Censure

‘‘A partir du 21 juin, nous allons à la désobéissance civile, nous ne reconnaîtrons plus les chefs de quartier…’’, dixit Badra Koné, candidat indépendant à Matam

Réunis en « coalition » avec les autres listes indépendantes,  la LBK (Liste Badra Koné) sous la houlette de son patron, Badra Koné, prévoit, demain jeudi, une marche et un sit-in au siège de la commune de Matam, avec pour objectif d’exprimer leur mécontentement face au retard de l’installation des exécutifs des différentes mairies, depuis les élections locales du 4 février dernier. Rencontré, il y a quelques jours, Badra Koné, nous a donné les détails sur ce mouvement qui compte sur la participation de milliers de jeunes.

Guinee7.com : Expliquez-nous de quoi il s’agit et pourquoi ce sit-in ?

Badra Koné : Je suis le seul candidat indépendant dans la commune de Matam. Mais il y a eu dans d’autres communes des candidatures libres, au compte de ces élections, notamment, Dixinn, Kaloum,  Ratoma et Matoto, et partout dans le pays d’ailleurs. Nous avons compris une chose et pour nous c’était une mauvaise volonté du chef de l’Etat, qui a demandé de régler les contentieux de cette élection, mais qui a été le premier à poser des actes qui ne sont pas nobles. C’est à dire, on ne peut pas prétendre vouloir régler les contentieux d’une élection locale, parce qu’il y a une différence entre les deux : élections locales et élection nationale. L’élection nationale incombe aux partis politiques, tandis que les élections locales,  c’est là que nous citoyens, nous nous exprimons en tant que candidats. Il ne faut pas vouloir régler les contentieux d’une telle élection et partir se concerter avec les politiques ; c’est ce qu’il a fait, il a rencontré les politiques et il a oublié que la candidature indépendante était importante dans cette élection. Il ne nous a pas concertés, nous autres ;  pourquoi il l’a fait ?  C’est une chose qui a attiré notre attention pour dire, attention ! Ils veulent politiser cette élection locale. Nous ne sommes pas dans l’esprit de politiser nos secteurs, nos maisons, nos quartiers. Voilà, la politique, c’est à un niveau, mais les citoyens aussi doivent se prendre en charge à un autre niveau. C’est dans cette perspective qu’on est en train de se battre. C’est cela les collectivités décentralisées. Donc, nous trouvons que le président est le premier à créer une situation qui ne soit pas confortable pour la réalisation de l’idéal qu’il nous faut aujourd’hui en Guinée. Suite à cela,  quand il a rencontré les politiques, ils ont décidé des choses, ils ont fait des réunions entre quatre murs pour décider du sort de tout le monde,  ils ne se sont pas compris, il y a une partie des personnes qui se sont rencontrées là-bas qui ont demandé de recompter les voix,  nous avons dit que nous sommes d’accord,  s’ils veulent le faire même cet après-midi, on est partant. On est convaincu que si on n’a pas plus, on n’aura pas moins. Il y a la mouvance qui demande l’élection partielle dans les coins où il y a eu des problèmes, notamment Matam, entre autres, nous on est d’accord, je sais que si on va à une autre élection, si je ne suis pas premier, je ne serai pas dernier. Troisièmement, on dit de maintenir les résultats qui ont été annoncés, on est d’accord aussi. Mais notre problème aujourd’hui, c’est que nous avons avisé il y a deux mois, d’ici le 21 juin, si rien n’est fait, nous allons prendre notre responsabilité. Notre responsabilité, c’est quoi ?  Nous allons nous lever en bon citoyens, parce que le problème du Guinéen se résume aujourd’hui à cela, nous aimons dénoncer, mais nous ne posons pas d’actions. À partir du 21 juin,  on va sortir à Matam ici, montrer que la population est mécontente. Nous n’allons plus reconnaître de chefs de quartiers dans les 24 quartiers de Matam. Parce que le 21, nous commencerons à Matam, et le 28 nous serons dans la commune de Dixinn, avec Laye Djiba Camara ; c’est une synergie d’actions qui va tourner dans les différentes communes. Il est clair qu’à partir de ce 21 juin, nous ne reconnaîtrons plus les chefs de quartiers, parce qu’une élection a eu lieu et devait aboutir à la mise en place des chefs de quartier et des exécutifs par la suite, ou vice versa. Je te donne un exemple, dans mon quartier ici, le chef de quartier, quand tu vas l’appeler pour lui dire qu’il y a des saletés quelque part, monsieur te dit : ‘’laisse-les, ils ne sont pas civilisés’’. Mais quand tu vas lui dire qu’il y a une fête qui s’organise à un carrefour, monsieur se présente avec son bureau pour récupérer les 200.000 FG qu’ils prennent avec les gens. À partir du 21, on ne payera plus cet argent pour organiser des fêtes ici ; cela c’est terminé. Deuxièmement, nous n’allons même plus reconnaître l’exécutif communal de Matam, c’est pour cela nous allons faire le sit-in au siège de la mairie.

