Le nouvel ambassadeur du Japon en Guinée, son Excellence Monsieur Hisanobu Hasama est un fin connaisseur du continent, qu’il pratique depuis plus d’un quart de siècle. C’est donc un diplomate à la conversation aisée, qui a accepté de se prêter à nos questions, dans cet entretien à bâtons rompus qu’il a bien voulu nous accorder. Avec des sujets portant entre autres sur la coopération bilatérale, la dernière présidentielle, les droits de l’Homme et le terrorisme. Bonne lecture.
Bonjour Excellence Monsieur l’Ambassadeur ?
Hisanobu Hasama : Bonjour
Vous venez de prendre fonctionne en tant que nouveau représentant du Japon en Guinée. Quels sont vos premières impressions sur ce pays, qui comme tout pays en développement est confronté à des difficultés dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement économique?
D’abord le premier pays africain que j’ai connu est le Zaïre, de 1982 à 1985. Après je suis allé au Maroc, en Haïti, au Sénégal, au Mali, au Bénin, au Burkina Faso. Et maintenant ici en Guinée. Entretemps, je suis allé en Haïti, un pays des descendants béninois. Et je suis resté pendant quelques mois en Côte-d’Ivoire. Donc, j’ai quelques notions des pays africains. Selon mon expérience, la Guinée a nettement avancé par rapport à d’autres pays africains. Car, quand je venais d’arriver à l’aéroport international de Conakry, c’est la première fois que j’ai vu un escalier roulant à l’aéroport en Afrique. Donc, ce n’est déjà pas mal. C’est la première impression qui compte. La Guinée a réussi à montrer l’aéroport international de Conakry comme la vitrine. Quant à la sécurité, l’hygiène, la santé et l’éducation, sachez que tous les diplomates qui s’occupent de la coopération, se réfèrent à plusieurs données publiées par les Nations-Unies. Mais avec l’image de l’indicateur, on a tendance à voir une image d’un pays très retardataire. Mais quand on arrive en Guinée, l’image n’est qu’une image. La réalité, d’abord, les Guinéens de la ville sont majoritairement courtois. Quand même, il ya des embouteillages. Dans ce cas d’embouteillage, peut-être, parmi les pays africains, c’est le pire. Mais s’il ya un grand embouteillage, cela veut dire l’aménagement ne peut pas suivre la vitesse du développement économique. Car, si le revenu par tête d’habitant augmente, on a tendance à acheter un véhicule pour le déplacement. Mais le budget de l’Etat ne peut pas suivre. C’est pour cette raison et par défaut d’aménagement routier, qu’il ya un embouteillage très dense. Bien entendu, l’embouteillage peut être réglé en partie par l’installation des normes de circulation. Par exemple, sens unique ou bien stationnement interdit etc. car l’embouteillage est causé dans les majeurs cas par des véhicules qui stationnent n’importe comment. S’il n’y a pas de véhicules mal garés, la circulation pourrait être fluide. Quand même, il ya deux sens, si on ne cède pas l’un pour l’autre, il y aura toujours un embouteillage. C’est aussi une partie qu’on peut régler.
