La Guinée, depuis sa souveraineté, n’est connue qu’à travers un spectre funeste qui cadence son quotidien : épidémies de tous genres (sida, paludisme, fièvre d’Ébola), famine, corruption, analphabétisme, guerres communautaires, tueries … La liste est longue et douloureuse. Tous les ingrédients qu’il faut pour retarder le développement d’un pays. Chose singulière et révoltante, c’est que ce pays regorge de potentialités minières, agricoles, de façon inestimable : Plus de six millions d’hectares de terres fertiles, quarante milliards de tonnes de réserves de bauxite, vingt milliards de tonnes de réserves de fer en haute teneur, deux milles tonnes d’or, trente millions de carats de diamants, cent soixante millions de tonnes de réserves de calcaire, cinq cents tonnes de réserves de nickel et la plupart des grands cours d’eau qui arrosent la sous-région Ouest africaine, y prennent, tous, leur source … Comment expliquer que ce pays au sous-sol si riche soit aussi pauvre ?
La jeunesse n’est pas assez scolarisée. Quand bien même elle le serait, nul débouché ne lui sera proposé. La vraie richesse, c’est l’homme. Tant que la Guinée n’arrivera pas à faire de l’éducation et de la formation la priorité des priorités, le pays pourra encore s’attendre à passer un nouveau siècle dans les sous-sols du sous-développement. Le vrai pouvoir, c’est le savoir.
La Guinée n’a plus besoin, dorénavant, que d’hommes de défis, valeureux et intègres, pleins d’éthique, avec de fortes convictions et qui croient réellement en elle. Les difficultés présentes de la Guinée ne sont pas une fatalité ou même le signe d’une quelconque malédiction divine. Personne n’est surpris quand on parle de démocratie et de liberté en Afrique. On sait pertinemment que ces notions sont vides de sens dans ce continent. Juste des slogans pour émouvoir une partie de l’opinion internationale qui se soucie réellement du devenir de l’humanité.
Que représente l’économie guinéenne quand celle-ci dépend exclusivement de l’aide et des subventions de l’occident ? Que seriez-vous si l’essentiel de la vie de votre ménage dépendait de la générosité de votre voisin de palier ? Comment comprendre que notre pays soit potentiellement riche et que sa population meure de faim ? Comment comprendre et accepter que notre pays ait un réel besoin de main-d’œuvre qualifiée quand dans le même temps ces mains habiles immigrent vers les pays développés ? Parce qu’aucune perspective d’avenir ne s’offre à sa jeunesse ? Parce qu’aucune volonté ne définit clairement une politique basée sur le long terme ?
Au lieu de rester attaché aux basques du néocolonialisme, en continuant d’importer l’essentiel des moyens de fonctionnement du pays, dont l’alimentation de base, de l’ancienne métropole ou de l’étranger en général, il fallait nécessairement s’orienter, dès les premières années d’Indépendance, vers l’autosuffisance alimentaire, par une intensification et diversification de l’agriculture. Bien entendu, nous entendons par là, une agriculture moderne, mécanisée ou motorisée, rompant définitivement avec l’archaïsme de l’utilisation de la daba, la houe et l’hilaire. Une agriculture de grande envergure mécanisée et capable d’ensemencer d’importantes surfaces pour des productions tout aussi importantes à dimension industrielle, et qui dépasseraient naturellement notre simple consommation nationale. Et le surplus des productions serait destiné à l’exportation, source de devises.
Et si, auparavant, nous avions définitivement rompu avec l’importation de l’essentiel de nos besoins de consommation en produits et denrées alimentaires, nous aurions de fortes chances que notre balance de paiement soit équilibrée, voire excédentaire. Et, avec des efforts soutenus par une gestion efficiente et rationnelle des affaires publiques, on aboutirait à cette bonne gouvernance, tant souhaitée.
La Guinée doit arriver à sécréter une nouvelle classe de jeunes politiciens, épris d’indépendance, de liberté, d’égalité et de progrès. Cette nouvelle classe doit jouer à fond la carte du libre-échange économique avec l’occident, tout en privilégiant l’épanouissement et le bien-être de sa population. Ce dont a besoin notre pays, ce sont de vrais leaders, des éveilleurs de consciences, des personnes prêtes à porter le pays à bout de bras. Sinon la tradition de la dictature qui se voile sous le couvert des présidents « démocratiquement élus » et la culture de « la prise en charge » finiront par achever les minces espoirs que nous nourrissons pour ce pays.
C’est là que doit intervenir le sursaut et l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants. Des dirigeants d’un type nouveau, conscients de leurs responsabilités historiques : sortir notre pays de cet état de non développement, d’appauvrissement endémique, qui perdure ; cet état d’acculturation et de mimétisme de l’occident qui frise l’aberration, au point de nier notre existence même, en tant que pays et nation, avec des cultures certes fortement variées, mais complémentaires, d’égale valeur et de même dignité que celles des autres peuples du monde.
Jeunes de Guinée, réveillons-nous. A bara lanbè !
Ousmane Boh KABA
Coordinateur du mouvement citoyen « A bara lanbè ».