Censure

Dr Ousmane Kaba, de la mouvance présidentielle : «Lorsque l’opposition se retire, évidemment que ça joue sur la bonne marche du parlement»

Dr Ousmane Kaba, une des têtes pensantes de la mouvance présidentielle dresse le bilan de la visite de la délégation guinéenne à Washington, où elle a pris part aux travaux de Printemps du FMI et la Banque mondiale, dans  cet entretien accordé à notre reporter. Il effleure aussi la crise sociopolitique qui mine le pays, et fait une approche de solution de sortie de crise. 

Pouvez-vous nous faire le bilan du voyage que vous venez d’effectuer à Washington avec le président de la République ?

Dr Ousmane Kaba : C’est un voyage très intéressant parce qu’il s’agissait pour la Guinée de chercher le support international, le support de la communauté internationale, surtout en matière de financement d’Ebola en compagnie de deux autres pays, le Libéria et la Sierra Léone ; donc les trois pays étaient allés chercher un système pour la relance économique après la période d’Ebola, mais en même temps maintenir l’aide d’urgence pour éradiquer Ebola dans notre zone ; il y a eu beaucoup d’efforts l’année dernière de la communauté internationale, on les a demandé de continuer ces efforts, en même temps nous aider à relancer l’économie ; c’est dans ce cadre que nous avons demandé l’annulation de la dette. Il y a le volet parlementaire et le volet du gouvernement. Nous, nous avons représenté les parlementaires et nous avons pris l’initiative, au nom de la Guinée, d’écrire une lettre demandant l’annulation de la dette de trois pays que nous avons fait endosser par les parlementaires du Libéria et de la Sierra Léone. Ça a été très bien reçu par le réseau des parlementaires et la Banque mondiale. Nous avons eu des entretiens avec le président Kim de la Banque mondiale et la directrice générale Lagarde du Fonds monétaire : donc ils ont bien reçu la doléance ; ils sont en train de l’étudier. Mais déjà, les engagements fermes de la Banque mondiale (plus d’un milliard six cents millions de dollars), des engagements aussi du Fonds monétaire et autres bailleurs de fonds, il faut préciser que le plan de relance de l’économie qui a été présenté par les trois pays se chiffre à 8,5 milliards pour lesquels nous avons prévu 4 milliards pour les infrastructures sous-régionales entre les trois pays ; les 4,5 autres milliards de dollars, c’est l’addition des plans nationaux de relance économique : par exemple, la Guinée  a présenté un plan d’1,6 milliards US. C’est très intéressant, donc, nous attendons les semaines à venir pour voir concrètement ce qu’on peut tirer de tout ça.

La crispation politique continue avec une opposition qui a décidé de poursuivre ses manifestations de rues, que pensez-vous cette situation ? 

C’est une très mauvaise position. Je pense qu’au-delà de la politique, un tout petit peu patriotisme. Comment voulez-vous, dans un pays qui est pratiquement à terre, avec cette terrible maladie d’Ebola, on imagine mal que des Guinéens puissent encore se lever pour semer des troubles alors que la situation économique est chaotique, des étudiants et des élèves n’arrivent pas aller à l’école, ils ont commencés très tard, et tous, dans les autres pays.

En Guinée c’est les forces de l’ordre qui sont violentes ? C’est les manifestants qui sont violents ? Dans un pays où les élections présidentielles doivent se passer dans cinq mois, je pense que les rôles des hommes politiques, c’est de préparer l’alternance, s’ils croient qu’ils peuvent convaincre la majorité de la population ; ce n’est  pas de se mettre dans la rue ou de faire de la violence, c’est une très mauvaise position.

Moi je croix que les deux parties devraient se retrouver au tour de la table, que le gouvernement fasse des  concessions à l’opposition et que l’opposition soit beaucoup plus raisonnable. Ils viennent discuter pour qu’on trouve un terrain d’entente. Nous avons quand même ce pays en commun ; on ne peut pas continuer à faire la guerre permanente des ambitions personnelles ; je trouve cela désolant pour ce pays.

On est en période d’Ebola mais cela n’a pas empêché la mouvance d’accueillir en grande pompe le professeur Alpha Condé, vos impressions par rapport à cet accueil triomphal ? 

