Le chroniqueur sportif Thierno Saïdou Diakité indique dans cet entretien qu’il a accordé à notre reporter, que notre équipe nationale ne pouvait pas se mesurer avec l’équipe de la République Démocratique du Congo, à l’issue de la seconde journée des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018. Il reconnait que le coach du Syli national Lappé Bangoura est limité, ce malgré sa volonté…
Quelle lecture faites-vous de la rencontre Guinée-République Démocratique du Congo, qui s’est soldée par une défaite de notre onze national?
Thierno Saïdou Diakité : C’est avec un sentiment de regret que j’ai suivi ce match sur la télévision congolaise. Si vous avez suivi comme moi cette rencontre vous auriez dû constater que le Syli national a eu deux visages : une première période pendant laquelle elle a malmené son adversaire avec une flopée d’occasions de buts, qui n’ont pas été malheureusement concrétisées; avec 60% de possession de balles. L’autre visage du Syli, c’est qu’on a curieusement vu les joueurs du Syli national baisser les bras. Ce qui a permis aux Congolais de revenir à la hauteur du Syli national et qui ont réussi à aggraver le score. Et dans les dix dernières minutes le Syli a tenté vainement d’égaliser, sans pour autant réussir. C’est un peu ça, ma lecture du jeu.
Selon vous, pourrait-on dire que cette défaite était prévisible. Vu que l’équipe nationale était démembrée?
Pour être honnête avec vous, moi j’avais pronostiqué un match nul. Effectivement, il y avait quelques pièces maîtresses qui manquaient au sein du Syli national notamment Ibrahima Traoré, qui est l’homme de base, qu’on le veuille ou pas. C’est le maître à jouer de notre équipe. Il y avait aussi Landel et bien d’autres, qui ont manqué. Figurez-vous que moi, j’ai regretté l’absence de François Kamano, qui selon moi, avait sa place dans le secteur offensif du Syli national. Ce joueur, est actuellement en forme, je l’ai vu jouer contre Marseille, il y a dix jours de cela, il a bien animé l’équipe Bordeaux.
La défaite n’a pas de parrain, comme le dit l’adage, le lendemain de cette rencontre Guinée-RD Congo, le ministre des Sports a convoqué le comité de normalisation et l’entraineur Lappé Bangoura. Quel est votre regard, là-dessus?
J’ai apprécié la démarche du ministre. Effectivement, hier (lundi 14 novembre, ndlr), une réunion d’urgence a été convoquée au cabinet du ministre. Tous les cadres du cabinet étaient présents, le comité de normalisation et l’entraineur. A cette occasion un avertissement a été adressé à l’entraîneur du Syli ; on lui a rappelé que c’est un contrat objectif qui le lie à la fédération et au ministère. Et par conséquent, l’objectif qui lui a été assigné c’est la qualification de l’équipe nationale aux phases finales de la Coupe du monde.
Mais certains pensent que les carottes sont cuites pour cette qualification, est-ce votre avis?
Oui j’en conviens avec vous. Nous avons grillé 50% de nos chances de qualification avec ces deux défaites consécutives. Nous fermons la marche à la queue du groupe avec la Libye. La Tunisie et le Congo se partagent la première place avec une différence de goal avantageux.
Le ministre des Sports a même voulu dissoudre l’équipe nationale après cette nouvelle défaite?
Il est question de reconstruction selon les termes de Lappé. A mon humble avis, je pense qu’ils vont s’appuyer sur une ossature de joueurs locaux qui vont être renforcés par les professeurs internationaux.
Justement est-ce que Lappé peut-il construire une équipe nationale compétitive ?
La question est pertinente, cela me fait penser à un entretien que nous avons eu, au moment du choix de Lappé. J’avais dit que nous avons besoin d’un entraîneur de haut niveau avec un profil de formateur. Il faut convenir aujourd’hui que malgré sa bonne volonté notre compatriote Lappé a quelques limites. Parce qu’on le dit souvent, la deuxième période d’un match appartient aux entraîneurs. Je ne sais pas sur quoi, il s’est fié après la première période pour ne pas maintenir et aggraver le score. Parce qu’en deuxième période nos joueurs ont baissé les bras. Ils ont laissé l’initiative aux Congolais qui physiquement étaient beaucoup présents sur le terrain.
Certains observateurs ont aussi déploré le manque de patriotisme des joueurs guinéens. Qu’en dites-vous?
J’en conviens avec vous, nous n’avons pas de joueurs qui peuvent mouiller le maillot comme les Camerounais ou les Nigérians. Il y a l’aspect mercantilisme qui apparait souvent. Ils songent beaucoup plus à ce qu’ils doivent recevoir qu’à se défoncer pour le pays. J’en conviens avec vous, tous ne sont pas patriotes même s’ils répondent à la convocation de l’entraineur, ils ne mouillent pas entièrement le maillot. Ils se préservent pour avoir leurs places dans leurs clubs respectifs. Pour eux d’abord c’est l’argent qui compte avant la patrie et ça c’est bien dommageable pour le pays.
Toujours par rapport à cette rencontre. Certains ont estimé que le commissaire du match a voulu annuler cette rencontre. A cause du dépassement du nombre de billets vendus. Ce qui a amené certains spectateurs à arpenter le mur du stade?
Comme j’ai suivi le match à la maison à partir de la télévision congolaise. Mais aux dires du ministre il a dit que le pire a été évité, sans rentrer dans les détails. Dans ce sens, il a demandé un rapport sur les conditions d’organisation du match de ce dimanche.
En tant que consultant sportif de votre état, comment comprenez-vous qu’un match qui se joue en Guinée ne soit pas retransmis en direct à la télévision nationale?
Ah ça c’est la goutte d’eau qui déborde le vase. La RTG, le ministère de la Communication nous doivent des explications. C’est inconcevable qu’un match qui se joue dans nos propres installations et qu’il ne soit pas servi à nos téléspectateurs. Les fans du football ont été obligés de se rabattre sur la télévision congolaise. Qui a retransmis le match en direct avec des images impeccables, accompagnées d’un commentaire impeccable. Et figurez-vous, ils ont monté un studio dans un grand hôtel de Kinshasa où tous les membres du gouvernement étaient dans les suites pour suivre le match et après la rencontre leur ministre des Sports est venu sur le plateau pour faire son commentaire.
Pour finir, depuis que Lappé Bangoura est à la tête du Syli, ce dernier n’a encore perçu aucun centime. Comment expliquez-vous cet état de fait ?
Au sortir de la réunion d’urgence qu’il a eue avec son cabinet, il a dit qu’on lui doit cinq mois d’arriérés. Je pense que le dossier se trouve entre le ministère des Finances et celui du Budget. Le ministre des Sports dit, qu’il va essayer d’intervenir afin que rapidement cette situation se corrige. C’est que c’est une situation quelque peu embarrassante mais j’estime que Lappé, il a fait preuve d’engagement et il s’est investi à fond pour préparer le match de la Tunisie et celui du Congo RD. Mais il faut dire que la plus belle femme ne peut donner ce qu’elle a. Il s’est investi malheureusement, il n’a pas l’équipe de haut niveau qui peut rivaliser aujourd’hui avec le Congo RD. La défaite est logique, je pense que les Congolais étaient au-dessus des joueurs du Syli national.
Interview réalisée par Richard TAMONE