« L’impunité était généralisée en Guinée depuis la répression sanglante orchestrée le 28 septembre 2009 par le régime putschiste de Dadis Camara contre une manifestation pacifique de l’opposition. La FIDH et son organisation membre, l’OGDH, constituées parties civiles en soutien de 67 victimes du massacre du 28 septembre, ont œuvré sans relâche pour nourrir le dossier judiciaire. Moussa Tiegboro Camara a été inculpé alors que la FIDH menait une mission judiciaire en Guinée.
Nul doute que les juges n’auraient pas remonté aussi haut la chaine de responsabilité sans la contribution de la FIDH au dossier. Le 1er février 2012, le Lieutenant-Colonel Moussa Tiegboro CAMARA a été inculpé pour son rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009 dans le stade de Conakry. Nos organisations se félicitent de l’inculpation le 1er février 2012 du Lieutenant-Colonel Moussa Tiegboro CAMARA pour son rôle présumé dans les graves violations des droits de l’Homme perpétrées le 28 septembre 2009 dans le stade de Conakry. Moussa Tiegboro CAMARA, qui a rang de ministre et qui est actuellement directeur de l’Agence nationale chargée de la lutte contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et le terrorisme, a été longuement auditionné aujourd’hui par les juges d’instruction en charge de l’affaire.
« L’inculpation de Tiegboro Camara, qui avait été mis en cause par le rapport de la commission d’enquête internationale des Nations unies comme étant l’un des principaux responsables des graves violations des droits de l’Homme perpétrées au stade le 28 septembre et dans les jours qui ont suivi, est un signal positif adressé aux victimes de ces crimes qui attendent que justice leur soit rendue » a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH. Le 8 février 2010, le Procureur général de la Cour d’appel de Conakry avait saisi trois magistrats d’une instruction visant « Aboubakar Diakité alias Toumba et tous autres » afin d’établir les responsabilités individuelles dans les événements du 28 septembre 2009 au cours desquels plus de 157 personnes ont été tuées, des dizaines de femmes ont été violées et ont subi d’autres crimes sexuels, plus d’une centaine de personnes ont disparu et des centaines d’autres ont été blessées et traumatisées. Dans cette procédure, la FIDH et l’OGDH, aux côtés des associations de victimes et de 67 d’entre elles, se sont constituées parties civiles et soutiennent les 192 victimes qui sont, à ce jour, constituées dans le dossier. « Cette inculpation est un pas important qui doit conduire à l’établissement de toutes les responsabilités et à la tenue d’un procès juste et équitable en Guinée, que tous les Guinéens appellent de leurs vœux » ont déclaré l’OGDH et les associations de victimes.
« A l’heure où la Guinée s’engage sur la voie de l’instauration d’un état de droit et de la réconciliation nationale, l’inculpation d’un ministre en exercice illustre le courage des juges de cette affaire et la volonté des autorités guinéennes de s’inscrire résolument dans la lutte contre l’impunité et de garantir l’indépendance de la justice » a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’Honneur de la FIDH et responsable du Groupe d’action judiciaire (GAJ) de la FIDH. Toutefois, en raison du poste qu’occupe Moussa Tiegboro Camara dans le gouvernement guinéen et de sa place dans la hiérarchie militaire, nos organisations sont vivement préoccupées par le risque d’interférence dans la procédure judiciaire. Nos organisations appellent les autorités guinéennes à garantir en toutes circonstances la sérénité de l’instruction en assurant notamment la sécurité de ses acteurs, en particulier les magistrats instructeurs, et en prenant toute mesure permettant de prévenir une quelconque entrave à la manifestation de la vérité. Dans cette lutte contre l’impunité des auteurs des graves violations des droits de l’Homme, l’apport et l’action complémentaire à celle des autorités politiques et judiciaires des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’Homme, des victimes des violations et de leurs représentants légaux est essentielle.
A ce titre, ces acteurs courageux doivent bénéficier de la protection et du soutien de la part des autorités guinéennes et de la communauté internationale, « Dans un pays qui a connu depuis des dizaines d’années une succession de graves violations des droits humains restés impunies, l’avancée de la justice est fondamentale. L’établissement d’une Commission vérité, justice et réconciliation constitue une deuxième étape importante qui devrait aussi permettre à la Guinée de faire face à son passé. Les plus hautes autorités de l’État nous avaient confirmé, en décembre dernier, que la sécurité, la vérité, la justice et la réconciliation étaient leurs priorités et qu’elles s’engageaient résolument dans cette voie », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. Nos organisations appellent enfin la communauté internationale à soutenir résolument les efforts des autorités politiques et judiciaires guinéennes en faveur notamment de l’indépendance de la justice, de la lutte contre l’impunité, et l’établissement d’un mécanisme national de vérité, de justice et de réconciliation. »
FIDH