La Guinée vient de signer avec la Chine un accord-cadre historique de 20 milliards de dollars. Les conditions, notamment du remboursement du prêt, restent floues, le texte n’a pas été rendu public. L’opposition s’inquiète des retombées négatives et non avantageuses pour la Guinée. L’opposition réclame toujours des élections locales, qui n’ont pas été organisées depuis plus de 10 ans. En cette rentrée gouvernementale, le Premier ministre guinéen Mamady Youla dirige une équipe fraîchement remaniée. Mamady Youla est l’invité de la rédaction Afrique de RFI.
La Guinée a signé un accord de financement avec la Chine pour un montant total de 20 milliards de dollars, soit un peu plus de trois fois le PIB guinéen. Cet accord c’est un troc mines contre liquidités ?
Cet accord n’est pas exactement un accord de troc et ce n’est pas juste un envoi de minerais contre paiement ou contre marchandises ou contre investissement des infrastructures, mais ce sont des projets qui vont faire l’objet d’études. Evidemment, ces financements seront faits par des entités chinoises, donc des banques chinoises, généralement garanties par Eximbank China, selon les modalités classiques d’intervention de la Chine aujourd’hui dans des investissements de ce type.
Donc le taux d’intérêt sera variable ?
Les conditions sont des conditions qui sont à mi-chemin entre les conditions de marché et les conditions appelées concessionnelles.
Comment la Guinée compte-t-elle rembourser si la croissance à deux chiffres attendue n’est pas au rendez-vous ?
Un certain nombre de projets ont été identifiés. Ce sont des projets économiquement viables, qui vont générer des revenus qui vont donc créer de la richesse. Le principe est que ces revenus vont servir essentiellement à alimenter les flux de remboursement des dettes qui seront contractées pour financer les infrastructures dont nous parlons aujourd’hui.
Mais ces milliards vont servir à quoi concrètement ?
Ça va servir à financer des projets. Un axe routier, la route nationale 1, la réhabilitation d’une université. Il y a aussi l’amélioration des infrastructures dans la ville de Conakry. Ça coûte cher tout ce qu’on perd comme temps dans les embouteillages. Donc, il ne s’agit pas de financer des éléphants blancs, comme on dit, il faut financer des projets qui permettent de contribuer à la croissance économique de la Guinée.
Est-ce qu’avec ces 20 milliards la Chine devient le bailleur principal ou l’unique bailleur du PNDES, le Programme national de développement économique et social ?
Non, pas du tout.
Donc la Guinée a toujours besoin des bailleurs de fonds internationaux ?
Absolument.
Pendant les vacances gouvernementales, le président Alpha Condé a procédé à un remaniement. Qu’est-ce qui l’a motivé ?
C’est quand même une des prérogatives du chef de l’Etat, bien entendu, en accord avec son Premier ministre de revoir les performances du gouvernement. C’est tout ce que je peux vous dire.
Certaines nominations font polémiques. Je pense, par exemple, à la nomination du nouveau ministre de la Culture Bantama Sow, nommé, disent ses opposants, parce que c’est un fidèle, un proche du chef de l’Etat. Comment jugez-vous ces polémiques ?
Je ne commenterai certainement pas ces rumeurs. Et le fait d’être un proche du chef de l’Etat pour moi ne peut que faciliter son travail.
Nous sommes début septembre et sur notre antenne le ministre de la Justice Cheick Sako avait promis l’ouverture du procès du massacre du 28 septembre courant 2017. Vous confirmez ?
La préparation se poursuit, l’instruction se poursuit. Et nous espérons justement que le procès pourra être ouvert au moins avant la fin de cette année.
Effectivement, des avancées dans la phase d’instruction, pourtant il y a un grand absent. Ce grand absent, c’est le général Sékouba Konaté qui était ministre de la Défense en 2009. Est-ce que Sékouba Konaté, numéro 2 du régime à l’époque, sera un jour entendu par la justice guinéenne ?
Encore une fois, je ne veux pas entrer dans des détails précis de l’instruction, mais je peux vous assurer que toutes les dispositions sont prises pour que nous ayons un procès.
Quand auront lieu les élections locales ?
On avait tendance à penser que la balle était toujours dans le camp du gouvernement. Vous comprenez bien qu’il y a plusieurs acteurs qui interviennent et qui sont, pour certains, des acteurs qui sont indépendants. Aujourd’hui, je me réjouis, il n’y a aucun élément de blocage.
Aucun élément de blocage, dites-vous. Pourtant il manque 200 milliards pour organiser les élections locales. Est-ce que les élections locales on les reporte à l’année 2018 ?
Effectivement, la question du financement est sur la table. Le glissement du calendrier a, certes, introduit quelques difficultés de ce point de vue, mais nous restons tout à fait confiants que ces questions seront surmontées afin que ces élections puissent être organisées le plus tôt possible.
Avant fin 2017 ?
Nous l’espérons.
L’organisation des élections locales qui est un des points de l’accord politique signé entre l’opposition et la mouvance en octobre 2016, l’opposition qui est déjà descendue dans la rue, il y a quelques semaines, et qui promet de descendre à nouveau dans la rue dans quelques semaines, si les élections locations ne sont pas organisées. Il y a une vraie attente de la population pour ces élections locales?
Encore une fois, ce n’est pas le gouvernement ici qui est en cause. D’ailleurs, le gouvernement n’a jamais été un frein à la préparation de ces élections. Il y avait clairement des questions objectives, des éléments qui ont retardé – parfois différé – l’organisation de ces élections. Mais aujourd’hui, le gouvernement travaille pour que ces élections soient tenues le plus tôt possible.
Source : RFI