« Quand le président nous a reçus, il était très en colère. Il a dit que c’est nous qui sommes en train de dire qu’il a vendu le port. Je lui ai dit que c’est vrai… ».
Ainsi s’est exprimé en substance Cheick Touré, le secrétaire général du syndicat du port autonome, à propos d’une rencontre tendue que lui et certains de ses camarades ont eu, il y a quelques jours, avec le président Alpha Condé. Suite à la signature d’un contrat de concession d’un des terminaux du port de Conakry à une société turque qui appartiendrait, dit-on, à un membre de la famille du président Erdogan.
Au terme de ce face à face infructueux, Cheick Touré, ci-devant suppléant uninominal élu de l’UFR lors des législatives de 2013 (empêché de siéger par le même parti après le départ de Baïdy Aribot), s’est tourné vers l’inter-centrale CNTG-USTG.
Une aubaine pour les dirigeants de cette dernière. Avec le flop retentissant de la grève déclenchée pour dénoncer la hausse du prix du carburant, Amadou Diallo, Mamadou Mansaré et autres Louis M’Bemba Soumah étaient plutôt à la peine. Cherchant désespérément un moyen de sauver la face, à défaut d’inverser un rapport de force jusque là défavorable.
Ceux qui pensaient que le patron de Sékhoutouréya avait retenu la leçon avec l’épisode Aboubacar Soumah et le SLECG, ont dû déchanter. Cette fois encore, en se positionnant en premier recours, au nez et à la barbe du Premier Ministre dont l’un des champs d’action est justement le dialogue social, il remet à flot le duo CNTG-USTG, donne un second souffle à ses dirigeants qui, pour échapper à l’isolement, font des mains et des pieds pour se réconcilier avec d’autres leaders syndicaux qu’ils avaient pourtant bannis. Notamment Aboubacar Soumah du SLECG et Abdoulaye Sow de la FESABAG.
Une bouée de sauvetage inespérée pour l’inter-centrale
L’avènement de Kassory Fofana à la Primature a été perçu par de nombreux observateurs comme un tournant. Contrairement à ses prédécesseurs sans véritable autorité, plutôt confinés dans les inaugurations de chrysanthèmes et autres activités protocolaires, Alpha Condé, s’est-on dit, a finalement un Premier ministre qui va aller au charbon, prendre des coups à sa place, focaliser les frustrations, voire jouer le fusible si d’aventure les choses tournent mal au point de menacer directement le pouvoir de Sékhoutouréya.
Les premières décisions attribuées au PM (lutte contre la corruption par exemple), ainsi que la forte personnalité du promu, ont eu raison de certains scepticismes. Sa fermeté face à l’inter-centrale CNTG-USTG dans la crise née de la hausse du prix du carburant, le désamorçage d’actions de protestation de l’aile dure de l’opposition, etc. sont à inscrire dans ce registre. Même s’il faut reconnaître qu’en ce qui concerne les syndicats, la crédibilité en berne de certains leaders lui a facilité la tâche.
Maintenant, avec la première réaction du gouvernement survenue après la rencontre infructueuse de Sékhoutouréya, à travers une sortie du ministre des Transports, il est évident que s’il n’y a pas d’accalmie, Kassory Fofana devra descendre dans l’arène. Non pas armé de glaive, mais avec des arguments de nature à rassurer les travailleurs du port et démontrer face à l’opinion le bien-fondé de la décision gouvernementale. Ou plutôt présidentielle ?
Ce qui ne sera certainement pas une sinécure. Avec toutes ces histoires de vrais et faux scandales qui jalonnent l’histoire récente du pays, ainsi que les affinités entre le couple présidentiel guinéen et la famille de Recep Tayyip Erdongan, il ne sera pas facile de dissiper toutes les odeurs de suspicion.
Et comme pour apporter du grain à moudre à ses détracteurs, à peine le contrat signé, Alpha Condé n’a pas trouvé mieux à faire que de mettre le cap sur …Ankara.
Pas seulement pour soutenir Erdogan ou l’aider à panser ses bobos dans l’inégal combat qui l’oppose à Trump, diront certaines mauvaises langues.
Top Sylla