Censure

La Guinée doit changer dans le système, dans les mentalités et dans les institutions (Par Mamadou Gando Bah)

Émettre son opinion sur les questions politiques en Guinée renvoie à un choix cornélien.

Lorsque vous vous engagez à vous exprimer, alors vous avez le choix  d’appeler les choses par leur vrai nom au risque de vous faire attirer les foudres des fractions extrémistes, ou de mentir pour trahir votre pays.

Voilà la raison qui explique la rareté de mes interventions sur l’actualité socio- politique de mon pays. Mais le contexte m’oblige, je n’ai pas le choix. Ma conscience, mon éducation, mon amour pour ma chère Guinée me force à défendre coûte que coûte ma nation, ma république et ce, au prix de tous les sacrifices.

Oui je n’ai plus le choix, surtout lorsque je vois tous les politiques ou presque proférer des menaces comme dans un film gangster, entrainant ainsi notre pays dans une psychose de crise permanente. Trop de politique tue la politique. La politique est devenue une canicule qui brule sur son passage tous les autres débats de société, de développement. Peu de cadres ne se focalisent sur les débats relatifs aux questions de développement, à la recherche de solution sur les enjeux économiques et environnementaux. Tous ou presque préfèrent s’adonner à défendre les positions antagoniques entre majorité et opposition.

Je n’ai pas le choix, face à une guinée  qui est transformée en champs de bataille par des politiques égoïstes et sans reculs, reléguant de fait toutes les préoccupations de développement au second plan. J’aurai aimé voir les politiques en particulier l’opposition produire des propositions de résolution des questions liées au climat, à l’agriculture, au transport, à l’urbanisme….Mais hélas c’est la politique du tout ou de rien. J’aurai souhaité également que la majorité s’abstient de tomber dans les débats politiciens, pour mettre en avant les débats liés à l’unité, à la reconstruction et au développement.

Malheureusement, beaucoup gaspille leur énergie à répondre au coup pour coup. Les guinéens n’ont pas besoin de cela.

Je n’ai pas le choix, face à un développement de la culture de la haine, de la violence et du mépris, ingrédients de tous les conflits que d’autres pays ont connu, c’est le cas des pays voisins comme la Cote d’ivoire, la Sierra Leone, et le Liberia qui n’ont pas encore cicatrisé les blessures.

L’histoire Guinéenne est déjà trop lourde en sacrifice n’en rajoutons plus.

Je n’ai pas le choix, quand je finis par me rendre compte que la seule préoccupation des politiques c’est le pouvoir, le pouvoir et le pouvoir. J’ai l’impression de vivre  l’époque de la guerre des empereurs. S’il est établi que la vocation de tout parti politique c’est la conquête et l’exercice du pouvoir, il est également consacré le devoir pour les partis d’apporter une éducation citoyenne et des propositions sur les enjeux nationaux.

Je n’ai vraiment plus le choix, quand je vois nos mamans, nos sœurs qui tous les jours se précipitent dans les marchés et les artères de Conakry pour aller s’accrocher à la vie , quand je vois ces milliers de jeunes qui, à la fin de chaque année scolaire viennent gonfler le rang des chômeurs , quand je vois tout ce pauvre monde qui se bat comme un animal juste pour trouver un taxi .

Aucun choix pour moi, lorsque je me rends compte que ces pauvres paysans qui après avoir cultivé pendant des siècles par la daba cultivent encore par la daba.

Je ne peux choisir désormais, quand je vois tous ces fonctionnaires qui n’ont trouvé comme unique solution pour joindre les bouts, l’endettement, les éternelles dettes dans les banques.

Je n’ai plus le choix, pour exprimer mon opinion, mes propositions, mon apport pour une guinée qui doit changer, qui doit se reformer, qui doit se développer pour le bonheur de ses millions d’habitants.

La Guinée doit changer dans le système, dans les mentalités et dans les institutions

C’est le même système qui gouverne la guinée de 1958 à nos jours. Certes, nous avons connu des changements de chefs d’Etat avec des visions plus ou moins différentes, mais les individus qui ont animé les appareils politiques ont soit toujours été les mêmes ou ont soit été à l’ombre  pour tenir la ficelle à leurs prototypes. Ils ont  un pouvoir  extraordinaire d’avoir de la longévité et de capter dans leur aimant tout nouveau chef d’Etat.

Ce qui fonde leur caractère c’est la brutalité et la corruption, leur instinct développe de la répulsion contre toute idée de droit de l’homme et de développement. Ils ont pour seul mode de gestion la répression et la terreur.

