L’exercice n’est pas facile et espérons que l’Histoire ne se répète pas. Faisons le grand écart et sautons le règne du Général-président Lansana Conté. Facile pour Alpha Condé qui avait pris la Guinée là où Sékou Touré l’avait laissée, à la Case de Bellevue, à la Cité de l’OUA, construites par le Maroc d’Hassan II. Mais Hassan II n’était pas Mohamed V, un des pères fondateurs du Groupe de Casablanca, qui serait plus panafricaniste que le Groupe de Monrovia, avec les « réactionnaires » Houphouët, Senghor et consorts.
Mais au tournant des années 70, après avoir visité Yamoussoukro, Sékou Touré s’était-il senti sur la mauvaise voie, du moins en matière de développement économique ? Mais voilà, il n’y a pas d’économie sans politique. Du reste, la science de l’économie avait reçu comme nom de baptême Economie politique, de Proudhon, Saint Simon, à Karl Marx, jusqu’à mon professeur Henri Guitton (frère du philosophe Jean Guitton, ami du pape..).
Il y avait cette épineuse question du Sahara occidental que réclamait bec et ongles Hassan II d’un côté, et de l’autre les tenants « révolutionnaires d’un Sahara mauritanien soutenu par l’Afrique « progressiste. ». D’où le retrait du Maroc, avec cette phrase du roi de l’époque commentant une importante réunion de l’OUA :
– Ah, vous parlez de cette danse de la Saint-Guy, lâcha-t-il à un journaliste.
La Saint-Guy est un rite très profane des Bretons et autres Celtes, qui se dansait avec des protagonistes qui avaient pour seul vêtement un cache-sexe, probablement une feuille de l’essence qui donne son nom à ce Halloween des temps ante-monothéistes !
Sékou Touré tenait pourtant à cette ultime réunion de l’OUA à Conakry. Il décide de faire le grand écart et commence par le Maroc où il s’entend dire à peu près ceci :
Oui mais si l’Algérie y participe alors qu’elle soutient…
Pas du tout découragé, Sékou Touré s’envole pour l’Algérie:
– Oui mais si le Maroc y participe alors qu’il soutient que …
Sékou aurait poursuivi jusqu’en Lybie pour voir l’autre Guide suprême.
Il en repart, emportant la rumeur tenace d’un micro d’où il aurait inspiré un poison. Mais la réalité est d’une cruelle ironie.
Ecartelé, il revint à Conakry. Après avoir dit adieu – on le comprendra plus tard – à une certaine jeunesse lors de son dernier rassemblement, il vomit du sang – dit-ton- et dans l’intimité, sous la pression de cette dernière et sans doute conduite par Ismaël Touré (1), il ne lui restait plus qu’à se faire évacuer au Maroc, et aux frais de l’Arabie saoudite, « aller jusqu’au bout de son rêve » (L’Alchimiste de Paulo Coello), continuer le chemin de son destin jusque sur cette table d’opération de Cleveland, au cœur de Babylone où il trouva son tombeau au lieu que la Guinée fût le tombeau de l’impérialisme.
Quant à Alpha, le désistement d’Issoufou en sa faveur était prévisible, c’est un ami de longue date. Certes, toute la CEDEAO n’est pas composée que d’amis. C’est que la présidence de l’UA africaine n’est pas une sinécure. Et la plupart des chefs d’Etat de ce conglomérat de présidents à vie – avec de notables exceptions – ne sont pas friands de voyages. Et pour cause ! Qui va à la chasse trop souvent même en Classe affaires, perd sa place.
Qu’est-ce qu’Alpha dira à notre ami le roi Mohamed VI qui nous a offert ce magnifique palais, qui a accepté de venir à ces cérémonies de la Saint-Guy que le Maroc avait boudées pendant une quarantaine d’années ? Je pense à nos compatriotes les Koniaguis de Sarè Boïdo-Koundara qui, jusqu’aux années quarante, trouvaient qu’il était absurde de se mettre en costard quand il fait 40 degrés à l’ombre. Ils nous ont pourtant donné, un grand poète, Alphonse Tylé Sarah, frère (ou cousin) aîné de Monseigneur Sarah, qui sera peut-être pape qui sait ?
