On a presque tout vandalisé en Guinée lors de ces élections locales. Pour dire à ceux qui ne l’auront pas encore compris que l’on refuse la vérité des urnes. Du coup, la raison a fort à faire pour ne pas se laisser submerger par les sentiments et autres ressentiments qui se bousculent, réveillant en chacun la bête qui dort en lui. Du coup, le fatalisme tend à prendre le dessus sur l’instinct de survie avec tout ce qui va avec, tandis que le rationnel devient un adversaire contre lequel, tous les moyens sont bons.
Comment expliquer autrement que dans un pays pauvre, qui s’endette et endette ses générations futures, pour se doter d’infrastructures indispensables à sa survie on détruise celles-ci sous prétexte qu’on serait en colère contre les gouvernants parce que les résultats évidents des urnes ne plaisent pas aux perdants. Assurément, la raison a foutu le camp, l’homme devenant un simple cabri mort qui n’a plus peur de couteau, un être égoïste qui ramène tout à sa petite personne. A vrai dire, c’est proprement inacceptable pour la simple raison que la fureur passée, même les auteurs des actes de vandalisme eux-mêmes se perdent en conjectures, tout honteux d’avoir agi en bêtes sans raison.
Voilà pourquoi certaines analyses ou certaines attitudes laissent pantois, puisqu’elles tentent de justifier l’injustifiable. Que des partis politiques de l’opposition, appellent leurs militants à manifester illégalement avant même la proclamation officielle des résultats, est véritablement scandaleux. Soit ces partis veulent justifier par avance des actes similaires qu’ils auraient planifiés, soit c’est la résultante d’un manque criard de discernement à moins que ce ne soit un aveu qu’ils sont en déphasage avec les réalités nationales. Peut-être un peu de tout cela car à lire leurs argumentaires bâtis sur des lieux communs et des clichés que même la rue éprouve quelques scrupules à utiliser, on a la désagréable impression de se retourner des années en arrière. En effet, il est tellement évident qu’organiser des manifestations de rue dans le contexte actuel, c’est prendre le risque de voir celles-ci déraper qu’on pourrait difficilement leur accorder le bénéfice de la bonne foi.
Par ailleurs comme ils le soutiennent si bien eux-mêmes qu’ils sont légalistes, pourquoi ne pas attendre la publication officielle des résultats pour faire leurs réclamations à la CENI ou à la Cour constitutionnelle ? Comme s’il était plus facile de battre le pavé que de se poser cette question. Enfin on a la désagréable impression que nos politiciens veulent tout simplement être à l’air du temps (Togo, RDC), pour faire comme les autres ou agir pour ne pas être accusés de couardise. Une attitude pour le moins infantiliste qui traduit un manque de sérénité. Comment comprendre autrement leur appel aux acteurs de la société civile dont les syndicats, aux mouvements des droits humains, aux associations professionnelles, aux associations de jeunes, de femmes, de retraités, pour une action qu’ils ont décidée unilatéralement…
On pourrait continuer plus longtemps la liste des indices qui attestent que ces élections sont un prétexte d’une subversion bien planifiée.
A cet effet, il n’est pas de trop d’appeler au civisme des uns et des autres. Pas à celui des vandales qui sont loin d’être représentatifs des populations comme le soutiennent les Cellou Dalein et Cie, mais à celui du citoyen lambda dont on pourrait casser la boutique ou emporter l’étal, à celui du citoyen qui pourrait chuter à cause d’un nid de poule occasionné par un pneu brûlé sur la chaussée par un irresponsable.
Oui, le citoyen doit pouvoir se défendre et défendre ses biens. C’est même un devoir de ne pas laisser des écervelés détruire le patrimoine commun au prétexte d’une «élection peu crédible».
Il faut y songer et s’organiser hardiment dans ce sens. Si l’Etat démissionne ou s’il est débordé, le citoyen doit pouvoir s’assumer et dire non aux vandales et aux théoriciens du vandalisme.
Dans le même temps l’Etat devrait être mieux outillé tant sur le plan matériel que sur le plan législatif pour faire face à ce nouveau type de défis. Pour avoir quelque part confondu Etat de droit apaisé à Etat de droit tranquille, la Guinée est aujourd’hui à la croisée des chemins. La démocratie est un tout qu’il faut savoir maîtriser. Chacun a les libertés que lui donne la loi…, mais aussi des devoirs liés à la même loi. La loi elle-même a des devoirs, dont le tout premier est celui de protéger chacun contre les excès des autres. On l’oublie trop souvent.
Fodé Sylla