En ce qui concerne la santé, tout le monde a peur d’Ebola. Mais la fièvre Ebola n’est qu’une maladie infectieuse comme les autres en termes de force de transmission. Car la transmission est réalisée par le contact. Donc, s’il n’ya pas de contact direct, il n’y a pas de transmission. Dans ce sens, la façon de se saluer à la japonaise, c’est-à-dire sans se serrer la main on se courbe, cette manière peut éviter la prolifération. Mais depuis une dizaine d’années, on parle beaucoup de grippe aviaire qui pourrait connaître une mutation en une maladie infectieuse chez les hommes aussi. Beaucoup de pays étaient déjà prêts pour lutter contre les maladies hautement infectieuses. Mais dans le cas d’Ebola, peut-être il y a une raison d’urbanisation trop avancée. Quand j’étais au Zaïre, j’en ai entendu parler de cas d’Ebola en 1976. En ce moment-là, le village de Yambuku, était l’épicentre d’Ebola. La maladie était contenue dans cette région uniquement. Dans le cas d’Ebola de 1976, d’abord le village, par rapport à la capitale, était complètement isolé par la forêt dense. Il n’y avait pratiquement pas de déplacement des habitants. Tandis que depuis cette apparition d’Ebola, il ya quelques années, jusqu’à maintenant, à cause de la modernisation des moyens de transport, la circulation est très facile. Car il y a des routes bien aménagées, il ya des personnes qui se déplacent quotidiennement. Donc, tant qu’on ne peut pas bien contrôler cette circulation, il serait extrêmement difficile de contenir cette épidémie. Mais, l’équipe de Dr Sakoba KEÏTA a bien travaillé pour contenir cette maladie. Bien entendu, non seulement Dr Sakoba KEÏTA, mais le peuple guinéen comme le peuple de la Sierra-Leone et du Liberia, tous étaient conscients de la difficulté de contenir cette maladie. Ils ont bien écouté les consignes, c’est-à-dire bien se laver les mains, ne pas contacter le corps des décédés surtout. Grâce à la sensibilisation de plus en plus nombreuse, les habitants ont bien compris comment réagir pour ne pas propager la maladie. Grâce à cela, on est arrivé là où nous sommes. Le compte à rebours pour la déclaration de la fin d’Ebola a déjà commencé. Bien entendu, on doit être toujours méfiant, car au Liberia un cas d’Ebola a été recensé récemment. Nous devons maintenir toujours la vigilance dans ce sens.
Le Japon a contribué de 1800 millions de dollars américains pour les trois pays. Avec cet argent, les trois pays ont pu déterminer rapidement le nombre de gens contaminés ou pas. Puis, on a installé un gros thermo-flash. C’est un appareil qui peut contrôler une masse de gens qui entrent à l’aéroport. Mais dans le cas de l’aéroport de Conakry, cet équipement n’est pas encore introduit. Car le nombre de passagers n’est pas très élevé. Le thermo-flash individuel peut servir encore. Ensuite le fameux comprimé avira qui a été créé par une société japonaise. A l’origine, ces comprimés étaient conçus pour soigner la grippe. Mais la composition chimique moléculaire est très efficace pour arrêter les activités du virus. Malgré que ces comprimés soient au stade d’expérimentation, pour des raisons humanitaires, on avait utilisé ces comprimés. Et la grande majorité des cas, grâce à cela, probablement grâce à ces comprimés des vies humaines ont été sauvées. Dans les années à venir aussi, des types de maladies infectieuses comme le cas d’Ebola, il y en aura encore.
De nos jours, en raison du développement du transport aérien, si une maladie infectieuse est recensée, ça pourrait être transmis facilement d’un pays à un autre. Pour contenir le plus rapidement possible de telles épidémies, tous les pays doivent se réunir. Dans ce sens, le Japon est très conscient. D’ailleurs non seulement, le secteur public mais aussi le secteur privé. Par exemple, un représentant d’une université est venu pour savoir quelle est la modalité réalisable pour la coopération entre les spécialistes de virus.
Ensuite, le plus important c’est l’éducation. Elle est la base de la démocratie qui est le garant du droit de l’homme. Heureusement que le Japon et la république de Guinée sont deux pays d’Etat de droit, nous sommes deux pays de la démocratie. Il faut entretenir toujours la qualité de la démocratie. C’est l’éducation de base qui compte. Ensuite l’éducation de base, veut dire savoir lire, écrire et calculer. Si les enfants peuvent lire, écrire, calculer, si les enfants ont du talent, ces petits enfants vont apprendre volontairement par leurs propres moyens. Nous mettons l’accent toujours sur l’éducation de base. Pour l’éducation, l’important, c’est aussi la qualité de l’enseignement. Pour cela, on a besoin de formation des enseignants. Dans le passé, le Japon avait contribué pour la construction de l’institut de formation des enseignants pour les écoles primaires. A part la construction de 25 écoles bâtiments-scolaires y compris 230 centres de santé au début des années 2000.
