Censure

La chronique de Mamadou Dian Baldé : Kassory ou la technique de l’autruche

Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce  dimanche à la fermeté que continue d’afficher le gouvernement, dans la crise qui secoue le pays, depuis la hausse des prix des carburants, survenue  à la pompe. Les discours musclés du  Premier ministre Kassory Fofana ne faisant que raviver les tensions sociales. Cette chronique vous est  servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».   

Talibé Barry: Bonjour Mamadou Dian, dans votre chronique de ce dimanche qui s’intitule « Kassory ou la technique de l’autruche », vous pointez du doigt l’opiniâtreté du Premier ministre Kassory, dans le bras de fer avec les syndicats?  

Mamadou Dian Baldé : Dans le bras de fer qui oppose le gouvernement au mouvement syndical, autour de la hausse des prix des carburants à la pompe, le Premier ministre Kassory Fofana se conduit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. C’est le moins qu’on puisse dire, avec ses discours musclés, au ton comminatoire, qui ne font que raviver le brasier. Mettant ainsi à l’eau tous les efforts consentis par le médiateur de la République, Mohamed Saïd Fofana, et toutes les bonnes volontés, qui se démènent comme de beaux diables pour rabibocher les deux parties en conflit.

Le médiateur de la République avait, il faut le rappeler, réussi à tordre le bras des leaders syndicaux, en les ramenant autour de la table de dialogue. Afin de trouver une issue à cette crise qui perdure.

Ceux-ci se s’étaient pliés à cette demande, sans rechigner. Ce qui était en soi une « prouesse » de la part de Mohamed Saïd Fofana. Quand on sait que le mouvement syndical avait posé comme préalable à tout dialogue, la suspension de la décision relative à la hausse des prix des carburants à la pompe. « 8 mille francs ou rien », tel était le slogan, scandé au gré des discours des syndicats.

La hausse des tarifs à 10 mille francs guinéens, le litre d’essence, étant considérée comme le fait du prince.

Ainsi, après plusieurs jours d’agitation dans la cité, pour des faits de grève, le retour des leaders syndicaux autour de la table de dialogue était perçu comme une bouffée d’oxygène par bien des citoyens.

Mais les espoirs seront finalement déçus par les piques que le Premier ministre a lancées aux syndicats. Dr Kassory Fofana est allé jusqu’à   recommander une réforme du monde syndical. Comme si nos centrales sentaient en plein nez la naphtaline.

Amadou Diallo et ses camarades ont mal pris cette remarque désobligeante. Et, ce qui devait arriver arriva finalement. La relance du dialogue tripartite entre le gouvernement, le patronat et le syndicat ayant fait long feu.

Le Premier ministre, qui ne mesure sans doute pas l’ampleur de la crise, a brûlé ses vaisseaux, en jurant de ne plus reculer, malgré la persistance de l’opinion, en faveur d’une suspension des nouveaux tarifs appliqués à la pompe. Ça paraît désormais tomber sous le sens, que le locataire du palais de la colombe est bien décidé à mener  les Guinéens à la baguette. Advienne que pourra. Même si ce refus de voir la réalité en face peut s’avérer lourd de conséquence pour son gouvernement.

Fin de la lune de miel

Vous revenez également, dans cette crispation sociale, sur le divorce entre le gouvernement et les syndicats, qui pourtant selon vous, vivaient jusque-là en bonne intelligence ?

L’Intercentrale syndicale Cntg-Ustg a fini par larguer les amarres, mettant ainsi un terme au pacte faustien qu’elle était soupçonnée d’avoir passé avec le pouvoir exécutif. Ce qui suspend du coup le pacte de « non-agression » entre les syndicats et le gouvernement.

Les leaders syndicaux ont saisi l’occasion qu’offrait cette crise liée à la hausse des tarifs à la pompe,  pour ferrailler avec le gouvernement. Celui-ci ayant de but en blanc, procédé à l’augmentation des prix des produits pétroliers à la pompe. Dans ce méli-mélo, les partenaires sociaux brandissent l’argument selon lequel, ils n’auraient pas été consultés, dans la nouvelle structuration des prix.

Les détracteurs de l’Intercentrale pointent du doigt le caractère opportuniste de la démarche des syndicats. Eux, qui, il faut le noter, s’étaient déconsidérés aux yeux de l’opinion, qui les trouvait en bonne intelligence avec le pouvoir. (Une brèche dont a profité Aboubacar Soumah pour se hisser à la tête du slecg, se présentant ainsi comme la seule alternative à la vieille garde syndicale).

Preuve que cette lune de miel a pris fin, la Bourse du travail, a reçu récemment une visite musclée des bérets rouges du camp Macambo, situé non loin de ce siège de la Confédération nationale des travailleurs de guinée (Cntg). Après avoir bouclé le périmètre, afin empêcher tout accès aux locaux, des éléments de cette garde rapprochée du président de la République ont pris à partie le porte-parole de l’Intercentrale, le camarade Mamadou Mansaré.

La société civile rattrapée par ses vieux démons

Vous faites également allusion à la  société civile, qui selon vous, a voulu être à l’avant-garde du combat contre la hausse des prix des carburants à la pompe, mais que ses divisions internes ont fini par avoir raison d’elle ?

La société civile a voulu, surfer sur le mal-vivre des populations, pour se faire entendre suite à la hausse des prix des produits pétroliers à la pompe. Pour cela, il fallait organiser un rapport de force avec le gouvernement.

Malheureusement pour notre société civile, après un semblant de cohésion dans ses rangs, elle a fini par être rattrapée par ses vieux démons. Les dirigeants des  plates-formes qui la composent ont commencé à se crêper le chignon. On a ouï-dire dans ce pandémonium, de la bouche même de certains de ses membres, que le mouvement était infiltré par des sbires du pouvoir exécutif.

Ainsi, les forces sociales semblent avoir pris du plomb dans l’aile, après avoir eu tout le mal du monde à tenir tête aux autorités, qui ont usé d’un maintien d’ordre, qui s’apparente plus à des méthodes de soudards, pour étouffer les  contestations.

A ce rythme, c’est comme si le gouvernement voudrait les avoir à l’usure. Et le fait de passer son temps à mener des combats d’arrière-garde, ne contribuera qu’à plonger davantage notre  société civile dans la tourmente.

A moins que pour sa survie, elle ne s’acoquine avec l’Intercentrale, pour remettre à flot les forces vives. Un machin qui n’a pas laissé que de bons souvenirs à notre processus démocratique, qui en porte d’ailleurs les stigmates.

 

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