Censure

Derrière les instrumentalisations ethniques, il y a des enjeux économiques énormes (Par Ousmane Boh Kaba)

Ousmane Boh Kaba

 

En 1994, à la mort du président Félix Houphouët-Boigny, dans un contexte de crise économique, la Côte d’Ivoire a vu se multiplier les dérives identitaires sur son sol. Sous prétexte de mieux gérer les grands équilibres nationaux, certains hommes politiques, dont son successeur, Henri Konan Bédié, ont avancé le concept d’ivoirité pour écarter son adversaire politique Alassane Dramane Ouattara du fauteuil présidentiel. Il ne leur fallut pas longtemps pour transformer le pays autrefois havre de paix, modèle d´un développement économique réussi en Afrique de l´ouest, en poudrière.

Le génocide rwandais est la conséquence de la construction d’une opposition ethnique entre hutus et tutsis. Mais quand le pays entre en crise économique et qu’à la même époque, à la fin des années 1980, les pays bailleurs lui recommandent le multipartisme, le régime aux abois choisit, plutôt que l’ouverture, la stratégie de la tension ethnique. Cent jours suffiront à faire plus de 800 000 morts.

Aujourd’hui en Guinée, les leaders politiques, décidés à prendre le pouvoir coûte que coûte, semblent avoir opté pour ce choix démagogue et suicidaire en introduisant la xénophobie et l’ethnocentrisme dans leur stratégie de prise du pouvoir. Dans un contexte de crise économique, ces arguments trouvent toujours une écoute parmi les milieux défavorisés, où l’on croit que sa misère est la faute de ceux qui ont réussi, ou de celle des étrangers.

Si l’on peut admettre que l’opposition critique le parti au pouvoir, il est à regretter que les bonnes réformes du gouvernement, dont celles que l’opposition aurait mises en place si elle était en gouvernance, soient systématiquement dévalorisées. Cet automatisme, mécanique et prévisible, n’est jamais crédible.

Au lieu d’emprunter des chemins simplistes, l’opposition gagnerait en crédibilité en proposant des solutions au gouvernement pour résoudre les problèmes des Guinéens. C’est en cela qu’elle pourrait prouver au peuple de Guinée, aux investisseurs étrangers et au reste de la communauté internationale qu’elle est une alternative crédible. Qui fera les propositions agréés par le peuple ?

Qui osera reconnaitre, dans l’opposition que le gouvernement Alpha Condé a fait de bonnes réformes telles que : la mise en place de l’unicité des caisses de l’État, la réduction du déficit budgétaire, le gel des marchés publics signés pendant la transition militaire, la création de l’Agence de promotion des investissements privés, la réforme du secteur minier, pilier de notre économie, le retour des partenaires du développement, l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, la construction du barrage hydroélectrique de Kaleta, la refonte de la justice et de nos forces de sécurité, la mise en place effective des institutions de la république, la réalisation de la cité internationale de Conakry à Kipé, la construction des villes entières dans le cadre de la célébration tournante des festivités marquant l’indépendance nationale.. La liste des œuvres de redressement accomplies par le Président Alpha Condé est longue. Certains projets en cours ont été retardés, la gestion pour l’éradication de l’épidémie à virus Ébola passant en priorité, mais il est un constat qui s’impose à tous : la Guinée avance !

Derrière les instrumentalisations ethniques, il y a des enjeux économiques énormes. Et ces enjeux amènent certains à chercher le contrôle du pouvoir politique, afin de mieux contrôler ensuite le pouvoir économique. Nous entendons trop souvent que notre pays est riche, mais en quoi la Guinée est-elle riche alors que sa population est pauvre et démunie ? Si ce sont les actions négatives de nos ainés qui nous ont mené à cet état de fait, nos actions, elles, celles de la jeunesse patriotique, peuvent y mettre fin, et pour nous, et pour nos petits-enfants.

Dans les démocraties qui ont su réformer pour sauver leur modèle social, les différentes composantes de la société arrivent à construire un consensus minimum dans l’intérêt de la nation. Arrêtons de nous critiquer, de dévaloriser l’action des autres. Retrouvons-nous autour d’une table de négociation pour un débat démocratique afin de valider ensemble nos projets de société. Notre pays a besoin de forces de proposition. Notre peuple ne serait-il pas plus fort quand il aura la capacité d’absorber toutes ses ethnies ? Concertons davantage nos efforts pour les réconcilier. Cessons de confondre les problèmes économiques et les problèmes ethniques. Ce qui préoccupe réellement le peuple de Guinée, c’est l’économie et l’emploi ; une amélioration dans ces deux domaines commence à être visible. Il y a un sentiment de frustration parmi la population, inévitablement, et la pauvreté grandissante a exacerbé certaines tensions, mais les racines du problème sont à chercher dans la pauvreté beaucoup plus que dans l’ethnicité.

La jeunesse guinéenne ne peut plus tolérer que certains groupes se développent au détriment des autres. Son destin ne peut pas être déterminé par la démagogie et la division. Son avenir est dans les valeurs et les idées. La violence empoisonne la vie dans nos villes, villages et parfois dans nos familles. Conjurons-la. Que notre identité, dont nous pouvons être fiers, ne soit pas un instrument pour détruire celle de l’autre. C’est tous ensemble, issus des quatre régions naturelles, que nous changerons l’économie et la société, que nous changerons la Guinée.

Nous arrivons à un moment où un vieux monde n’en finit pas de mourir et où un autre a du mal à naître. C’est l’heure du choix, le moment où tout se décide. L’instant où il faut prendre ses responsabilités.

L’épidémie à virus Ébola est-il un problème peul, malinké, forestiers  ou soussou ?

Si nous sommes capables d’être unis face à un virus, combien plus devrions-nous l’être pour résoudre nos problèmes ?

Ousmane Boh Kaba

 

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