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Censure

Perplexité constitutionnelle : M. Alpha CONDÉ peut-il briguer légalement un 3ème mandat ? (Mamadou Billo SY SAVANÉ)

La conférence de presse  tenue le 15 Mai dernier à CONAKRY  par  le président Alpha CONDÉ, a fait beaucoup de bruits  sur un point sur lequel elle n’aurait pas dû en faire. A la question d’un journaliste de savoir si comme certains « chefs » d’états africains, il est tenté de modifier la constitution  afin de briguer  un troisième mandat, le président a répondu par  une série de pirouettes confuses. Et il paraissait non pas agacé, mais énervé,  même en colère  par une question somme toute banale.

A quatre ans de la fin de son dernier mandat (en principe) et dans un pays en déshérence ou presque, il peut paraître  incongru  de  soulever une question constitutionnelle.   La priorité  immédiate est ailleurs :   l’agriculture,  l’électricité, lutte contre la  corruption, l’insécurité….Le président lui-même s’est prêté  à  un embrouillamini généralisé au sujet  de la tentation qui lui est prêtée : une modification  constitutionnelle dont il serait le bénéficiaire.

Alors, à supposer qu’il en ait la volonté, ce qu’on ne peut plus exclure avec certitude,  le  peut-il en toute légalité ?

Généralement et partout,  la légitimité et la légalité   d’une CONSTITUTION reposent uniquement sur  un fond, les textes fondateurs, et une procédure solennelle impérative d’adoption, le référendum.  La conjonction  des deux éléments  confère  alors  au texte un caractère presque « sacré » s’il est adopté.  Au demeurant,  une constitution, y compris en Guinée,   c’est la mise en commun  des  différentes parties  pour n’en former plus  qu’UN tout.  Les différentes parties, ici les  citoyen (nes), doivent être largement informés sur les textes fondateurs qui sont à la fois, le soubassement et la colonne vertébrale de l’édifice nouveau dans lequel on veut les faire cohabiter.  Et c’est par  là, me semble-t-il, qu’on rentre dans une problématique de CONSTITUTION et de  sa VALIDATION.

La constitution dans le fond, comporte l’ensemble des Règles  primordiales qu’une Nation, un pays, un Etat, ou un ensemble d’ETATS  se fixe  concernant  la forme (République ou monarchie) que peut prendre l’Etat, la définition et l’organisation des principaux pouvoirs, les Lois fondamentales auxquelles toutes les autres lois doivent se conformer, comment  accède- t-on au pouvoir et à quelles conditions…..C’est donc de cette Règle Fondamentale que  les autres textes  peuvent tirer leur légalité. 

Pour faire court, la CONSTITUTION, c’est le père et la mère  de toutes les règles à venir (lois, décrets, ordonnances….) dont dépendront toutes les citoyennes et tous les  citoyens  pour tous les actes de la vie, pendant toute leur existence.   En raison de son poids considérable sur la vie  du pays et de ses habitants, la procédure par laquelle elle est validée, a autant d’importance que la constitution elle-même. Il ne suffit donc  pas de rédiger un texte avec des articles pour que cela soit une CONSTITUTION.

Or la  seule et unique  procédure de validation d’une constitution, c’est le RÉFÉRENDUM.  Il n’y en n’a pas d’autre. Le  référendum, précédé de nombreux débats populaires et contradictoires, à l’intérieur du pays, et partout où il y a des ressortissants guinéens, permet  de lever des incohérences,  d’éclairer et préciser ce qui apparaît vague et confus, et finalement de faire comprendre  à tous, dans les villes comme dans les campagnes, que le pays est gouverné sur la base de règles sur lesquelles tous les guinéens se  seront prononcés, puisque, à l’issue des débats,  il leur sera demandé de dire par OUI ou NON, s’ils acceptent la constitution ou pas. C’est  le respect scrupuleux  de la procédure ainsi décrite qui fait la  PUISSANCE et la FORCE d’une Constitution. Car le peuple SOUVERAIN se sera prononcé. D’où l’adage  juridique « vox populi, vox dei »  qu’on peut traduire approximativement par  « la voix du peuple, c’est la voix de dieu ». Le  Président en République, n’est pas au-dessus du peuple. C’est le Peuple qui lui confie  temporairement  sa  souveraineté. Il en est le gardien, pas le propriétaire.

Alors quel est le problème ?

En Guinée, le peuple n’a jamais été consulté  à propos d’un texte  qu’on lui a imposé presque clandestinement en 2010, au titre de « constitution ». Or  ce texte que j’appelle un ARRANGEMENT textuel  pour le compte d’une ou de quelques personnes, n’a rien de constitutionnel. Le peuple auquel il s’applique, n’y a jamais consenti, pour une raison simple : personne ne l’a jamais consulté pour savoir s’il adhère ou pas à cette « constitution » en vigueur.

 Pourtant, une constitution est un contrat collectif, d’adhésion. Mais l’adhésion suppose  que les adhérents sont correctement informés, et de ce fait adhèrent, en toute connaissance de cause à ce qu’on leur propose.  Dans le cas guinéen, la souveraineté du peuple a été confisquée. Cela est si vrai que,  c’est à un « général » putschiste qu’on a demandé  de décréter que l’ARRANGEMENT textuel  en faveur de quelques personnes,  est une « constitution ». Or un général putschiste aux mains tachées de sang des Guinéens, ne peut en aucun cas se substituer  au peuple qu’il a maltraité.  

Il n’y a pas de CONSTITUTION en Guinée. Il y a en revanche un ARRANGEMENT textuel que chacun des candidats de 2010 espérait utiliser à son profit, s’il était élu.  En raison de sa ruse et de son « bagout » politique, c’est M. Alpha CONDÉ qui a osé défier tout le monde pour se proclamer « élu ». Il en fait ce qu’il veut. Je ne vois pas très bien sur la base de quel fondement, on lui reproche de ne pas respecter une « constitution », elle-même dépourvue de base juridique irréprochable. Elle n’a même jamais été proposée à la validation(RÉFÉRENDUM), pourtant indispensable.

 On peut donc s’attendre  qu’il fasse écrire  un nouveau texte qui  réponde à  ses désirs. Il le soumettra  vraisemblablement à son « référendum » dont le résultat lui sera bien évidemment favorable. Ainsi, il se sera fabriqué sa propre légalité constitutionnelle qui sera inattaquable, au moins sur la forme.

Conclusions : 1°. M. Alpha CONDÉ ne  peut  pas  être  accusé de violer  une  “constitution” que le peuple n’a pas validé par référendum,  sauf à dire  que la signature d’un “général” putschiste et assassin, engage  le peuple guinéen qui ne l’a jamais choisi.

2°. OUI, la probabilité que M. Alpha CONDÉ, pour s’ouvrir la voie d’un troisième,  d’un quatrième mandat…. fasse valider par référendum sa constitution, est réelle. Inutile de le nier.

Mamadou Billo SY SAVANÉ

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