Mais, c’est tout à fait normal parce que, vous savez, les gens se sont mis dans la rue depuis combien de jours ? Trois ou quatre fois que l’opposition descend dans la rue et clame devant tout le monde que le professeur Alpha Condé n’a pas de légitimité, qu’il n’y a aucun Guinéen qui le supporte. La majorité silencieuse s’est levée, profitant de son arrivée, pour dire que nous nous sommes là et nous sommes la majorité. Donc vous avez vu l’accueil triomphal, avec des milliers de personnes. C’est un message simplement pour dire que les plus bruyants en politique ne sont pas de la majorité ; et une petite minorité de gens zélés peuvent  simplement perturber la ville et parler au nom de la majorité qu’il ne sont point. La Démocratie, c’est quand même les règles de la majorité, c’était très bien qu’on  rappelle à l’ordre ceux-ci. Lorsque vous dites  à un président de la République, qui a été régulièrement élu,  que vous ne le reconnaissez plus, vous lui dites de quitter le pouvoir, au nom de qui vous vous parlez ? Qui vous êtes pour le dire ? Ça n’a absolument aucun sens, dans un régime démocratique où il y a une élection présidentielle dans cinq mois ; normalement un opposant doit dire : écoutez dans cinq mois, vous allez voir que je suis plus populaire qu’un tel et je me prépare pour l’affronter aux urnes. Mais vous-mêmes, vous n’avez aucune légitimité. Vous ne pouvez pas dire à un président de la République, je ne le reconnais pas. Je pense que c’est trop violent et la démocratie ce n’est pas la violence ; c’est simplement une alternance pacifique. Tout le monde a droit au pouvoir ; tous les hommes politiques -qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition- ont le droit d’avoir le pouvoir mais en empruntant la voie légale ; avec le jeu  des élections. Mais moi je suis toujours étonné quand je vois les gens de l’opposition dire à un président démocratiquement élu, il doit quitter et moi je me mets à sa place.

Quelle légitimité ils ont ? C’est un scandale. Je pense que le Guinéen doit être raisonnable, surtout que le pouvoir n’est pas confisqué, nous ne sommes pas dans une dictature forcée où il n’y a aucune voie d’accès au pouvoir, sauf par la violence ; je peux à la limite comprendre ; mais nous sommes dans un régime démocratique où tout le monde doit se battre bientôt  pour avoir des élections ; vraiment je ne vois pas où il y a de problème. 

-Le fait que l’opposition ait boudé le parlement n’a pas porté un coup à son fonctionnement ? 

Forcément, puisque le parlement c’est l’addition de tous les Guinéens. S’il y a une partie de la Guinée qui n’est pas là, le parlement ne peut pas se porter bien ; le parlement doit être un lieu de dialogue entre les différentes forces d’un pays ; lorsqu’il y a une partie de ce pays qui se retire parce que, quand même, l’opposition représente une partie importante de la Guinée, lorsqu’elle se retire évidemment que ça joue sur la bonne marche du parlement. Nous ne le souhaitons pas ; souhaitons être dans une atmosphère conviviale ; tous se mettent à table pour discuter du problème de la Guinée ; quand une partie boude, comme on dit ici, la Guinée est une voiture à quatre roues, s’il y’a une qui manque, comment voulez-vous que la voiture marche ? Donc la Guinée ne peut pas marcher tant que l’opposition, qui représente une partie de la Guinée, n’accepte pas de venir s’assoir, parler avec la majorité pour que toute la Guinée aille dans la même direction.

-Comment se porte Rpg arc-en-ciel en cette année électorale ? 

Mais écoutez ! Le RPG arc-en-ciel se porte relativement bien. Mais ce que nous souhaitons en tant que parti politique, c’est avoir un débat serein, sur le bilan réel de ce régime, mais un débat qui se passe dans un système démocratique, pas un débat que se passe dans la rue entre les cailloux et les agressions physiques ; le RPG arc arc-en-ciel se porte bien ; mais il se portera mieux si nous avions un débat civilisé.

Avant votre voyage à Washington, vous aviez fait un tour à Kankan, dans quel cadre se trouvait ce voyage ?

Ecoutez ! J’ai ma famille à Kankan ; j’y vais très régulièrement ; c’est très souvent des visites familiales ; je suis très attaché à mon village, à l’éducation, je suis un agriculteur, un éleveur, j’ai beaucoup d’autres activités que d’activités politiques ; vous savez je suis un éducateur, vous venez de me trouver à l’université Kofi Annan, je passe beaucoup de mon temps à vouloir préparer la génération future, je pense que c’est notre rôle ; c’est dans ce cadre que je me suis toujours investi ; la politique n’est qu’une deuxième préoccupation pour moi, mais parallèlement à cela, je suis attaché à mon terroir ; je fais de l’agriculture, je suis éleveur ; j’ai des bœufs ; c’est peut être mon côté Peulh ; ainsi vous savez, nous sommes tous mélangés en Guinée.

Votre dernier mot.

Ecoutez-moi, je suis très optimiste, je pense que la Guinée va se relever, parce que nous avons une nouvelle génération de gens beaucoup plus responsables, mieux équipés et qui comprennent mieux la mondialisation. La Guinée n’est pas le centre de la terre. Nous sommes dans le cadre de la mondialisation, en contact permanent avec les autres, c’est par ça que moi je m’investis beaucoup dans l’éducation parce que la voie du salut passe par là.

Entretien réalisé par Alpha Amadou Diallo (L’Indépendant)

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