La décision de radier Tidjane Thiam de la liste électorale en Côte d’Ivoire suscite une profonde indignation. Alors que l’ancien ministre figurait parmi les favoris pour la prochaine élection présidentielle, c’est avec stupeur que l’opinion a appris son exclusion par une décision judiciaire aux motifs aussi contestables que dérisoires, notamment l’argument du défaut de nationalité.
Comment comprendre que celui qui a déjà servi son pays à un haut niveau de responsabilité, soit aujourd’hui disqualifié au nom d’une prétendue irrégularité administrative ? Cette manœuvre politicienne, à peine voilée, porte un coup sévère à la crédibilité des institutions ivoiriennes et ravive des blessures que l’histoire récente du pays n’a pas encore cicatrisées. La Côte d’Ivoire a payé au prix fort les conséquences de l’exclusion politique, avec une guerre civile dont les séquelles demeurent visibles.
Le plus tragique – sinon le plus ironique – réside dans le fait que cette éviction s’opère sous l’ère du président Alassane Ouattara, lui-même autrefois victime de l’instrumentalisation de la question de la nationalité pour entraver son parcours politique. L’histoire semble se répéter, mais cette fois, aux dépens d’un autre acteur majeur de la scène publique.
Au-delà du cas ivoirien, cette situation soulève une inquiétude plus large en Afrique. Trop souvent, la justice, au lieu d’être un rempart contre les abus du pouvoir, est transformée en un outil de liquidation des adversaires politiques. En Guinée, par exemple, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’usage de l’appareil judiciaire par les autorités militaires, accusées d’écarter les opposants crédibles au profit d’une éventuelle candidature issue du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD).
Pourtant, dans toute démocratie véritable, l’élégance politique et la crédibilité du scrutin imposeraient aux présidents en exercice de garantir la participation de tous les candidats, y compris – et surtout – de leurs adversaires les plus sérieux. Se battre pour que les opposants soient candidats, c’est témoigner de sa confiance dans le peuple et dans la force de son propre bilan. C’est élever l’élection au rang d’un débat d’idées et non d’une simple mascarade institutionnelle.
Il est urgent de rappeler une évidence : en démocratie, seul le peuple est souverain pour choisir ses dirigeants. C’est par le biais du suffrage universel, et non par des décisions judiciaires biaisées, que doit s’opérer la sélection des leaders. Les magistrats, garants de l’État de droit, doivent se tenir à distance des calculs partisans pour ne pas trahir leur serment et hypothéquer l’avenir des nations qu’ils sont censés servir.
À l’heure où l’Afrique aspire à consolider ses acquis démocratiques, de tels abus ne sauraient être tolérés. Le continent mérite mieux que la répétition tragique de ses erreurs passées.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com