Il ne faut pas oublier que le Japon contribue beaucoup pour l’aménagement de l’eau potable. Les êtres humains ne peuvent pas survivre sans boire de l’eau. Pour ne pas tomber malade en buvant de l’eau, le Japon a contribué pour l’aménagement de l’eau potable. Surtout dans la ville Conakry. L’histoire la plus longue de la coopération entre le Japon et la Guinée, on peut noter la coopération dans le domaine de la cartographie. Au début des années 71, un membre de la JICA, agence japonaise de coopération internationale, qui est une agence de gestion de la coopération entre le gouvernement et les partenaires, est venu en Guinée pour voir dans quels domaines le Japon pourrait contribuer en sa faveur de la Guinée, dans le cadre de la coopération. La Guinée a demandé à la partie japonaise de créer la carte topographique, car il y en avait plus à cette époque. Le Japon a commencé les études. Et en 1981, la première équipe de cartographie et de topographie est arrivée. Les membres sont partis dans tous les coins de la Guinée. Pendant quatre ans, ils ont fait les études topographiques avec le système de GPS, à l’époque c’était le début de l’utilisation du GPS. Ils ont d’abord déterminé 58 points de base topographique à partir de la Guinée. Sur ces bases, le Japon a élaboré avec l’institut national géographique de la Guinée dont le directeur général était Sâ Sandouno, pendant quatre ans, finalement on a réussi à élaborer la carte géographique topographique de la Guinée. Grâce à cela, on peut savoir le degré de pente, quelles parties les rivières et les fleuves empruntent, dans leur écoulement. Pour élaborer un plan de développement de la Guinée, si on se réfère à cette carte topographique, on peut tracer beaucoup plus facilement car cela reflète la réalité. On ne peut pas tracer la route directement sur la falaise, il faut éviter les falaises. Comme il y a cette carte topographique, on peut tracer les routes, on peut savoir aussi quelles parties pourraient être fertiles. On peut aussi élaborer le plan du développement agricole. Cette tradition de la cartographie continue. La carte de la ville de Conakry est presque achevée. 95% du travail est achevé. Actuellement l’institut national géographique est en train d’étudier quels sont les éléments qui sont nécessaires pour être facilement utilisables. Tôt au tard, la carte du plan de Conakry va être réalisée. D’ailleurs, il ya déjà la carte préliminaire avec quelques centaines d’exemplaires qui ont été réalisés par l’institut. Les membres de l’ambassade et ceux de l’institut géographique utilisent pour bien savoir l’utilité de cette carte. S’il ya d’autres choses importantes à ajouter, si on met l’insigne du supermarché, cela peut être utile pour les consommateurs et pour les marchands aussi. Et l’institut pourrait obtenir de l’argent pour ajouter à leur budget aussi. Tous les éléments sont pris en compte.
Je ne nie pas que les projets japonais soient au ralenti, en raison d’Ebola. Les membres de la JICA ne viennent que rarement. Mais, depuis quelques semaines, les membres de la JICA arrivent en Guinée pour réaliser de petits projets, aussi pour relancer les projets déjà existants d’une façon efficace. Au début de décembre, les membres de la JICA-Dakar vont venir. Ici à Conakry, il n’y a pas de bureau de la JICA, c’est le bureau de la JICA à Dakar qui couvre cette région. Donc, des membres de la JICA vont venir ici, pour procéder à la relance de la coopération déjà existante.
Votre arrivée a coïncidé avec la tenue de la présidentielle, qui a donné lieu à la victoire du président sortant. Quelle lecture faites-vous de cette élection ?
D’abord, j’ai été nommé en tant qu’ambassadeur du Japon en Guinée le 15 septembre. Quand j’étais au Japon, j’ai suivi par internet, j’ai reçu l’information de la part de l’ambassadeur du Japon (Nakano Naotsugu, ex ambassadeur du Japon en Guinée, NDLR). Ce qui se passe en Guinée pour la tenue de la présidentielle du 11 octobre. Vous voyez en Afrique surtout, quand il ya des élections présidentielles, il ya toujours des violences. Mon inquiétude, c’étaient que les élections présidentielles soient organisées sans causer de violences. Heureusement, il n’ya pas eu d’incidents majeurs. J’étais ravi de savoir que l’élection a été organisée sans effusion de sang. Le résultat, c’est le professeur CONDE qui a gagné certes, mais ce qui est plus important pour nous, c’est que l’élection a été organisée sans causer d’incidents majeurs. Dans la démocratie, le plus important, c’est l’organisation des élections. Car c’est uniquement les élections, et c’est l’occasion unique que le peuple électeur peut avoir pour s’exprimer concrètement par les urnes le jour du vote. Je lui (Ndlr, le président Alpha CONDE) souhaite que son deuxième mandat se fasse dans l’efficacité, en reflétant le résultat du vote.
