Censure

La chronique de Mamadou Dian Baldé/Kassory et le RPG, la fin justifie les moyens

Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce  dimanche à la recomposition du paysage politique, dans la perspective du remaniement ministériel. Un marchandage politique qui ressemble à un échange réciproque, du genre gagnant-gagnant, entre  les parties. Cette chronique vous est  servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».   

Talibé Barry: Votre  chronique de ce matin, Mamadou Dian, revient sur la fusion du parti de Dr Kassory Fofana dans le Rpg, cela dans l’optique de la nomination du leader de Gpt, au poste de Premier ministre. Vous qualifiez la démarche de marchandage politique? 

Mamadou Dian Baldé: Absolument. Après avoir dit non, Kassory Fofana dit oui au Rpg Arc-en-ciel, en faisant fondre son parti au sein du parti au pouvoir. Passage obligé pour gravir les marches qui mènent vers la primature. Car, devenir Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana continue d’en rêver en se rasant tous les matins. C’est en quelque sorte le grade qui lui manque pour se hisser au même niveau que Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Lansana Kouyaté.

Ces anciens Premiers ministres que le président ne peut plus voir en peinture. Pour jouer dans la cour des grands, Dr Kassory Fofana, ancien ministre de l’Économie et des finances, fait feu de tout bois. Car pour cet adepte de Machiavel, seule la fin justifie les moyens. On a donc vu Kassory aller ventre à terre pour satisfaire les desiderata du parti au pouvoir. En fondant le Gpt dans le RPG/Arc-en-ciel.

C’est un Kassory Fofana, vêtu de jaune, les couleurs du RPG/Arc-en-ciel, qui est venu exalter les mérites du président, devant une foule de militants et de cadres fortement mobilisés pour l’occasion au siège du Rpg samedi.

Il a mis cette opportunité à profit pour jurer de renoncer au pouvoir au profit du président Condé. Last but not the least, le ministre d’Etat chargé des Investissements publics et privés, promet d’en faire voir de toutes les couleurs à l’opposition, qu’il qualifie de « marginale », lors des élections législatives.

Pour maints observateurs, Kassory pratique juste la politique des effets de manches. Quand on sait que son poids sur l’échiquier politique est plutôt marginal. Le Gpt n’ayant en effet jamais réussi à devenir un  parti de gouvernement, à l’image du Rpg, de l’Ufdg ou de l’Ufr. Ses mauvais scores aux différentes élections auxquelles il a pris part depuis sa création, sont une illustration parfaite de la taille de ce parti.

Raison de plus de s’en débarrasser comme des scories, quand pour soi,  tout se ramène à un marchandage politique.

Si jamais le chef de l’Etat accédait à la sollicitation de Don Kass, en le nommant  Premier ministre, il va s’en dire qu’Alpha Condé va attendre de sa part, un renvoi de l’ascenseur, de manière généreuse.

Comme par exemple se servir de Kassory comme poisson pilote pour assouvir sa passion pour un troisième mandat. C’est du moins ce que pensent certains détracteurs du président. Toutefois, il faut se garder des préjugés. Même si le discours prononcé récemment  par le chef de l’État à Faranah, trahit manifestement ses velléités pour une présidence prolongée.

Le RPG, un parti attrape-tout

Pour vous, le Rpg est un parti attrape-tout, c’est-à-dire ?

Par définition, un parti attrape-tout « un parti qui séduit tous azimuts au-delà des classes sociales et surtout des clivages classiques entre droite et gauche ».

Pour revenir donc à nos moutons, je dirai qu’après sa  déculottée face à son challenger Cellou Dalein Diallo lors du premier tour de la présidentielle de 2010, Alpha Condé qui n’en récolta que 18% des voix contre 44% pour le candidat de l’Ufdg, avait du mouron à se faire. Avec ce score très corsé, c’est comme si on sort était définitivement scellé pour cette élection, dont l’enjeu était de taille. Vu qu’elle allait permettre d’élire pour la première fois un président guinéen dans les règles démocratiques.

