliste, manifestement jaloux de la popularité du chanteur d’État, a osé dire que ‘‘pour un concert gratuit, les spectateurs qu’il y a eus montrent que ce fut un échec’’. Hérésie.

Heureusement, Black M a réagi avec la maturité d’un chef de file du rap diplomatique : en partageant sur Facebook, un post de fan comme réponse officielle (voir ci-contre). ‘‘La vérité sort de ce post’’, écrit-il, preuve irréfutable à l’appui : c’était un dimanche, il y avait eu deux concerts avant, aucune promo, et le lendemain, boulot. Bref, un miracle qu’il y ait eu même une dizaine de fidèles. Le vrai succès, c’est d’avoir réussi à remplir un quart du Palais du Peuple sans même un flyer.
À ce stade, on pourrait être tenté de comparer sa trajectoire à celle d’un autre ancien membre de Sexion d’Assaut : Maître Gims. Mais ce serait cruel. Gims, lui, remplit les Zéniths, les stades africains, et vend des disques à tour de bras. Il s’est transformé en machine à tubes, avec une carrière qui se compte en millions de vues et en cachets internationaux. Black M, lui, a choisi une autre voie : celle de l’artiste d’utilité …gouvernementale! Moins de streams, plus de meetings. Moins de tubes, plus de tribunes. Gims fait danser l’Afrique, Black M fait applaudir nos ministres.
Il faut dire qu’en France ou même en Côte d’Ivoire, où il avait posé ses valises, les foules étaient peut-être devenues trop exigeantes : elles demandaient des nouveautés, de la fraîcheur artistique, voire des refrains qui n’ont pas le goût de communiqué gouvernemental.
Mais en Guinée, tout est possible. Même chanter pour une montagne de fer et se faire acclamer comme une légende. Le rap a changé. Black M aussi.
Moralité? Mieux vaut un concert gratuit presque vide avec une publication Facebook pleine d’excuses, qu’un concert payant qui marche mais sans passeport diplomatique. Black M a peut-être quitté la scène internationale, mais il a trouvé le micro doré du pouvoir. Et ça, ça n’a pas de prix (sauf pour le contribuable).
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com