Eux aussi, ils n’ont pas le choix, ils ne peuvent pas faire autrement, c’est la formation qu’ils ont reçue, c’est le gène qui est développé en eux.

Le président de la République qui à son élection était animé d’une réelle volonté de poser la bonne brique pour la reconstruction de la guinée, a hélas qu’il me soit permis, commis la grave erreur d’être capter par l’aimant de ceux que j’appelle ici, les charognards de la république.

Qu’il me soit permis aussi, d’inviter le Président à consacrer un peu de temps à la méditation et observer autour de lui.  Je suis convaincu, si le Président de la République veut réussir son programme de société, il doit se libérer d’abords de l’aimant des charognards de la république et ensuite développer un dialogue transversal avec toutes les forces vives de la nation.

Les conditions doivent être créées pour que chaque fils de la nation apporte sa petite contribution pour la consolidation de la paix et la construction socio économique de la Guinée.

La Guinée doit également changer dans les mentalités

Cela passe tout d’abord par la capacité de chacun de cesser de ressasser chez son prochain son appartenance ethnique ou régionaliste .Chaque guinéen doit chercher en son prochain la compétence, le talent.

Aucun guinéen ne gagnera dans la division, dans la haine. Economisons nos forces physiques pour la vieillesse et faisons travailler le cerveau pour préparer notre avenir et l’avenir de nos enfants.

Les guinéens doivent s’interroger sur un certain nombre de questions à savoir,  comment résoudre le problème de l’emploi qui se pose aujourd’hui avec acuité pour  ces centaines de jeunes qui ne savent plus que faire de leurs diplômes ? Comment améliorer le réseau du transport pour soulager ces millions de guinéens pour qui, se déplacer est devenu un défi quotidien ? Que faut il pour améliorer les traitements des agents publics pour les quels le misérable salaire sert à prendre des dettes ? Que faire pour améliorer les conditions de vie de ces femmes qui tous les jours se battent comme hercule pour rester accrocher à la vie ? Quelle politique pour améliorer les conditions de vie de ces paysans qui semblent désespérer de tout épanouissement ? Que faire pour arrêter de transporter ces bidons d’eau et mettre fin à la myriade de forages dans la capitale avec tous les risques qui y sont liés ? Bref, comment améliorer les conditions de vie des populations ?

Voilà les bonnes questions qui doivent être au cœur des préoccupations des gouvernants, des opposants et de la population.

Malheureusement la population est prise en otage par des gouvernants en manque d’idées et qui se nourrissent des crises et les opposants qui manquent  de l’esprit patriotique et qui sont viscéralement obsédés à s’attaquer à tout prix au chef de l’Etat à tort ou à raison.

La population doit murir la réflexion et développer une culture de paix mais aussi de discernement. Elle doit refuser de tomber dans la manipulation, parce que dans la crise elle n’a rien à gagner. Autant elle doit exiger au pouvoir le respect de ses engagements, autant elle doit s’opposer aux achats de conscience.

La Guinée doit changer dans les institutions

On ne peut pas prétendre construire une république en bafouant nos institutions. Aujourd’hui la quasi-totalité des institutions traverse des crises, des crises de confiance, des crises de gestion, des crises de leadership.

Toute porte à croire que c’est l’exécutif qui s’occupe de tout, ce qui est dangereux pour notre jeune démocratie.

Au niveau de l’assemblée Nationale, l’opposition est incapable de valoriser sa position.           Or, elle peut tout à fait convaincre  sur un nombre de questions en faisant avancer des propositions séduisantes. Elle ne fait pas élever le niveau du débat notamment sur les questions électorales. Elle préfère transposer le débat ailleurs.

La majorité reste tout droit dans ses bottes, elle reste jalousement accrocher à sa position ce qui entraîne du coup une paralysie dans le fonctionnement normal des sessions.

La Haute autorité de la Communication est désormais plongée dans une constante crise  du fait d’un manque de leadership d’une présidente qui n’arrive pas à s’accoutumer à la culture de la contradiction.

L’institut National des Droits Humains qui au lieu de s’occuper des multiples violations des droits de l’homme, devenues le quotidien des guinéens, se déchire aujourd’hui pour des questions d’argent.

Une Cour constitutionnelle qui en principe devrait fonctionner dans la sobriété,  occupe désormais la UNE des journaux satiriques.

Pour toutes ces raisons, j’ai réalisé que je n’ai plus le choix. Émettre désormais mon opinion sur les questions politiques est devenu un devoir  pour moi, peut être même une obligation.

A BIENTÔT.

Mamadou Gando BAH

Spécialiste en Gestion Publique

gando483@gmail.com

 

 

 

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