Comment est-ce que cela va se dérouler ?

C’est une marche qui se termine à la commune ; nous commençons à Bonfi Bas-fond pour nous retrouver sur la route du Niger.

Nous avons l’habitude que souvent, les marches soient annulées par le gouvernorat,  parce qu’elles ne sont pas autorisées ou pour d’autres raisons,  qu’en est-il de la vôtre ?

Celui qui dit ça au gouvernorat ne sait pas comment les choses se passent dans les règles de l’art. On informe le gouvernorat, on ne demande pas une autorisation au gouverneur. On a déposé la lettre, nous avons la copie accusée de réception.  Donc, c’est à eux de nous appeler, de dire c’est ça ou ça.  Mais ce n’est pas à nous de revenir, nous on a déjà déposé. La loi aussi veut que si on ne répond pas à cette lettre, qu’on se dise que c’est bon. Le silence nous donne autorité de partir là-dessus. Nous n’allons pas sortir dans l’illégalité, nous sommes légalistes, le gouverneur est au courant.

Aujourd’hui tout Conakry est sale ; c’est parce que le premier responsable de l’assainissement de la commune n’est pas en place. Si on avait mis un maire en place dans les différentes communes, il y aurait eu une synergie d’actions entre ces maires pour trouver quelque part où jeter les ordures. On serait organisé pour ne pas récupérer les ordures et aller les jeter et trouver une manière de recycler ce qui peut l’être et brûler ce qui est à brûler etc.  C’est des choses qui peuvent se faire tout de suite. Je vois le Premier ministre Kassory qui se tape une publicité depuis quelques jours, qu’il faut s’organiser pour nettoyer Conakry. Il n’a qu’à prendre les derniers dimanches du mois et prendre tous les jeudis, pendant 10 ans, il ne réussira pas ce qu’il veut faire, parce que tant qu’on n’a pas trouvé où jeter les ordures, quand on prend les ordures, on ne saura pas où les mettre. C’est ça le souci. C’est un processus et on ne peut pas se dérober à ça. Nous à Matam, nous sommes submergé de saletés chez nous ; le 21, nous allons sortir tout ce qui est ordures, nous n’allons pas les mettre chez les voisins, nous n’allons pas les mettre dans les caniveaux, mais sur la voie publique, parce que c’est pour l’Etat. Tant qu’ils savent qu’ils sont indisposés, ils prennent des dispositions. Mais tant que nous, nous souffrons, ils s’en foutent de comment on vit.

Au-delà de ce sit-in qui pourra certainement échouer, connaissant un peu l’histoire des marches en Guinée, que comptez-vous faire ?

Ça va réussir, parce que tu sais, comme on le dit en bon soussou “celui qui te guette est plus malin que toi”. Nous avons compris comment ils marchent. Nous n’allons pas nous limiter au 21 juin, on va poursuivre. C’est un processus qui commence, à partir du 21 juin, nous sommes allés dans la désobéissance civile, nous ne reconnaîtrons plus les chefs de quartiers, ça veut dire qu’il n’y a pas d’Etat dans les quartiers, nous ne reconnaîtrons plus l’exécutif communal qui est là. C’est pour toujours dire qu’il n’y a pas d’Etat dans la commune. Nous allons toutes les semaines sortir manifester notre mécontentement, pour la sortie de toutes les saletés, les poser quelque part où ils seront obligés de venir les prendre pour les jeter.

Interview réalisée par Abdou Lory Sylla pour Guinee7.com

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