Depuis le lundi 04 novembre dernier, le Musée national de Sandervalia abrite une exposition intitulée « Les trésors de Niani, capitale de l’Empire du Manding ». Une occasion fantastique de mettre à la disposition du peuple de Guinée un pan important de son riche patrimoine culturel. Cette exposition a lieu grâce au soutien de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique qui, en plus d’avoir entièrement financé la rénovation de la salle d’exposition du Musée national, a également octroyé les fonds pour l’organisation de l’exposition. Une belle illustration de la vitalité de la coopération guinéo-américaine.
Cependant, s’il faut se réjouir de cette belle action, il est tout de même difficile de passer sous silence la carence de nos responsables, quand on apprend dans quelles circonstances les choses sont organisées et surtout comment elles se déroulent. En effet, on ne peut comprendre que cette exposition au thème si grandiose et si illustratif de notre identité se passe presque en catimini. Pire, tout porte à croire que le premier responsable du pays, le président de la République, Pr. Alpha Condé, n’en est même pas informé. Lui qui a écrit une fantastique thèse sur l’Empire du Manding et qui plus est professeur d’université. Comment le ministre de la Culture, Ahmed Tidjane Cissé, peut-il piloter un tel événement et ne pas daigner y inviter le chef de l’Etat ? La question doit être posée quand on sait tout ce qui entoure ces trésors aujourd’hui présentés au public guinéen. Il faut savoir que c’est le fruit d’un travail qui a commencé en 1965, par des fouilles archéologiques sur le site de Niani, l’ancienne capitale du Mali, dont on avait entendu parler, mais dont on ne connaissait plus exactement l’emplacement. Il y avait à l’époque, dans les années 1950 et 1960, toute une polémique dans la communauté scientifique sur l’emplacement de cette ville de Niani dont parlaient les auteurs arabes des XIVè et XVè siècles (Ibn Batouta, Al Idrissi, As Saadi) ainsi que les traditions orales. C’est donc ainsi qu’une mission guinéo-polonaise conduite par l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane et l’archéologue polonais Wladislaw Filipowiack se rend sur le site de Niani (anciennement dans Siguiri, aujourd’hui dans Mandiana) pour y faire des fouilles. Nous sommes en 1965. Suivront deux autres missions en 1968 et en 1973, qui donneront la preuve que l’on se trouve bien sur les lieux de l’ancienne capitale du Mali. Des poteries et autres objets sont trouvés, le quartier arabe (larabouso) est exhumé ainsi que le palais et la mosquée dont on retrouve les fondations. Les objets exhumés sont envoyés en Pologne pour traitement au C14 et reconstitution pour les céramiques. Depuis, c’est le silence total. En 1978, les Polonais organisent une exposition des trouvailles de Niani et proposent à la Guinée d’en faire autant. La Guinée doit tout simplement payer le transport des objets. Cela n’aura pas lieu. Le temps passe et ce n’est qu’en 1999 que la Guinée s’intéresse à la récupération des œuvres conservées au musée de Szczecin. Et cela, grâce à l’entregent et au patriotisme du consul de Pologne en Guinée, M. Sadou Baïlo Barry et du Pr. Djibril Tamsir Niane, qui avait dirigé les missions guinéo-polonaises. Les Polonais profitent d’un bateau se rendant à Abidjan pour embarquer les objets, quitte à la Guinée de s’occuper de leur transfert sur Conakry par la suite. Fort heureusement, le gouvernement paye le transport des caisses et le 17 décembre 1999, a lieu une remise solennelle des caisses contenant les précieuses pièces, au Musée national.
Tout ce rappel est nécessaire pour montrer à quel point la culture, voire notre patrimoine culturel, compte très peu aux yeux de nos autorités. La Guinée a l’inestimable privilège d’abriter la capitale de l’ancien empire du Mali, Niani, que beaucoup de pays lui envient. Malheureusement, il semble bien que cela ne représente pas grand-chose chez nos responsables. Et c’est pourquoi, cette exposition se asse aujourd’hui dans l’anonymat le plus total. Et pourtant, le président de la République était au Musée national, le mercredi dernier, soit deux jours après le vernissage de l’exposition. Il n’y a pas jeté le moindre regard. Tout simplement, parce qu’il n’en était pas informé. Il était venu pour dévoiler le buste dédié à Aboubacar Demba Camara, l’illustre chanteur du Bembeya Jazz, à l’occasion de l’ouverture du 12ème Djembé d’Or. Qu’est-ce que ça coûtait au ministre d’inviter le « Protecteur des arts et de la culture » à visiter l’exposition sur Niani, dont il est l’un des plus grands admirateurs ? Il est passé à côté… Dire que ce ministre est un homme de culture ! Il y a de quoi en douter. Et il est à la tête d’un département qui contient dans son énoncé « le patrimoine historique ». Quelle place lui accorde-t-il ?
Le pire dans cette histoire, c’est que, malgré le financement de l’Ambassade américaine, le jour de l’ouverture de l’exposition, il n’y avait même pas d’électricité. Et les organisateurs n’ont pas été capables de mettre un petit groupe électrogène, pour éclairer la salle. Les diplomates et autres invités étaient obligés de s’éclairer avec leurs téléphones, pour bien voir les objets et lire les légendes… Quel ridicule !!! En ce qui concerne les guides, c’est la catastrophe. Surtout que sur les panneaux accrochés aux murs sont écrits des textes dans un français très approximatif et bourré de fautes. Et pourtant, on aurait pu y remédier en les corrigeant, puisque ce sont les Polonais qui les ont rédigés, et l’on sait qu’ils ne sont pas francophones… Il y a trop à dire.
Ce qui est triste dans tout ça, au moment où nous écrivons cet article, nous apprenons le décès de M. Sadou Baïlo Barry. Il est décédé depuis le 13 octobre, à Varsovie, et personne ne l’a su en Guinée. Hommage à lui et paix à son âme. Son nom n’a pas été cité à l’ouverture de l’exposition, mais c’est grâce à lui que la Guinée a pu récupérer ses trésors et aujourd’hui, ils sont exposés au Musée national.
Bily Camara