Dr Faya Millimono, leader du Bloc Libéral (BL) rentre d’une tournée qui l’a mené aux Etats-Unis et en Europe pour assoir les bases de son parti dans la perspective des élections à venir. Dans cet entretien qu’il a accordé à notre reporter, l’opposant fait le point de cette tournée, tout en donnant son avis sur la relance du dialogue politique…
Bonjour Dr Faya. Je rappelle que vous êtes le président du parti le Bloc Libéral (BL). Depuis le 23 mars dernier vous étiez en tournée à l’extérieur. Aujourd’hui vous êtes de retour, alors qu’est-ce-qui expliquait votre absence du pays?
Dr Faya Millimono : Merci de l’opportunité que vous nous offrez. Nous avons été à l’extérieur du pays suite à une mission qui avait été effectuée du côté de la Forêt et de la Haute-Guinée pour implanter et valider les structures du parti. Il s’agit d’un travail que nous sommes en train de faire pour renforcer les structures de notre parti, c’est le même travail que nous avions effectué à l’extérieur du pays du côté des Etats-Unis, du côté de Canada, du côté de l’Europe. Au même moment que je quittais Conakry pour les Etats-Unis d’Amérique, le directeur de la communication allait en Europe pour faire les étapes de la France, de l’Allemagne. Il a aussi été en Belgique pour prendre des contacts. Alors, j’ai fait le suivi par rapport à ces contacts sur mon chemin de retour en Guinée. Déjà aux Etats-Unis, partout où nous sommes passés, nous avons renforcé les structures existantes puis nous avons créé d’autres là où ça n’existait pas. Nous en avons profité également à travers le développement de la justice et la sociologie de faire le même travail du côté du Canada. A notre retour, donc en Europe, nous avons achevé le travail commencé par M. Aliou Bah en installant une structure en Belgique et, également on a été en Hollande pour prendre les premiers contacts pour permettre l’émergence d’une structure là-bas. Donc, c’est ce que nous avons fait du côté de l’extérieur du pays.
Avec ce périple, peut-on dire maintenant que le Bloc Libéral (BL) a une base à l’extérieur?
Tout à fait. Nous avons une base solide là-bas solide. Aujourd’hui nous sommes un des partis les mieux implantés. Par exemple, aux Etats-Unis d’Amérique. D’ailleurs, c’est là que j’ai vécu. Sans être nécessairement le représentant de tous les Guinéens des Etats-Unis, je considère que beaucoup aux USA pensent que je suis en train ici de traduire les ambitions qu’eux-mêmes ont pour notre pays. Avant d’être en politique, j’ai été très actif dans l’organisation de la communauté guinéenne aux Etats-Unis. J’ai été un responsable de la communauté au niveau de la région de Washington. J’ai été vice-président chargé des questions économiques et financières dans la coordination de toutes les associations guinéennes aux Etats-Unis. Donc, venant ici poursuivre le travail de construction de la démocratie, de l’Etat de droit, il y a beaucoup de compatriotes qui s’identifient à travers ce que nous sommes en train de faire et qui, bien entendu pour matérialiser tout ça, sont en train de venir vers le parti pour la promotion là-bas aux Etats-Unis.
L’ex-chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle prochaine. Quelle lecture fait le BL de cette annonce depuis Ouagadougou?
Nous avons entendu l’annonce par le président Moussa Dadis Camara de son intention de faire son entrée en politique et, également sur sa candidature pour l’élection présidentielle. A l’analyse, nous avons connu de très près ce que la constitution de notre pays, ce que les lois de la république nous disent en pareil circonstance. Ce que nous savons, c’est que la constitution dit que pour faire de la politique, pour être éligible, il ne faut pas être un militaire en treillis. Il a donc pris soin de se débarrasser de son statut de militaire en démissionnant de l’armée. Ce qui est déjà un respect de notre constitution. La deuxième chose qui apparaît dans notre constitution, c’est qu’il faut avoir 35 ans au moins pour être candidat aux élections. Je crois que Moussa Dadis en a au moins 35. Je crois également aujourd’hui, qu’il n’a été ni inculpé, ni condamné. Donc, là, si vous voulez, il a tous ses droits et toutes ses libertés pour être à la fois électeur et éligible en république de Guinée. Il a été présenté par un parti politique, c’est une autre condition que prévoit la Constitution. Si nous voulons analyser objectivement cette venue en politique de l’ancien président Moussa Dadis Camara, on ne peut que dire que c’est normal. En tout cas du côté du Bloc Libéral nous souhaitons une très bonne chance à M. Moussa Dadis Camara.