Pour vaincre le coup de blues qui s’était emparé du Rpg, Alpha Condé avait dû ouvrir grandement les portes de sa formation politique à des alliés.

Issus de tous les bords politiques, ceux-ci avaient réussi, à travers une fusion élaborée dans l’entre-deux tours, à créer le RPG/Arc-en-ciel. Avant de se jeter à corps perdu dans la bataille électorale.

La tactique avait payé, car le candidat du RPG/Arc-en-ciel avait réussi à inverser la tendance, et à emporter le scrutin, dans un mouchoir de poche.

Alpha Condé avait su in fine, jouer au plus fin, alors qu’il n’était plus qu’un simple outsider, dans cette joute électorale qui avait déchaîné autant de passion.

Une fois au palais Sekhoutoureya pourtant, certains alliés vont reprocher au nouveau président élu de ne pas avoir la reconnaissance du ventre. Ce fut le cas de Lansana Kouyaté de Pedn,  de Kassory Fofana de Gpt, et plus tard de Dr Ousmane Kaba. Ce dernier, il faut le rappeler avait fondu son parti au sein du Rpg/AEC. S’ensuivit alors une longue période de friction entre Alpha et Kassory, surtout.

Les philippiques qu’il faisait alors contre le chef de l’Etat sont restées ancrées dans la mémoire collective. Comme pour dire que la politique, ce ne sont pas les enfants de cœur qui y jouent.

Mouctar Diallo ou l’art de la girouette

Vous avez également porté un regard sur le « rapprochement » qui se dessine entre le président Alpha Condé et l’opposant Mouctar Diallo des Nfd. On l’a constaté du côté de la région forestière à la faveur de la récente célébration de la Journée nationale du Paysan. Vous mettez la démarche de Mouctar sur le compte de l’opportunisme en somme ?

Nombreux sont les citoyens qui ont été frappés de surprise, en voyant Mouctar Diallo, confortablement installé aux côtés du chef de l’Etat, lors de la Journée nationale du Paysan, célébrée récemment à N’Zérékoré, capitale de la Guinée forestière. Cette tournée qui s’est poursuivie dans d’autres préfectures de sud-est de la Guinée marque sans doute le début d’une idylle entre le président de la République et le leader du parti Nfd. En voyant Mouctar se récrier d’admiration pour les efforts consentis pour le monde paysan par ce gouvernement, on ne peut qu’y voir l’art de la girouette.

On est loin de l’époque où cet opposant qui fut jadis très proche de Cellou Dalein Diallo, faisait des gorges chaudes du président de la République. Qu’est-ce qui a donc pu pousser le président des Nfd à changer de fusil d’épaule dans ses rapports avec le locataire de Sékhoutoureya ? N’étant pas dans la tête de Mouctar, je ne peux que conjecturer.

La débâcle électorale subie par son parti lors du scrutin du 04 février, pourrait avoir à mon avis, précipité l’ancien ministre de l’Elevage dans les bras du chef de l’Etat. Ce qui ne peut être que du pain béni pour celui-ci, quand on sait qu’il nourrit le dessein d’affaiblir l’opposition. Une opposition qu’il a toujours traitée d’ailleurs avec condescendance.

Après les résultats du vote, on a constaté que le président des Nfd était resté sur son quant à soi. Optant carrément pour la diète médiatique. C’est comme si Mouctar avait du mal à trouver remède à sa gueule de bois électorale.

Finalement, realpolitik oblige, le leader des Nfd a décidé de jouer sur les deux tableaux.  Surtout n’oublions pas que le clap de fin pour cette législature, c’est pour bientôt. La meilleure manière d’assurer ses arrières serait certainement pour l’honorable député, de passer du bon côté du manche. Qui est fou!

Il faut dire que cet opposant n’est pas à blâmer d’autant qu’il assume son choix. D’autres comme Dr Faya Millimono eux, préfèrent prendre du champ pour réfléchir sur l’avenir…

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