Boutéflika ne viendra pas. Le motif est tout trouvé : il n’est pas d’attaque, ni pour twister comme Alpha qui n’a pas perdu son pas de Zazou pendant ces fêtes, encore moins pour délivrer une de ces figures de danse de la mort à la quelle se livrent les jeunes initiés revenus de La mort sara (Robert Jaulin), un terrible rite tchadien que les Koniaguis et toutes les voies initiatiques africaines pratiquent toujours dans le secret du Bois sacré. Qui connaît le nom de « l’homme fort » qui pourrait aider les gendarmes du siècle à faire déposer Bouteflika, le cas échéant ? Comme ils l’avaient avec le commandant en chef, Bourguiba soi-même !
Alpha doit penser à Kidal et au rôle crucial que pourrait ou ne pourrait pas jouer l’Algérie pour une paix et une réunification durables au Mali. Surtout, s’agissant des faucons d’un nostalgique FLN qui n’a pas encore oublié les propos de la Voix de la Révolution après le coup d’état de Boumediene :
« Ces petits caporaux ne feront pas trois semaines.. ».
Alpha n’oubliera sans doute pas ces propos d’El Lider Maximo en visite en Guinée :
En Algérie, j’ai vu un peuple travailleur ! En Guinée je vois un peuple mobilisé.
IL retiendra d’avantage la deuxième partie de ces remarques historiques.
Il faudra plus qu’une synergie des médias publics et privés pour mobiliser « les femmes et les jeunes » à chacun des voyages, trouver un décor qui sied à la dignité du haut représentant qu’est Sidya à qui je suggère du bois bété dans ce palais qui devrait sentir une lointaine et proche senteur de Bois d’Ebène..Faire vite pour installer le nouveau partenaire, that is Cellou au domicile privé d’Alpha, celui de « L’attentat show » contre A lélé tcho ! devenu président démocratiquement élu, disait la RTG jusqu’il n’y a pas longtemps encore, en le faisant rénover par … l’Algérie, qui le repeindrait aux couleurs du FLN ; il suffirait de retirer quelques couleurs non fondamentales de celles du RPG-Arc-en-ciel, d’ailleurs rendues passablement obsolètes par un vent de grogne..
Santé et bon vent au nouveau pensionnaire du mythique Opéra de Pékin!
A suivre : Carnet d’un Zonard 3 : 1 + 1 + 1 ne font pas 1, Cellou, Sidya et la ménagère le savent, et Alpha ?
Was-Salam,
Saïdou Nour Bokoum
Note 1) J’étais allé planter le fanion du CNGE (Conseil National des Guinéens de l’Extérieur) dans la cour de Jean-Marie Doré qui accueillait le Forum des forces vives. En 10 minutes, « l’affaire était dans le sac » et JMD pour qui la loi guinéenne est universelle, et que donc Guinéens A, Guinéens B, ça n’existait qu’à la FEANF. Donc il m’invite le lendemain à déjeuner au restaurant Le Damier ! Dame ! Toute l’après-midi, nous n’avons parlé que de Jésus, Marie et Muhammad (Paix et Salut sur les trois). J-MD : un puits de culture tous azimuts. Bon, voici pour les amoureux du brouhaha du siècle. Il me raconte comment Ismaël Touré l’avait démarché pour être l’interface intello-diaspo d’un coup d’état imminent…Sékou est mourant lui précise l’émissaire d’Ismaël de passage en Belgique, siège du BIT et où la « Révolution » l’avait affecté. Dès que l’émissaire disparut de sa vue, il prit le premier vol pour Conakry, de l’autoroute infinie de l’Histoire, J-MD fonça directement à la présidence et du pas de la porte, lance au Responsable suprême :
Ecoute prési, mettez-moi en dehors de vos histoires de famille..
Encore Ismaël et ma « maladie ».. Avec la voix bien timbrée de Sékou !
Bokoum, devine comment il l’a su ?
Jean-Marie, je ne suis pas aussi cultivé que toi..en matière de révolution multiforme..
Voyons Bokoum !
Disons, en dehors des micmacs révolutionnaires, c’est l’émissaire évidemment.