Quels sont les secteurs sur lesquels vous comptez vous accentuer dans le cadre de la coopération bilatérale, durant votre séjour en Guinée ?
Depuis mon arrivée, j’ai rendu une visite de courtoisie à plusieurs ministres. Chaque ministre formule son souhait de coopération. Mais, le Japon ne peut pas répondre à tout. Mais, il n’ya pas mal de moyens, par exemple l’Agence japonaise de coopération internationale a plusieurs programmes de stages et plusieurs programmes d’envois d’experts. S’il ya une barrière, c’est la langue. Pour les Japonais, apprendre une langue étrangère est très difficile. Tout au plus, l’anglais est enseigné à l’école secondaire. Cependant, il n’ya que peu de Japonais qui maîtrisent l’anglais. Dans le cas du français, il ya peu de gens qui comprennent. Comme il ya cette difficulté, il ya une certaine limite. Lors de la visite des membres de la JICA, on a discuté avec les membres de l’ambassade, en reflétant le souhait de plusieurs ministères. De toute façon, si on réitère, si on reflète notre expérience, cela peut être l’approvisionnement en eau potable, la santé et l’éducation pourraient être toujours les piliers de la coopération japonaise. Dans le domaine agricole, le Japon avait octroyé un fonds nécessaire pour l’achat des engrais. Grâce à ces engrais, les exploitants agricoles ont pu nettement améliorer le rendement des récoltes. C’est aussi un des sujets. En ce qui concerne l’aide alimentaire, il faut voir la réalité, il faut bien étudier les données. Bien entendu, la Guinée importe une certaine quantité de riz, mais les exploitants agricoles exportent aussi leurs riz vers les pays voisins. Il faut bien savoir si la république de Guinée est un pays déficitaire ou bien excédentaire du riz. Ça, il faut bien l’étudier.
Le Japon fait partie des partenaires clés de la Guinée en termes d’aide au développement. Peut-on chiffrer l’enveloppe consentie annuellement à ce pays par le gouvernement japonais?
Le montant de décaissement varie d’une année à l’autre. Pendant les périodes chaotiques, c’est-à-dire les périodes où il ya eu des émeutes, le Japon n’a pas pu décaisser. Mais pendant la période paisible, le Japon a fait mieux. Ces dernières années, en moyenne, la Japon a décaissé à peu près deux milliards de yens japonais. Ce qui correspond à peu près en francs guinéens à cent quarante milliards de francs guinéens, toutes les catégories d’aides confondues annuellement. Le décaissement peut être directement entre le gouvernement du Japon et celui de la Guinée. Mais aussi par l’intermédiaire des organisations internationales.
Est-ce que le Japon veille à ce que son aide soit utilisée à bon escient?
Le Japon est un pays intègre dont le peuple aussi majoritairement. Mais, il n’en reste pas moins que dans l’histoire du Japon il ya eu des gens malveillants. Le nombre était minoritaire certes. Le développement économique du Japon dépend largement de l’intégrité des fonctionnaires et des opérateurs économiques. On peut dire, c’est grâce au travail effectué par la Cour des comptes du Japon que cela est possible. La coopération japonaise est aussi sous le contrôle de la Cour des comptes du Japon. Mais le système japonais de coopération est très strict. Une fois signée, une convention gouvernementale, je ne sais pas pour les autres pays mais dans le cas du Japon, on ne donne pas l’argent intégralement et facilement comme ça. Dans la majorité des cas, c’est un système de réalisation de projet, s’il ya un projet et si une partie du projet est réalisée, l’Agence japonaise de coopération internationale qui est une agence d’exécution, décaisse un fonds nécessaire pour la partie réalisée. Sans avoir la réalisation concrète, visible, l’Agence japonaise de coopération internationale ne décaisse pas. C’est-à-dire, qu’il n’y a pas de magouille dans le cas du système japonais.
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Entretien réalisé par Mamadou Dian Baldé et Oumar Daroun
In L’Indépendant