Peut-on voir si en prélude à la présidentielle prochaine le BL va rallier le part des FPDD de Moussa Dadis Camara ou bien si chacun fera cavalier seul?
Le Bloc Libéral que vous connaissez, ce qui est en train de se construire est un parti national. Pas un parti régional. Nous l’avons toujours défendu, c’est un parti qui n’appartient ni à un individu, ni à une région. Lorsque nous faisons des alliances, nous les faisons sur la base des valeurs, nous les faisons sur la base des principes. Nous ne pouvons entretenir d’excellentes relations avec tout le monde sur l’échiquier politique. Mais quand bien le moment d’apprécier une possibilité d’alliance avec un parti politique, à ce moment, vous parlez même de se fondre (rire) dans un autre parti politique. Le Bloc Libéral a un très grand rêve pour notre pays et, les Guinéens sont en train comme nous l’avons d’ailleurs promis qu’il y avait une majorité silencieuse en Guinée qui allait se réveiller petit à petit et cela donnerait l’opportunité au Bloc Libéral de créer la rupture en Guinée. Nous sommes dans cette démarche, nous gardons toutes nos options ouvertes. Pour ce qui concerne une possibilité d’alliance, ça se fera sur la base des valeurs.
Le président Alpha Condé a reçu récemment le chef de file de l’opposition à Sékoutouréyah. A la sortie de cette rencontre, Alpha Condé a mandaté son chef de gouvernement pour organiser un dialogue afin de faire taire les divergences. Mais l’opposition ne compte pas participer au dialogue si la CENI ne gèle pas ses activités. Que pensez-vous en tant que parti de l’opposition?
Ceci est une condition que nous au Bloc Libéral posons également. Et une autre condition supplémentaire, nous pensons opportun à ce stade, si ce processus de construction d’un dialogue entre l’opposition et le pouvoir, il faut que tous ceux et toutes celles qui ont été arrêtés, qui sont en train de croupir actuellement dans les prisons, qui sont en train d’être maltraités pour avoir exercé leur droit constitutionnel que, ces personnes ne soient pas en prison. Ils n’ont pas leur place là-bas en prison. Ils n’ont pas été arrêtés en train de voler. C’est des gens qui exerçaient un droit constitutionnel, le droit de manifester. Je parle des militants de l’opposition qui ont été arrêtés lors des manifestations de l’opposition. Pour que ce dialogue si dialogue il y a, se tienne en plus du fait que la CENI doit arrêter sa fuite en avant, il faut que les gens qui sont en prison pour avoir exercé leur droit constitutionnel soient purement et simplement libérés.
Vous ne parlez plus de la COEP mais de la MOEP. Quelle est la différence entre ces deux terminologies?
La COEP était la Coordination de l’opposition extraparlementaire dont le BL a été ici un grand fondateur. Vous avez suivi l’évolution de cette structure qui avait fait beaucoup d’espoir, qui avait ressuscité assez d’espoir, mais c’était sans compter avec l’amateurisme, le clientélisme de certains acteurs politiques. Alors, lorsque nous étions là à la suite de l’invitation, nous avons compris qu’en fait la COEP était fragile parce qu’il y a beaucoup qui ne croyaient pas vraiment que nos idéaux que nous avions mis de l’avant… Lorsque le BL et d’autres partis politiques notamment l’UFD les partis cadres ont quitté la COEP et, la COEP a disparu et qui est devenu aujourd’hui ce qu’on peut appeler la MOEP (la Mouvance Extraparlementaire). Parce que le coordinateur même de la MOEP maintenant est ministre du gouvernement de M. Alpha Condé.
A présent parlons de l’affaire Kéréma. La semaine dernière vous étiez au PM3 de Matam pour demander la libération de onze détenus dont deux qui sont au PM3. Vous aviez estimé que s’il n’y a pas eu de réponse dans les 48 heures qui suivront ce jour, vous organiserez un sit-in au PM3. Alors où en est-on avec cette décision?
Effectivement, le weekend on nous a informés que il y avait une démarche entreprise par le procureur, nos avocats sont actuellement en train de travailler sur le dossier. Ils nous ont promis de nous informer aujourd’hui (Ndlr, lundi 1er juin 2015) par rapport à tout ce qui concerne la détention de ces deux compatriotes au PM3, une détention qui est illégale. Le comité de crise va se réunir dans les jours qui vont suivre pour pouvoir prendre des décisions par rapport à cet état de fait. Effectivement nous prendrons la décision de faire un sit-in pour exiger leur libération.
Récemment vous disiez sur certaines stations de radios que les journalistes doivent maintenir le renforcement du tissu social. Alors selon vous, comment ces hommes de médias doivent-ils s’y prendre pour ce faire ?
Vous n’êtes pas sans savoir que dans une république, que la presse est le quatrième pouvoir. Je crois que cela doit être institutionnalisé dans notre pays pour que, par exemple dans le processus électoral nous ayons une présence de la presse qui va communiquer directement les résultats au fur à mesure que les bureaux de votes ferment et que les procès-verbaux soient par exemple signés par les observateurs de chaque bureau de vote, ce qui est extrêmement important. Une autre chose que nous attendons de la presse, s’il y a élection cette année, il faudrait que vous (Ndlr, la presse) travailliez pour qu’il y ait un débat. Aujourd’hui le jeu politique se réduit à des considérations ethniques. Qui appartient à quelle ethnie ? A quelle région ? Qui pratique quelle religion ? Nous avons besoin de savoir les véritables projets de société que les acteurs politiques ont à proposer au peuple de Guinée. Il faudrait que vous vous battiez pour obtenir, quiconque essaie de dérober vous devez aider à monter de la pression sur chacun des acteurs politiques, pour que de véritables débats soient instaurés, des débats permettant au peuple de Guinée de comprendre le projet de société de chacun. Et non simplement une question d’appartenance ethnique et d’appartenance régionale ou pratique religieuse.
Ce serait tout au moins que vous ayez quelque chose d’autre à ajouter.
Ce que je pourrais ajouter à ce que nous venons de dire, c’est que, j’invite le peuple de Guinée à la vigilance. Nous sommes en année d’élections, vous savez que dans notre pays le mot complot, nous autres avons appris à parler en prononcer le mot complot tellement qu’on en a connu dans notre pays. On est encore à se poser la question de savoir si ces complots étaient vrais, mais nous savons que les gens qui ont été accusés de ce complot ne sont plus de ce monde. Ceux-là sont véritablement morts. Alors, il faudrait que nous fassions très attention. Parce que les velléités que nous observons du côté du pouvoir que ça soit par rapport au Foutah avec l’idée que le professeur Alpha Condé est en train de vendre en disant qu’il y a l’intégrisme musulman qui se développe au Foutah avec l’épicentre à Labé, il faudrait qu’on soit très vigilants. Il faut également qu’on soit très vigilants par rapport à une diarrhée de coup d’Etat du côté de la région Forestière et qui effectivement enlève l’attention sur le fait qu’il y a l’ULIMO à N’Zérékoré, des Donzos sur l’étendue du territoire national qui ne sont que des milices à la disposition du pouvoir pour massacrer les pauvres populations dans l’impunité la plus totale. Donc j’invite les Guinéens à la vigilance et surtout à la détermination pour qu’en 2015 les conditions soient réunies pour les élections pour que nous puissions assurer la rupture dans notre pays.
Merci Dr.
C’est moi qui vous remercie.
Interview réalisée par Oumar Daroun Bah, L’Indépendant